Mais déjà comme le permet les statuts, des camarades s’apprêtent à déposer un texte alternatif (il y en aura peut-être un autre ?).
L’ancien secrétaire national, Pierre Laurent fait partie des signataires de ce texte. Président actuel du CN, il s’oppose donc frontalement à l’organisme qu’il préside et de fait, à Fabien Roussel. Egalement signataires, les partisans.es d’Elsa Faucillon porte-parole du texte alternatif « le printemps du communisme » lors du 38ème congrès, texte qui avait recueilli 12 % des voix des communistes, ont rejoint ceux auxquels ils s’opposaient au 38e congrès : Pierre Laurent, P Hyaric, F Wurtz, Marie Georges Buffet ainsi que des élus qui avaient fait allégeance à la candidature de Mélenchon lors de la présidentielle.
Notons que 45 % des premiers signataires de ce texte sont des camarades de la région parisienne, pour beaucoup des élus et responsables fédéraux., Sur les 500 signataires affichés cette proportion monte à plus de 51% , C’est dire la continuité d’un certain point de vue idéologique puisque qu’en Ile de France ces camarades en charge des élections ont construit une liste aux élections régionales avec une tête LFI qui a permis à LFI d’obtenir 10 élus contre 0 précédemment tandis que les élus communistes passaient de 8 à 7.
Pas surprenant si nous prenons en compte la présence parmi les signataires du maire de Gennevilliers Patrice Leclerc, qui dans un article publié par «Médiapart» le 30 décembre 2020 intitulé "Face au risque d’«effacement», le PCF de 2020 cherche encore sa boussole " celui-ci dit : « Pour rester fidèles au communisme, les cocos devraient avoir le courage de se dissoudre ». Une opinion très minoritaire dans notre parti, tel que l’avaient montré les débats du 38e congrès, mais il persiste.
Ajoutons que les initiateurs de ce texte s’étaient déjà unis dans l’opposition en refusant, avant même l’écriture de la base commune adoptée par le CN, de s’investir dans la commission de rédaction du texte alors que certains signataires en avaient été élus membres.
D’une manière générale ce texte est un mix du texte porté par Pierre Laurent et du texte du printemps lors 38ᵉ Congrès et a donc, pour fil conducteur un retour aux pratiques des décennies antérieures qui a entraîné l’effacement du parti.
Si l’on devait résumer ce texte en peu de mots, c’est un texte qui caresse beaucoup les communistes dans le sens du poil : il est beaucoup question de communisme, de dépassement du capitalisme, de mouvements unitaires, de dénonciations de ce qui va mal mais aucun chantier d’actions n’est proposé concrètement.
La solution ce serait la Nupes pour la conquête du pouvoir électoral, la Nupes dont le programme accepté par le PS, EELV et FI est qualifié de « programme de rupture » ! Ce qui de facto, rend inutile toute initiative communiste et s’oppose à une candidature pour l’élection présidentielle. Lorsqu’on sait les immenses limites de ce programme sur les moyens financiers à mobiliser et les pouvoirs nouveaux à instaurer pour engager un changement de société, c’est pour le moins tromper son monde.
Son fil directeur, c’est de placer les adhérents sous la pression d’une double urgence :
— la crise climatique,
— la menace d’une prise de pouvoir de l’extrême-droite.
Ces deux urgences, desquelles la riposte aux actes de destruction sociale de Macron sont absentes, exigeraient la mise au rancart du travail idéologique et politique au profit de démarches strictement électoralistes dans le cadre de la NUPES. Devenues l’alpha et oméga de la démarche politique de ces camarades.
Bien sûr, ce n’est pas dit directement comme cela, et on trouvera sous la plume de ces camarades toujours quelques lignes sur l’urgence du communisme et l’apport indispensable du Parti. Mais il faut voir l’essentiel de la démarche proposée. Et comment ne pas voir que les signataires, sont ceux-là même qui ont systématiquement dilué le PCF en effaçant les positions de classe ces dernières décennies, liquidé les écoles de formations du Parti ?
S’ajoute à cela que ce texte :
— pointe dans une sorte de procès la période écoulée depuis le 38 ᵉ Congrès et s’attaque à l’efficacité de la candidature communiste à l’élection présidentielle, tout en étant très peu prolixe ni critique sur la période où Robert Hue, Marie Georges Buffet puis Pierre Laurent dirigeaient le Parti, c’est-à-dire du Congrès de Martigues en 2000 au 38ème en 2018.
— a plus d’habileté à cacher le retour au passé liquidateur que les textes alternatifs antérieurs émanant du « Printemps ». Il prend en compte des idées et formulations de la Base Commune pour mieux les tirer de façon quasi subliminale vers des thèses de Bernard Friot., Ainsi de la notion de salaire « garanti tout au long de sa vie », qui ramène tout au seul travail et à sa rémunération : cela évince par exemple la retraite et donc la bataille pour étendre les cotisations sociales ― car la pension de retraite, justifiée par un travail passé, n’est pas un salaire mais un revenu issu des cotisations sociales de celles et ceux qui travaillent ― cela évince aussi l’immense enjeu des batailles pour la formation et les allocations de formation des travailleurs ou des étudiants, dont on voit pourtant à quel point la crise de notre industrie ou de notre système de santé en souffrent.
Ainsi encore du « communisme déjà là » qui entraîneraient le PCF et les communistes à ne pas mener de bataille idéologique et laisser le champ libre au capital. Le « communisme déjà là » correspond en fait à une vision voisine « du royaume de dieu déjà parmi vous » de l’évangile de Saint-Luc signalé récemment par l’Humanité Magazine.
Ce texte porte une vision politique qui est bien définie dans sa conclusion, portant en elle un effacement entier du PCF et de ses idées, empêchant toute possibilité de créer les conditions d’un dépassement du système capitaliste pourtant contradictoirement cité plusieurs fois.
Rôle de la BCE ? Connait pas ! Forte critique d’une ligne considérant les luttes sociales comme indispensables pour changer la société et, à l’opposé, insistance mise sur les luttes sociétales déconnectées de l’affrontement Capital/Travail, alors que l’articulation social/sociétal est un enjeu déterminant de la période. Pour éluder la question de la transition politique la notion de socialisme est évoquée pour la résumer aux échecs et au goulag.
Création d’Emplois, connaît pas ! La Formation liée à l’emploi, connaît pas ! La Sécurité- Emploi-Formation, connaît pas ! Les pouvoirs nouveaux et des critères de gestion, connaît pas !
Ce qui est dit du travail est très embarrassé et confus. Pour sauter par-dessus, sur beaucoup de points il est fait état de discussions non closes. Par contre en matière économique et social les tenants de ce texte ont des intentions plus précises, comme le montre encore l’exemple, à nouveau, de Patrice Leclerc qui dans un texte publié en juillet 2022, à propos de l’utilité communiste devant l’enjeu climatique ou il écrit sur la lutte contre le productivisme, pour changer les rapports de productions, contre le capitalisme du désir consumériste pour développer une frugalité heureuse.
Côté organisation du parti, aucune ambition de développement des cellules et des réseaux d’entreprises et de quartiers, abord très flou des questions de formations. Les questions du rassemblement sont abordées, mais sans aucun enjeu de contenu, avec comme seule perspective le développement de la Nupes dont les dérives ne sont même pas analysées.
Au niveau du fond, le fil conducteur c’est que l’heure n’est pas, selon les auteur.es, à une reconquête patiente de l’hégémonie dans la classe ouvrière, le salariat, et auprès des dominé.e.s, mais à la mise bout à bout de luttes dispersées avec l’espoir d’une avancée électorale pour la NUPES. Effectivement, tout part d’une prémisse : l’immense majorité de notre société serait déjà « spontanément » contre le capitalisme et quasiment en faveur du communisme, « déjà là », dans notre société. Cueillons donc le fruit déjà mûr !
Comme les « réformateurs » des années antérieures le disaient, le grand mérite du PCF serait de se mettre au service de tout ce qui n’est pas de lui. Le fond est supplanté par la forme « rassemblement ».
C’est une vision sociale-démocrate pure et dure, donc en résumé un vrai projet politique entrepris déjà au Congrès de Martigues…. C’est un texte qui sonne une contre-attaque rétrograde à la Base Commune.
Nous devons et pouvons réagir devant la déstabilisation du parti qui est recherchée. On voit bien que ce texte est pris dans une contradiction : il veut apparaître comme la légitimité, mais il est soutenu par un groupe soucieux avant tout de se compter dans une revanche du 38ème.
Pour les années passées depuis l’adoption du Manifeste, le compromis de fait avec Pierre Laurent a freiné ou bloqué nombre d’initiatives et de débat politique qui auraient permis de réunir celles et ceux qui ont fait le changement au sein du CEN et du CN.
Il faut donc analyser le texte passéiste et répliquer en allant sur le fond.
- La Sécurité- Emploi-Formation contre les notions de salaire à vie et/avec un retour à une vision d’économie centralement administrée.
- Conquêtes de pouvoirs décentralisés, conquêtes de pouvoirs dans les entreprises permettant d’intervenir réellement dans les choix stratégiques au plus près des lieux de création de valeur ajoutée pour une utilisation de l’argent des profits et du crédit pour les femmes et les hommes, pour produire autrement face à l’illusion d’une transformation sociale par décrets.
- Contrôle public et social citoyen des leviers de l’utilisation de l’argent des banques et des profits ou illusion du financement des besoins par le seul impôt, etc., illusion dont on a vu à quel point elle handicape la gauche jusque dans le moment électoral des législatives.
- aider à la convergence des luttes et à leur politisation, au lieu de s’en tenir à commenter leur remontée.
Notre problème, c’est de construire rapidement cette riposte.
- Pour cela, il nous faut agir pour obtenir un rapport de force important (plus important que les 42/38 du 38ème congrès), et le faire non pas dans une posture de défense autour du secrétaire national, mais sur le fond, sachant que tout n’a pas été mis en œuvre pour mettre en pratique les choix du 38ème congrès, d’ailleurs le texte adopté par 87 % des congressistes n’a pas été l’objet d’une publication en brochure du Parti.
Obtenir un rapport de force plus important permettra de développer effectivement un parti en situation d’avancer pour l’initiative communiste et l’originalité communiste, pour élever le niveau de notre intervention au service d’un apport à toute notre société.
Sera aussi à discuter le rôle de l’Humanité qui présente le texte avec beaucoup de complaisance, pour ne pas dire avec la volonté de lui donner un bon coup de pouce dans la recherche des signatures nécessaire à son existence (pour l’instant, au regard de nos statuts, il n’a aucune existence, celle-ci étant subordonnée aux signatures nécessaires validées par la commission transparence).
On apprend néanmoins qu’il est soutenu par Pierre Laurent, Marie Georges Buffet, Bernard Vasseur (dont peu de communistes se souviennent qu’il était secrétaire de Robert Hue, puis secrétaire du ministre J.-C. Gayssot, il a soutenu les ouvertures de capital-privatisations de L. Jospin), Elsa Faucillon et Stéphane Peu.
Jean-Louis Cailloux