De différents horizons, l’on nous dit maintenant, en regardant du côté des frontières : « Il faut se protéger. » Mais de quoi faut-il se préserver, de qui et comment ? L’on nous invite à prévoir des projets de loi atomiques, des décrets en béton afin que les chemises chinoises et les ordinateurs coréens soient stoppés à nos frontières. L’on nous dit aussi : « Il faut démanteler les marchés financiers », et l’on invite déjà la gauche, si elle vient aux manettes, à sortir son petit marteau.
Pour être efficace, il faut en premier lieu identifier l’adversaire. Pour ce qui concerne les chemises, ce sont les grands groupes français et internationaux de l’habillement et de la distribution qui ont orienté les flux d’importation de produits textiles du Maghreb, d’Inde, de Chine… vers la France et les autres pays développés. C’est aussi la stratégie de Renault et Peugeot Citroën, qui explique le déficit récent de la balance commerciale automobile française. De la même façon que ce sont, pour une part essentielle, les multinationales américaines qui creusent le déficit américain, choisissant de faire de la Chine leur arrière-cour industrielle afin de se concentrer sur le développement des nouvelles technologies et tenter ainsi de maintenir leur leadership mondial. Évidemment, la Maison-Blanche les a accompagnés depuis le début. De même, en France, l’Élysée a, depuis des décennies, encouragé cette forme de mondialisation qui organise la concurrence entre les peuples et contre eux.
Il nous faut aussi arracher le masque de tous ceux qui se cachent derrière l’anonymat apparent des marchés financiers. Qui collecte l’épargne des salariés pour la placer sur les marchés d’actions ou d’obligations, qui, par exemple, contrôle les énormes fonds de l’assurance-vie en France ? Ce sont les banques, les compagnies d’assurance.
Renault, Peugeot, Axa, BNP Paribas… mais c’est là que travaillent les Français ! C’est aussi là qu’ils peuvent agir, contribuer à infléchir et à transformer le cours de la mondialisation, à faire de celle-ci un chantier de coopération plutôt qu’une foire d’empoigne. Chaque peuple doit d’ailleurs, face à une telle œuvre, prendre ses responsabilités, aussi bien le français que l’américain ou le chinois, en développant de nouveaux critères dans tous les domaines de l’activité économique. Dans cette lutte, mieux vaut avoir l’État et les institutions publiques à ses côtés. Elles ont un rôle éminent à jouer en prenant, si nécessaire, les décisions permettant de préserver les intérêts nationaux. Mais la meilleure protection, c’est la coopération, et cela se construit. Marx clamait : « Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! » C’est là un objectif, pas un acquis.