06/02/2012 à 08h2 par Chris Buckley
PEKIN (Reuters) -
En opposant son veto au Conseil de sécurité au projet de résolution sur la Syrie, la Chine ne s'est pas rangée derrière le régime de Bachar al Assad mais a pris ses responsabilités pour éviter une approche "simpliste" de la situation, défend lundi le Quotidien du peuple, l'organe du Parti communiste chinois.
Le blocage de cette résolution, samedi, par la Chine et la Russie a provoqué une vague d'indignation dans les capitales occidentales et arabes, où Pékin et Moscou sont accusés d'avoir paralysé l'action de l'Onu alors que la répression se poursuit en Syrie.
Dans un éditorial publié lundi, le Quotidien du peuple reconnaît que "la situation en Syrie continue de se détériorer et (que) le nombre de victimes civiles continue de s'accroître".
Mais le journal souligne que les exemples récents en Libye, en Afghanistan et en Irak démontrent l'erreur que constituerait un changement forcé de régime à Damas.
Le projet de résolution apportait le "soutien entier" du Conseil de sécurité des Nations unies au plan de la Ligue arabe, qui a appelé le mois dernier Bachar al Assad à s'effacer du pouvoir en transférant ses prérogatives à un vice-président et prévoit la formation d'un gouvernement d'union nationale. "Mettre un veto au projet de résolution du Conseil de sécurité ne signifie pas que nous donnons libre cours à la poursuite de ces événements déchirants", écrit le journal.
Mais il ajoute: "Actuellement, la situation en Syrie est extrêmement complexe. Soutenir de manière simpliste un camp et réprimer l'autre peut apparaître comme une manière salutaire de changer le cours des choses mais aurait en fait pour effet de planter de nouvelles graines menant à une catastrophe."
LE PRÉCÉDENT LIBYEN
Le journal relève également les inquiétudes de la Chine face aux interventions soutenues par l'Occident dans le monde arabe et dans d'autres parties du monde.
En mars 2011, la Chine s'est abstenue lors du vote de la résolution 1973 qui imposait une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye et réclamait la protection des populations civiles face à la menace que représentaient les forces du régime de Mouammar Kadhafi.
Cette résolution a servi de mandat à la campagne aérienne menée par l'Otan qui a abouti au final au renversement de Kadhafi. La Chine et la Russie considèrent que le mandat a été outrepassé. "Quoi que la résolution sur la Syrie ait pu dire sur le papier, je crois que la Chine et la Russie craignaient qu'elle conduise à légitimer une nouvelle intervention armée", explique Guo Xian'gang, chercheur à l'Institut chinois des études internationales, un cercle de réflexion lié au gouvernement.
"Dans le cas de la Libye, la Chine n'a pas exercé son droit de veto et le résultat fut que les puissances occidentales ont eu recours à la force armée au-delà du mandat de l'Onu", ajoute-t-il.
"Si l'exemple libyen était appliqué à la Syrie, alors il pourrait s'appliquer encore et encore. La Chine et la Russie étaient donc beaucoup plus déterminées cette fois", note-t-il.
"La Libye constitue un cas d'étude négatif", écrit le Quotidien du peuple. "L'Otan a abusé de la résolution du Conseil de sécurité sur l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne et a fourni une aide militaire directe à une partie engagée dans la guerre de Libye."
Le journal cite aussi les "calamités" survenues en Irak et en Afghanistan qui, dit-il, "devraient suffire à ouvrir les yeux du monde". "Eviter par la force une catastrophe humanitaire semble répondre à un sens de la justice et de la responsabilité, mais les attaques et les attentats inarrêtables plus de dix ans après un changement de régime ne constituent-ils pas eux aussi une catastrophe humanitaire ?"
"Le peuple chinois commence à croire que l'opinion occidentale est habituellement hostile à la Chine et qu'il ne sert à rien d'essayer de se faire bien voir", juge un éditorial du Global Times.
Henri-Pierre André et Pierre Sérisier pour le service français
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