Après avoir cristallisé la colère bretonne, voici que l’écotaxe révèle son vrai visage.
L’écotaxe, c’est un contrat ahurissant signé en 2011 et qui lie l’État à la société « Écomouv’ », chargée de la collecte de la taxe écologique. Un partenariat public-privé de la plus belle eau, puisque cette société privée, détenue à 70% par le groupe italien « Autostrade », se voit garantir une rémunération hors normes de 20% sur les recettes fiscales ainsi réalisées.
Il aura fallu dix-huit mois pour que le gouvernement se décide enfin à revoir ce contrat, établi par les ministres de l’époque : N. Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, T. Mariani pour les transports, V. Pécresse au budget et F. Baroin, ministre de l’économie. Les ministres d’une droite qui, tentant de surfer sur le mécontentement provoqué par l’écotaxe, s’est bien gardée de revendiquer la responsabilité de l’affaire… justifiant même sa position par l’argument suivant : « Pour percevoir cette taxe, nous avons mis en place un partenariat public-privé parce qu’il n’était pas question d’embaucher un millier de fonctionnaires » !
C’est pourtant dès le mois de février que des élus communistes s’étaient étonnés des conditions particulièrement favorables de ce contrat. Le gouvernement avait alors répondu en arguant des fortes pénalités financières qu’entraînerait pour l’État une rupture du contrat, environ 800 millions.
Les conditions mêmes d’attribution du marché à la société « Écomouv’ » sont aujourd’hui suspectes, des soupçons de corruption et de pressions ayant été rapportées… Les règles des marchés publics n‘ont en effet pas cours dans la procédure très particulière du PPP, ce qui favorise l’opacité et les pratiques douteuses.
Le PPP pour la collecte de l’écotaxe : une véritable rente privée au détriment de l’État, comme le montre cet entretien avec Évelyne Didier, sénatrice PCF de Meurthe-et-Moselle.
Dès février, vous interrogiez le gouvernement sur le partenariat public-privé avec Écomouv’. Que dénonciez-vous ?
ED. A l’époque, j’ai indiqué que le contrat avec la société autoroutière italienne Autostrade per l’Italia, qui détenait Écomouv’ à 70%, prévoyait
le versement de 200 à 300 millions d’euros tous les ans. Soit environ 20% du rendement annuel de la taxe. C’est énorme. Habituellement, pour ce type de contrats, c’est 2 ou 3%. Il nous avait
été répondu qu’il fallait installer les fameux portiques et mettre les puces dans les camions. Il y avait effectivement un investissement initial, autour de 650 millions, mais vu la durée du
contrat qui avoisine les 14 ans, le retour sur investissement du projet aurait atteint 2,8 milliards. Pour cette société, c’est une rente qui se fait au détriment de l’État.
Quelle est votre réaction alors qu’aujourd’hui la droite comme le gouvernement s’offusquent de cette situation ?
ED. On ferait bien de faire plus attention à ce que disent les communistes qui ont été les seuls à l’époque à dénoncer cela. Je suis aujourd’hui
perplexe devant la réaction de mes collègues. Surtout ceux de droite qui dénoncent un système qu’ils ont mis en place. Ils en sont entièrement responsables.
Dans ces circonstances, un avenir est-il encore possible pour l’écotaxe ?
ED. Pour l’instant, je ne lui vois pas d’avenir puisque le gouvernement l’a suspendue. Je ne sais pas comment il s’en sortira mais j’ai deux
regrets. D’abord qu’elle ait été prévue via un PPP qui se révèle, la plupart du temps, extrêmement coûteux pour la collectivité, en particulier dans ce cas. Ensuite, qu’on renonce aujourd’hui à
une taxe qui pouvait se mettre en place dans de meilleures conditions, mais qui sur le principe, est bonne. Alors que le transport ferroviaire paie, lui, une partie des infrastructures, les
transports routiers sont gratuits pour les transporteurs. Il y a une distorsion de concurrence fondamentale. Cette taxe favorisait le report modal et donnait des moyens à l’agence de
financement des infrastructures de transport de France, l’Afitf.
Dessin de Pétillon paru dans le « Canard enchaîné »