Il est de bon ton ces temps-ci de dresser des lauriers à Arnaud Montebourg pour son franc-parlé et sa détermination à s'opposer à la politique industrielle de François Hollande, bref, de prendre des risques avec un certain courage. Esbroufe, nuage de fumée ? Voyons ci-dessous un certain bilan de celui qui , désormais, (pour combien de temps) s'adjoint aux côté des "frondeurs" du PS.
Bruno Fornaciari
--------------------------------------------------------------------------------------------------
Montebourg quitte Bercy : le bilan économique du ministre
Le HuffPost | Par Grégory Raymond
Publication: 25/08/2014 19h27 CEST Mis à jour: 25/08/2014 22h11 CEST
ÉCONOMIE - "Trublion", "grande gueule", "électron libre"... jamais les termes utilisés pour décrire Arnaud Montebourg n'auront été aussi proches de la réalité au terme de ce week-end tempétueux qui se conclut ce lundi par un départ du gouvernement pour le désormais ex-ministre de l'Economie et du Redressement productif. Il laisse dernière lui la marque d'un homme tenace, pour qui aucun combat n'est perdu d'avance. Mais aussi celle d'un communiquant hors pair.
Arrivé en mai 2012 avec la mission impossible de réindustrialiser la France, Arnaud Montebourg s'est démené pour donner un sens à sa fonction. On se rappelle de Florange, théâtre de son échec le plus retentissant, mais aussi de son rôle actif dans le dossier Alstom, plus favorable. On se rappelle également de lui posant fièrement en marinière, évoquant un destin présidentiel.
Mais à l'heure de faire les comptes, le ministre peut aujourd'hui regarder dans le rétro et faire l'inventaire de son action. Derrière ses coups de com' et ses coups de sang, quel est son véritable bilan économique? Tour d'horizon de ses dossiers et de ses slogans...
1. Florange, l'échec fondateur
Dans sa carrière de ministre, sa première épreuve est aussi son plus gros échec. Dans l'épisode qui l'oppose à Jean-Marc Ayrault, il manque (déjà) de quitter le gouvernement. Une démission rejetée par François Hollande. Le ministre voulait nationaliser les hauts fourneaux de Florange, le président et le premier ministre voyaient les choses autrement. "J'ai échoué dans un certains nombre d'épisodes, Florange en est un exemple", avait-il reconnu en octobre 2013 dans "Le Supplément" de Canal+ (ci-dessous).
"Parfois on se prend des portes en politique", rajoutait-il. "On se trompe, cela arrive, et il faut le reconnaître. J'ai failli décidé d'abandonner ma mission", après que son projet de nationalisation temporaire du site industriel eut été balayé.
Moins de deux ans après les faits, les engagements pris par le propriétaire Laskshmi Mittal auprès de l'Elysée ont été tenus. Aucun salarié n'a été licencié, tandis que 100 millions d'euros ont été investis par ArcelorMittal fin 2013. Même le leader syndical Edouard Martin est venu gonfler les rangs du PS aux Européennes.
2. Dailymotion: le retour de l'Etat actionnaire
Ce devait être la vente à l'Américain Yahoo! d'une des pépites françaises les plus prestigieuses. Mais c'était sans compter l'activisme d'Arnaud Montebourg. En tant que ministre du Redressement productif, il oppose une fin de non recevoir au géant du Web, mais surtout à Orange, propriétaire de la plate-forme de vidéos qui voulait vendre.
Pour l'Etat, qui détient encore 27% du capital d'Orange, pas question de céder plus de 50% de Dailymotion à Yahoo!. Arnaud Montebourg monte donc au créneau: "Je ne vais pas vous laisser vendre l'une des meilleures start-up de France", se serait-il emporté au cours de la rencontre entre la direction de Yahoo! et celle d'Orange. Cet épisode a notamment l'objet d'un affrontement par voie de presse avec le PDG de l'opérateur Stéphane Richard. À la fin, c'est le ministre qui l'a emporté.
Près d'un an et demi après les faits, Dailymotion cherche toujours un partenaire pour grandir. Microsoft s'était un temps positionné, mais ne souhaite pas investir seul. Canal+ voulait en prendre le contrôle, mais Orange ne veut pas offrir à son concurrent une participation majoritaire.
3. PSA: l'alliance avec la Chine sauve les meubles
"Dissimulation", "mensonges", "erreurs de stratégie"... Montebourg n'a pas eu de mots assez durs pour qualifier l'attitude de PSA, auteur d'un plan social de 8000 postes en France et de la fermeture de l'usine d'Aulnay-sous-Bois. Parallèlement, ce dossier est néanmoins une de ses grandes victoires. C'est sous sa responsabilité que l'entrée au capital du Chinois Dongfeng, mais surtout celle de l'Etat français, ont été validées.
Une quatrième usine PSA sera bientôt ouverte en Chine pour porter à un million la capacité de production. Au premier semestre, le constructeur a enregistré une hausse de 5,5% de ses ventes mondiales, dont 27,7% pour la seule Chine. En attendant, la prochaine génération de la C3 sera délocalisée en Slovaquie, réservant les modèles haut de gamme plus rentables à la France. Tout n'est pas si rose, donc.
4. Made in France: le rouleau compresseur de la com'
Depuis son arrivée à Bercy en mai 2012 au portefeuille du Redressement productif (et jusqu'à son discours de départ ce lundi), Arnaud Montebourg aura mis l'accent sur le nécessaire renouveau de l'industrie française, en voulant incarner le "patriotisme industriel". Un objectif symbolisé par l'image du ministre arborant une marinière Armor Lux en couverture du Parisien Magazine en octobre 2012, et défendu l'an dernier dans son livre La bataille du made in France.
Toujours sur le front de la communication, le trublion du gouvernement a également fait une belle promotion à Renault. Quelques jours avant la photo en marinière, le ministre apparaissait au volant de la Zoé électrique, s'improvisant super VRP de la marque au losange. "Elle est super bien et elle est fabriquée en France", claironnait-il à la sortie du conseil des ministre. Visiblement emballé par la présence des caméras de BFMTV dans la voiture, Arnaud Montebourg avait même demandé à son chauffeur de lui céder le volant. Un grand moment de communication.
En 2014, il participe également au tournage du documentaire Made in France, l'année où j'ai vécu 100% français, se mettant volontiers en scène aux côtés de l'auteur Benjamin Carle.
Made in France - Avec Arnaud Montebourg
Il sera également la voix d'un personnage de dessin animé diffusé prochainement sur Arte. Vêtu d'une marinière, il se bat contre la délocalisation d'un volcan chez l'Homme de Pékin. Cet épisode de Silex and the City montrera, comme d'habitude, des débats d'aujourd'hui transposés à l'âge de pierre.
Cette orgie de communication aura eu le mérite de définir clairement l'image de celui qui désormais se cherche un avenir. Elle en aura cependant excédé plus d'un et son objectif affiché, la promotion du Made in France, est loin d'être un succès incontestable comme le montre le point suivant...
5. Réindustrialisation: un pari perdu d'avance
Si Arnaud Montebourg est parvenu à obtenir son "anti-Florange" avec la reprise réussie de Rio Tinto (Savoie), son bilan de réindustrialisation reste néanmoins fragile. Il est surtout fait de "coups de com'", notamment avec le retour de Solex, sans grand effet sur l'emploi.
On se rappelle aussi de la résurrection de la fonderie Loiselet, une PME qui avait fermé son usine chinoise et rapatrié sa production en France. Mais le ministre est désormais moins prolixe sur le sujet. En décembre 2013, l'entreprise a fait faillite puis a été rachetée par des capitaux algériens. "La relocalisation mal maîtrisée a été la cause même du dépôt de bilan", a même expliqué l'un des nouveaux repreneurs.
Quant au retour au bercail des entreprises qui avaient pris le large, le mouvement reste marginal, et cela malgré les aides publiques. Depuis 2005, seuls 107 cas ont été observés, relève Le Monde, souvent de petite taille, selon le pointage effectué fin 2013 par l'Etat. De son côté, la société Trendeo a recensé seulement 70 emplois industriels créés en 2013 à la suite de relocalisations.
6. Gaz de schiste: un parti pris énergique
Convaincu que la France est assise sur une montagne d'or (noir), le ministre s'est toujours battu en faveur de la prospection du gaz de schiste. Non pas que le gouvernement doive coûte que coûte chercher à exploiter ses réserves, mais qu'il cherche en revanche à élaborer un moyen non-polluant pour les extraire.
"La question de la recherche est toujours posée. Les Français aiment l'avenir, ils croient en l'innovation. Le problème du gaz de schiste, c'est qu'il est d'une pollution terrible. Si on règle ce problème, on peut rouvrir le débat", disait-il encore en février dernier, en arguant que le NFP (stimulant fluopropane) pourrait être une solution.
Fruit de tensions avec l'ex-ministre EELV Cécile Duflot, ce débat a mis le feu aux poudres avec la tête de l'exécutif. Sur le nucléaire, il déclare voir une "filière d’avenir", alors que le gouvernement s’est engagé sous l’impulsion des écologistes à réduire la part de l’énergie nucléaire de 75 à 50%.
7. Europe: une voix forte contre l'immobilisme bruxellois
Entre Arnaud Montebourg et Bruxelles, ça n'a jamais été une histoire d'amour. En juin 2013 il n'a pas hésité à s'en prendre à José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, en le qualifiant de "carburant du Front national".
Dans le détail, il estime que "l'Union européenne ne bouge pas, elle est immobile, paralytique. Elle ne répond à aucune des aspirations populaires, sur le terrain industriel, sur le terrain économique, sur le terrain budgétaire, et finalement, ça donne raison à tous les partis souverainistes, j'allais dire anti-européens, de l'UE". Des propos qui lui donnent raison, notamment après les scores réalisés par le FN aux dernières élections européennes.
Le ministre est également l'un des premiers à s'émouvoir de l'euro fort, qui "annihile les efforts de compétitivité" en France. "Nous avons la zone la plus dépressive au monde et la monnaie qui s'apprécie le plus au monde. Cette situation est ubuesque. Nous devons ouvrir une bataille politique pour faire baisser l'euro. L'euro doit être au service de notre économie et de notre industrie. Il ne s'agit pas de le dévaluer mais de le ramener à un niveau raisonnable et supportable". Un an après ces déclarations, François Hollande a timidement repris cet argumentaire.
8. SFR: Montebourg pris en flagrant délit d'ingérence
La vente de SFR a été une autre saga au cours de laquelle la voix d'Arnaud Montebourg n'a pas été entendue. Quand Vivendi décide au mois de février dernier de vendre sa filiale mobile, les négociations s'engagent avec Numericable. Bouygues passe à l'attaque dans la foulée et trouve en Arnaud Montebourg un soutien de poids.
Le ministre de l'Économie, alors en charge du portefeuille du Redressement productif, énumère les griefs contre l'alliance SFR/Numericable, notamment le maintien du marché à quatre opérateurs néfaste pour l'emploi et le surendettement du futur groupe. Il fait même peser la menace d'un contrôle fiscal sur le président de Numericable Patrick Drahi.
Ignorant les remontrances du ministre et malgré une dernière offensive de Bouygues,Vivendi décide finalement de céder sa filiale à Numericable. Franchement déçu du résultat, il appelle désormais le nouvel ensemble à user du patriotisme économique dans le choix des fournisseurs. Un peu maigre.
9. Alstom: dernier coup d'éclat industriel
S’il faudra des mois avant la recomposition effective d’Alstom, Arnaud Montebourg tient là l'une de ses grandes victoires. Le ministre est parvenu à éviter le dépeçage d’Alstom, tout en préservant la souveraineté nationale de la France dans le secteur nucléaire. Et à l’inverse de Florange, il est enfin parvenu à imposer sa signature: entrée de l’Etat dans le capital (20%) et l'alliance avec un grand groupe étranger. Comme pour PSA.
Le revers de la médaille, c'est qu'il n'était pas du tout favorable à un rachat par General Electric. Soutien initial de l'Allemand Siemens, il s'est résolu à la victoire de l'Américain au dernier moment, en contrepartie de l'entrée de l'Etat au capital. Mais il confirme le retour de l'Etat stratège, après avoir obtenu une offre plus favorable aux intérêts français. Il est aussi à l'origine du décret sur l’acquisition d'entreprises stratégiques, permettant un veto du gouvernement.
10. Il est très apprécié par les grands patrons
Un temps honni par la classe patronale, le ministre a terminé avec les faveurs des capitaines d'industries. Outre Jean-Louis Beffa (ex-PDG de Saint-Gobain), l'un de ses visiteurs du soir favori, il s'est peu à peu offert le soutien de quelques gros bonnets comme Christophe de Margerie (Total) ou Claude Perdriel (SFA).
Son ton combatif séduit les entrepreneurs, comme l'a reconnu en mars Vincent Bolloré. "Je trouve qu'il donne une flamme, et dans une France où on est un peu dans la sinistrose, sa voix est sympathique", a affirmé le PDG du groupe Bolloré. Même Pierre Gattaz, le patron des patrons, l’affirme: "Ce que je trouve intéressant avec Arnaud Montebourg, c'est quand il s'occupe de la France de demain, des 34 filières de la Nouvelle France industrielle (...) il a beaucoup d'énergie dans ces domaines", a souligné le dirigeant du Medef, parlant d'un "élan vertueux".
"Il a le mérite d'avoir remis l'industrie au centre des débats", confiait en début d'année Jérôme Franz, président de la Fédération des industries mécaniques (FIM). "Il a une vraie connaissance des sujets et une implication personnelle", ajoutait Philippe Goebel, son homologue de l'Union des industries chimiques (UIC).
Ce discours dithyrambique survivra-t-il au départ du ministre? A quelques minutes de la démission du gouvernement, Geoffroy Roux de Bézieux (n°2 du Medef) a jugéqu'Arnaud Montebourg se "trompait d'époque" et prônait une "politique des années 1990". "Qu'il veuille (...) faire un peu le show de rentrée (...), très bien, ce qui compte c'est la déclaration du président de la République et de Manuel Valls", a-t-il ajouté.
Désormais écarté du pouvoir et des dossiers, il n'est donc pas certain qu'Arnaud Montebourg conserve son aura auprès des milieux patronaux.