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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 10:47

Le quinté de tête des chiens de garde du patronat

PIERRE-HENRI LAB

Lundi, 10 Novembre, 2014

Former les cadres d’une entreprise à la lutte contre les syndicats, influencer l’opinion publique à coups d’« études » souvent bidonnées ou faire du lobbying auprès des parlementaires ou du gouvernement. Passage en revue des principales boîtes à outils patronales qui s’y attellent.

L’IFRAP, s’il pleut, c’est parce qu’il y a trop de fonctionnaires !

La directrice de l’Institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), Agnès Verdier-Molinié, est l’un des piliers de comptoir de l’émission « C dans l’air » où elle ne cesse de mettre en avant ses 50 idées pour faire 50 milliards d’euros d’économies. Des recettes qu’on peut résumer en un mot : privatiser. Toujours une petite statistique pour nous démontrer, sur l’air de « ces feignasses de fonctionnaires sont payés à ne rien foutre », qu’il y a trop de profs et que nos voisins allemands, qui en emploient beaucoup moins, obtiennent de bien meilleurs résultats. L’Ifrap a beau régulièrement être épinglé par Mediapart ou encore par Bastamag pour ses expertises bidonnées, la plupart des médias continuent de lui prêter la rigueur scientifique de l’Insee. agnès Verdier-Molinié, dont l’un des faits d’arme est d’avoir dénoncé « le pouvoir gay » dans « l’express », n’a pourtant aucune compétence particulière si ce n’est de voir ses grands-parents figurer dans le « Bottin mondain », cet annuaire de la grande bourgeoisie. Quand à l’Ifrap, il a été fondé en 1985 par Bernard Zimmern, un ancien trésorier du lobby anti-impôt les Contribuables associés... avant de devenir, en 2009, une fondation d’utilité publique, ce qui lui permet de bénéficier de fonds publics. eh oui, ça ne s’invente pas...

L’AFEP, ou le lobbying aux commandes

En 1981, l’arrivée de la gauche au pouvoir, et surtout celle des communistes, plonge le patronat dans l’effroi. si certains sont tentés de fuir « l’arrivée imminente des chars russes sur l’avenue des Champs-Élysées », d’autres vont tout faire pour s’opposer au changement. en 1982, le directeur de la Compagnie générale des eaux, ambroise roux, créel’association française des entreprises privées (afep). « avec l’afep, je veux recréer l’establishment mis à mal par les nationalisations, je souhaite redonner vigueur au capitalisme », déclare-t-il à l’époque. L’afep sera donc un lobby patronal chargé d’influencer les politiques économiques et sociales. 32 ans plus tard, elle poursuit dans cette veine. fiscalité, droit du travail, environnement, énergie... aucun domaine ne lui est étranger. elle produit « des contributions aux travaux législatifs, avec pour ambition d’apporter des réponses pragmatiques en faveur du développement d’une économie française et européenne compétitive ». elle dispose d’un bureau à Bruxelles. PSA, Renault, Crédit agricole, société générale... 111 entreprises en sont membres.

AU SÉNAT, AU PRINTEMPS, LES LOBBIES SONT PARVENUS À DÉNATURER LE TEXTE SUR L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE.

COE-REXECODE, la recherche pour les intérêts des possédants

Créé en 2006, le Centre d’observation économique et de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises (Coe-RexeCode) est un institut privé d’études économiques qui fournit « une veille conjoncturelle et des prévisions » sectorielles ou catégorielles à ses 80 entreprises adhérentes. Parmi lesquelles figurent des grandes banques comme Société générale, des sociétés d’assurance comme Allianz, des grands groupes publics ou privés comme edF et Bouygues et des organisations patronales comme l’UIMM. L’institut revendique aussi de « participer au débat de politique économique », dans lequel il défend les intérêts du patronat. Parmi ses chevaux de bataille, la durée du temps de travail, à propos de laquelle Coe-RexeCode ne lésine pas sur les moyens pour « démontrer » que les salariés français sont parmi ceux qui travaillent le moins. Pour y parvenir, l’institut a mis en avant la durée effective du temps de travail des salariés à temps complet, qui était en 2013 en France de 1 661 heures contre 1 781 en Allemagne. Ce faisant, il écarte la durée effective du temps de travail des salariés à temps partiel, qui est de 993 heures en France contre 851 en Allemagne. Au final, la prise en compte de la durée effective du temps de travail par salarié est à l’inverse de ce que Coe-RexeCode s’acharne à démontrer. Chaque semaine les salariés français travaillent en moyenne 35,2 heures, soit près d’une heure de plus que leurs homologues allemands (34,4 heures).

L’INSTITUT SUPÉRIEUR DU TRAVAIL, Maréchal le revoilà !

Sur la page d’accueil de son site, l’Institut supérieur du travail (IST) se présente comme un « organisme d’expertise et de formation sur le fait syndical, la représentation du personnel et les relations sociales ». Mais, derrière cette vitrine policée, se cache une des principales officines créée pour contrer le mouvement ouvrier après 1968. Fondée en 1969 par le vichyste et ancien collaborateur Georges Albertini, l’IST sera chargé par le patronat, et singulièrement celui de la métallurgie, de former l’encadrement pour lutter pied à pied contre la CGT dans les entreprises. 35 ans plus tard, l’IST a élargi son champ d’action et est devenu un instrument du lobbying patronal dans le débat public. de « C dans l’air » à France Info, son directeur, Bernard Vivier, dispense « analyses » ou « expertises » sur le dialogue social et les stratégies syndicales. L’homme, qui rappelle son statut d’ancien secrétaire général de la CFTC, a pourtant un pedigree « pas très catholique ». Candidat aux législatives de 1978 sous l’étiquette « Pour la défense de l’armée », il avait pour suppléant Francis Bergeron, journaliste du quotidien d’extrême droite « Présent » et proche du dirigeant du FN Jean-Pierre Stirbois, décédé en 1988.

L’INSTITUT DE L’ENTREPRISE met les profs d’économie au service du profit !

Créé en 1975, l’Institut de l’entreprise regroupe 120 entreprises dont le chiffre d’affaires cumulé représente 20 % du produit intérieur brut français. Vinci, Axa, BNP Paribas, PSA... beaucoup d’entre elles sont aussi membres de l’AFeP. L’Institut se présente comme le think tank de l’entreprise. Son cheval de bataille préféré est « la réduction de la dépense publique et des prélèvements obligatoires ». Il milite pour le financement de la Sécurité sociale par l’impôt. en bon chien de garde du capital, il oeuvre à sa promotion idéologique. Il a mis par exemple en place une formation à destination des enseignants en économie. Il n’hésite pas à mordre ceux qui s’y opposent ou font mine de vouloir « réguler » le système. en 2012, il s’était lancé dans une campagne de dénigrement acharné du Front de gauche, assurant que son programme « l’Humain d’abord » allait ruiner le pays en augmentant « la dépense publique de 76 milliards d’euros » et faire exploser le chômage. Le Smic à 1 700 euros provoquerait la suppression de 800 000 emplois. Bien entendu, il fallait le croire sur parole.

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