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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 15:47

 

« La République acquise dans le mouvement de l'histoire mérite une seconde jeunesse »

 

Chers amis, chers camarades, citoyennes et citoyens,

 

Je veux d'abord remercier la Société des études robespierristes, Michel Biard son président, pour son action et l'initiative de ces deux journées de colloque conclues par la cérémonie qui nous rassemble ici ce soir.

 

En mai dernier, un chroniqueur du mensuel L'Express débutait un de ses compte rendu de lecture par ces mots : « En septembre de cette année, on pourra, si l'on veut, célébrer le 220e anniversaire de la naissance de la première République française. Il n'est pas certain que les célébrants seront légion. »

Soyons donc heureux et fiers de pouvoir rassurer notre chroniqueur.

 

Votre présence active ce soir le contredit sur ce point. Oui, nous sommes légion à considérer que l'abolition des privilèges, et l'abolition de la monarchie – absolue puis constitutionnelle – qui ont présidé à la naissance de la République française est un événement digne, 220 ans plus tard, d'être fêté par ses enfants.

 

Événement d'autant plus digne d'être célébré que notre République souffre.

 

La République est malmenée quand on poursuit en son nom des syndicalistes, quand le pouvoir bafoue les droits sociaux, arrache à leurs bancs d'école des enfants d'immigrés, traque ces mêmes immigrés comme des parias, un pouvoir qui, par contre, distribue des milliards aux banques mais ferme des maternités ou des écoles pour « économiser » l'argent public.

Oui que cette République est bien malmenée, que les années que nous venons de traverser l'ont déformée par l'hyper-présidentialisation et l'effacement du Parlement, par des modes de scrutins qui tronquent la réalité politique de notre pays, déformée aussi par un exercice inique du pouvoir, soumis à la loi du marché et de la finance.

« La Liberté n'est qu'un vain fantôme quand une classe d'hommes peut affamer l'autre impunément, » cria l'Enragé, Jacques Roux, à la tribune de la Convention, le 25 juin 1793. Et si je suis parmi vous ici ce soir, avec mes camarades communistes, c'est pour rendre hommage aux femmes et aux hommes et à leurs représentants qui, il y a 220 ans, décrétèrent le peuple souverain et seul maître de son destin. C'est parce que cet anniversaire est plus que jamais d'actualité.

 

Est venu le temps de décréter à nouveau le salut commun.

 

La Ve République est à bout de souffle.

 

Elle ressemble plus à une sorte de monarchie déguisée, clandestine, qu'à la République que chaque Français, que chaque femme et homme qui a choisi notre nation pour s'établir, porte dans son coeur et qui garantit l'égalité des citoyens devant la loi, qui garantit les droits fondamentaux et leur égalité d'accès à tous.

 

« La première loi sociale est celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d'exister, toutes les autres lois sont subordonnées à celle-là. » disait Robespierre (2 décembre 1792).

 

C'est pourquoi, quel que soit notre engagement philosophique ou politique, ce qui nous réunit, nous rassemble, si nous sommes présents c'est parce que la République fonde notre engagement constant pour la justice, l'égalité, la liberté et la fraternité.

 

Contre elle, les forces qui s'accrochent à leurs privilèges et qui en veulent toujours plus sont mobilisées – elles ont un talent particulier pour instaurer la peur, la confusion, la division.

 

La République fut acquise dans le mouvement de l'histoire, au coeur de la grande Révolution française. « C'était une sublime nouveauté du monde », écrit Jean Jaurès dans L'histoire socialiste de la Révolution française, qui ajoute

 

« Il y avait eu des républiques aristocratiques ou fondées sur le travail des esclaves, sur toute une hiérarchie de la conquête. Il y avait eu des républiques barbares, courtes associations militaires où le courage suscitait et désignait des chefs. Il y avait de petites républiques oligarchiques, comme celles des cantons suisses. Il y avait la république des exilés, des proscrits, celle que, sur le sol vierge de l'Amérique, où il n'y avait aucune racine de monarchie, formèrent les descendants des puritains. Mais qu'un grand et vaste peuple, policé et riche, chargé de dix siècles d'histoire, qui avait grandi avec la monarchie et qui, hier encore, la jugeait nécessaire même à la Révolution, que ce peuple, où il n'y avait pas d'esclaves, où il n'y avait plus de serfs et où, depuis le 10 août, tous les citoyens étaient égaux, s'élevât à la République, et qu'il devînt vraiment, tout entier, dans tous ses éléments, un peuple de rois, voilà en effet la grande nouveauté et la grande audace. »

 

Oui, une sublime nouveauté du monde qui remontait aux droits imprescriptibles de l'homme pour en déduire ceux du citoyen. Cette conquête est restée une bataille, que l'on pense à 1848, à la Commune de Paris, à 1936 ou à la Libération. Aujourd'hui, à nouveau, la bataille est engagée.

 

Le Bicentenaire de la République, en 1992, coïncidait avec le référendum sur le Traité de Maastricht. Qui se souvient de ce bicentenaire ? Nos historiens, certes, mais le peuple n'a pas oublié ce qu'on lui a fait avaler et vivre depuis. À une courte majorité, le Traité de Maastricht a alors été ratifié mais à quel prix de peurs et de mensonges. Et quand il a rejeté par le vote le Traité constitutionnel européen, on le lui a imposé quand même par la seule signature d'un chef d'État au Sommet suivant.

 

Aujourd'hui si nous votions, nous serions 64% à rejeter Maastricht sans pour autant vouloir renoncer à toute idée européenne. Précisément, les anniversaires ont quelque chose de bon : notre peuple – auquel on dénie le droit de se prononcer directement sur le Traité budgétaire européen – pourrait à nouveau se saisir de son droit fondamental de décider de son avenir.

 

Que nous prépare ce traité, qui porte un nom de composé chimique TSCG ? Il prépare le plus grave abandon de souveraineté nationale depuis l'instauration de la République. C'est un bras-de-fer non entre l'Europe et les nations, mais entre les peuples et l'oligarchie ; il s'agirait ni plus ni moins de couper les vivres à la nation dès qu'elle oserait choisir par elle-même d'autre voies que celle de l'inégalité, de la domination. Il s'agirait de maintenir les nations d'Europe, les peuples d'Europe en permanence dans la restriction, dans une société qui finira par ne plus ressembler à rien à force d'être vidée de toute solidarité.

 

À l'aristocratie nobiliaire a succédé une espèce d'aristocratie financière qui voit dans toute dépense publique un manque à gagner insupportable. Pourquoi, selon elle, quand il y a tant de richesses, la partager avec ceux, les plus nombreux, qui les ont produites ?

 

Que cherchent ces forces qui se battent becs et ongles pour leur monde de fric ?

 

« La fonction du libéralisme dans le passé a été de mettre une limite aux pouvoirs des rois. La fonction du vrai libéralisme dans l'avenir sera de limiter le pouvoir des parlements. » (Herbert Spencer, Le droit d'ignorer l'État, 1851)

 

Voilà que nous y sommes : la République appelle à un nouvel âge – Les libéraux veulent se passer des parlements ? Les républicains veulent arracher des droits et des pouvoirs nouveaux pour les citoyens, les salariés dans les entreprises et dans les institutions.

 

Les libéraux – qui ne voient de liberté que dans la circulation des flux financiers et l'accumulation du capital – veulent démolir le code et la durée légale du travail, dépecer une bonne fois pour toutes les services publics et s'approprier tout ce qui peut se vendre et être rentabilisé ; la santé, l'énergie, les transports. Qu'importe qu'on fasse vivre les peuples sous l'urgence et la précipitation, le manque et le besoin constants, l'injustice et la concurrence, la compétition et les aliénations.

 

La République française méprisée, c'est le peuple et la nation de France qu'on méprise. Et que pour cela on invoque la nécessité européenne est une insulte à l'intelligence de notre peuple, de tous les peuples d'Europe.

 

Ce jour, 21 septembre, est devenu au long des siècles qui nous sépare de Valmy et de la naissance de la République en France, journée mondiale de la paix. Il ne peut y avoir pour les républicains que nous sommes, pour les démocrates que nous sommes, de plus belle association que celle de la République et de la paix, du désarmement et de la coopération entre les peuples.

 

Lorsque les Français firent leur révolution, les noblesses d'Europe s'allièrent pour la mettre en échec. Oui, la violence peut être présente dans une révolution, mais que de violence déployée lorsque les aristocrates, pour protéger leurs privilèges, déclenchèrent la guerre et la répandirent en Europe.

 

Aujourd'hui, les nouveaux aristocrates mènent à nouveau une guerre : les institutions financières, les banques, les transnationales ont imposé la guerre économique pour régir les relations entre les peuples et s'accaparer leurs richesses. Ils ont imposé le thème réactionnaire et pernicieux du "choc des civilisations" pour briser dans l'oeuf, rendre inconcevable, toute convergence des résistances populaires à travers le monde contre l'iniquité de l'ordre capitaliste.

 

Fidèles à la République qui mérite une seconde jeunesse qu'on nommerait 6e République, nous luttons contre le pouvoir de l'argent qui casse l'emploi et jette à la rue des centaine de milliers d'ouvriers, de techniciens, de scientifiques.

 

Nous luttons pour une République des droits de l'homme, de la femme, de l'enfant et du citoyen qui de son lieu d'études, de travail à son lieu de vie jouit de ses pleines capacités, émancipé de toute forme de domination et d'exploitation.

 

La République – la conjuration des Égaux – est un combat démocratique sans autres armes que la force de conviction, le rassemblement, l'imagination et l'élaboration auxquels chacun et tous peuvent contribuer. Il n'y a pas les uns qui pensent et les autres qui obéissent même au meilleur d'entre nous.

 

La République est cette invention de l'inconnu, ce courage commun, cette force collective où l'homme libre compte à part entière, où il choisit de faire société car la solidarité nous unit et fait de chacun d'entre nous un être pleinement humain.

 

Ce combat a sans doute plusieurs naissances mais il n'a pas de fin.

 

Merci.

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BRUNO FORNACIARI

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