Note critique sur le rapport de la Cour des comptes, co-signée par Philippe Légé, Christophe Ramaux et Henri
Sterdyniak
Le monde capitaliste connaît sa plus grande crise depuis les années 1930. Le néolibéralisme, le régime de politique économique (finance libéralisée, mondialisation commerciale, austérité
salariale, etc..) qui s’est progressivement imposé à partir de la fin des années 1970 et du début des années 1980, est clairement responsable de la déflagration ouverte en 2007. Pourtant,
depuis 2010, en Europe tout particulièrement, les néolibéraux réussissent un véritable tour de force : ils prennent prétexte de l’une des conséquences directes de la crise de leur
modèle, le gonflement des déficits et dettes publics, pour imposer une fuite en avant vers davantage d'austérité.
Au lieu de prendre les déficits publics pour ce qu’ils sont – une conséquence de la crise – ils les présentent comme la cause de tous les maux. A la façon du funeste médecin de
Molière, ils préconisent la saignée : l’austérité généralisée. Cette austérité tant budgétaire que salariale a déjà plongé la zone euro dans la récession et menace d’y entraîner le
monde. La récession n’engendre pas seulement contraction du pouvoir d’achat, explosion du chômage et de la pauvreté. Elle entraîne simultanément une chute des recettes fiscales, de sorte
que les déficits et la dette publics eux-mêmes ne se réduisent pas, ce qui est « gagné » d’un côté (par la réduction des dépenses) étant perdu de l’autre (par la chute des
recettes). Qu’importe : puisqu’ils ne se réduisent pas, il conviendrait d’aller encore plus loin dans la saignée.
Le résultat de cette politique est accablant : après la grande récession de 2008-2009, puis deux années de reprise poussive, l’Europe replonge dans une nouvelle récession. Faut-il donc
poursuivre et même durcir cette politique alors que de toute évidence elle ne fonctionne pas, même pour réduire les déficits ? C’est ce que préconise le nouveau rapport de la Cour des
comptes paru en juillet 2012.
La présente note se propose de contredire l’argumentation de la Cour en pointant ses impasses néolibérales. En premier lieu, il convient d’insister sur quelques points de méthode.
1. Points de méthode.
Le rôle traditionnel de la Cour est de vérifier la fiabilité et la sincérité des comptes publics – mission qu’elle assume avec rigueur et dont il n’est pas question ici de contester la
qualité – en ayant le souci, pour reprendre ses propres termes, de l’indépendance, de la contradiction et de la collégialité des points de vue. La Cour des comptes doit respecter
scrupuleusement le Code des juridictions financières, lequel définit précisément ses missions. Dans son article L111-2, ce Code stipule : « La Cour des comptes assiste le
Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances ». La Cour a vocation à contrôler l’usage des deniers publics.
Depuis plusieurs années – l’inflexion en ce sens ayant été donnée avec l’accession de Philippe Seguin à sa Présidence en 2004 – elle a cependant étendu son champ
d’intervention : elle ne se contente pas de vérifier les comptes publics, mais entend conseiller le gouvernement dans la conduite de la politique économique. Cette extension de son
champ d’intervention a sans aucun doute ses justifications, même si l’on peut s’interroger sur le point de savoir si elle est correctement maitrisée. Quoiqu’il en soit, et c’est le premier
point de méthode, une chose devrait aller de soi : dès lors qu’elle entre dans le champ des recommandations de politiques économiques, la Cour se doit de renforcer la contradiction et
la collégialité des points de vue.
Le point de vue néolibéral en économie, s’il est dominant, n’est en effet pas le seul. Le débat existe chez les économistes – en France comme ailleurs et notamment aux
Etats-Unis – sur l’analyse qu’il convient de faire, par exemple, des racines de la crise, mais aussi du creusement des déficits et de la dette publics et des solutions à y apporter.
Pour ne citer que cet exemple, le 27 juin 2012, quelques jours avant la publication du rapport de la Cour des comptes, deux économistes de renom, Paul Krugman et Richard Layard, ont lancé
un Manifeste international Pour le retour à la raison économique (cf. annexe), où l’on trouve des arguments totalement opposés à ceux que la Cour retient.
Depuis plusieurs années, les rapports généraux de la Cour – ceux portant sur La situation et l’évolution de la dépense publique en particulier – retiennent une optique théorique unique,
sans présenter les autres, pour formuler des préconisations ouvertement néolibérales et cela sur un mode qu’il faut bien qualifier d’autoritaire puisque ces préconisations sont présentées
comme ne pouvant souffrir la discussion. A sa décharge – mais est-ce vraiment une excuse ? –, il convient de noter qu’elle n’est pas la seule institution à subir ce type de dérive. La
plupart des rapports et documents officiels – en particulier ceux émanant de Bercy – ont exactement le même tropisme néolibéral.
Après la crise historique amorcée en 2007, est-il encore admissible qu’un unique point de vue ait droit de cité dans les rapports publics ?
Le deuxième point de méthode renvoie à la responsabilité du nouveau gouvernement. Le contenu du rapport de la Cour est éminemment critiquable comme on va le voir. La Cour n’est cependant
pas, loin s’en faut, seule en cause. Le nouveau gouvernement porte une large part de responsabilité quant au contenu de son rapport. Ce dernier répond en effet à une demande du nouveau
gouvernement. Or dans sa lettre de mission, celui-ci orientait considérablement le travail de la Cour : « l’objectif est d’évaluer la situation actuelle des finances publiques et les
risques qui pèsent aujourd’hui sur la réalisation des objectifs de finances publiques pour 2012 et 2013 contenus dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale ».
En clair, le nouveau gouvernement demandait à la Cour de réaliser son travail en reprenant les objectifs des lois de financement déjà votées sous le précédent gouvernement (dont le fameux
3 % de déficit public en 2013).
On peut ici préciser le propos : depuis de longues années, les gouvernements ont pris l’habitude de confier à d’autres qu’à lui-même (des comités d’experts, des institutions
indépendantes, la commission européenne, etc.) le soin de formuler, et partant, d’endosser la responsabilité de sa politique, pour mieux l’imposer à tous et en particulier aux représentants
élus du peuple que sont les parlementaires. Le Parlement est ainsi réduit à une chambre d’enregistrement de décisions supposées indiscutables. La lettre de mission du nouveau gouvernement
ne déroge malheureusement pas à cette règle.
Le troisième point de méthode porte sur le contexte politique très particulier dans lequel intervient la publication du rapport. Un nouveau Président de la République et un nouveau
Parlement viennent d’être élus à la faveur du suffrage universel, autour du mot d’ordre « Le changement, c’est maintenant ». L’espoir est évidemment immense, en France, mais aussi
en Europe. La nouvelle majorité, les élections présidentielles et législatives à peine passées, doit-elle immédiatement renier cet espoir en optant pour
l’austérité généralisée ? C’est ce que préconise le rapport de la Cour, à la demande même du gouvernement. De nombreux rapports officiels, avant celui-ci, disaient exactement
la même chose. Mais ce rapport de la Cour est le premier rapport substantiel à être publié dans le nouveau contexte créé par les élections.
Nous ne nous résignons pas, pour notre part, à ce que les attentes populaires soient déçues. Et c’est pourquoi nous avons décidé de nous attarder, même si à bien des égards les arguments
qu’il avance ne sont guère nouveaux, sur ce rapport.
2. Cachez cette récession qui vient que je ne saurais voir
La zone euro entre dans une nouvelle récession. Puisqu’elle pèse de façon importante dans le monde (son PIB est similaire à celui des Etats-Unis), sa situation menace la fragile
reprise mondiale enregistrée depuis 2010. Après celle de 2008 - 2009, c’est une nouvelle grande récession qui menace. Ses conséquences en
chaîne seront comme toujours redoutables : forte hausse du chômage, recul du pouvoir d’achat, contraction de la consommation des ménages, nouvelle chute de l’investissement privé,
dégradation supplémentaire du bilan des banques, et finalement, comme on va le voir, nouveau creusement des déficits publics.
Dans ce contexte, la priorité absolue de tout responsable politique devrait être : comment enrayer cette nouvelle récession ? Ce n’est pourtant absolument pas celle retenue par le
rapport de la Cour. Sa priorité est autre : respecter le sacro-saint objectif de déficit public à 3 % du PIB en 2013. Replier
La croissance en 2012 et 2013 sera beaucoup plus faible que ce qui avait été prévu initialement. En juin 2011, la Cour tablait sur une croissance de 2,25 % en 2012 et 2,5 % en 2013[1]. A l’instar
de tous les instituts de conjoncture, elle révise dans son dernier rapport radicalement ces chiffres à la baisse en tablant à présent sur respectivement 0,4 % et 1 %[2]. Elle reconnaît même qu’« une récession dès la mi-2012 et une
croissance quasi-nulle en moyenne annuelle en 2013 pourraient même être envisagées » (p. 117). Replier
Mais comment expliquer ce retournement ? Assez étonnamment, en 250 pages de rapport, la Cour n’évoque jamais ce point. La conjoncture ne tombe pourtant pas du ciel. Par contraste
avec ce lourd silence, il est aisé de formuler le diagnostic suivant : le tournant vers l’austérité généralisée opéré en France comme
ailleurs en Europe est directement responsable du retournement. On peut être plus précis : ce sont justement les politiques que la Cour entend durcir qui en sont responsables.
Ce n’est pas le gonflement des dépenses publiques qui explique la profondeur du déficit des pays capitalistes en 2009 et 2010 ; de même, ce n’est pas le manque de rigueur de la
politique budgétaire qui risque de peser sur le déficit public des années à venir. C’est l’incapacité des instances européennes à engager une stratégie cohérente de relance de l’activité
économique face à la spéculation auto- destructrice des marchés financiers. Mais ce risque n’est pas évoqué dans le rapport. Replier
3. Les deux débats évacués : à quoi sert la dépense publique et d’où viennent les déficits et la dette publics ?
Pour saisir le contenu du rapport de la Cour, il importe d’avoir à l’esprit les deux lectures radicalement opposées qui prévalent au sujet du statut tant de la dépense publique que des déficits et dettes publics. Replier
La première est celle retenue par les néolibéraux. La dépense publique doit être réduite à la portion congrue des fonctions régaliennes de l’Etat (police, armée, justice…). Pour
le reste, elle est fondamentalement illégitime, le privé étant supposé plus efficace pour prendre en charge des domaines aussi divers que la
santé, la retraite ou même l’éducation. Pour eux, l’économie privée livrée à elle-même est foncièrement stable : en cas de « choc » récessif, des déficits publics
conjoncturels peuvent à la rigueur être admis à très court terme. Mais il convient de les réduire rapidement, la saine gestion étant celle du budget public équilibré. Ainsi le déficit
public structurel, celui supposé exister en temps normal, doit-il être nul. C’est ce que retient le nouveau Traité européen sur la stabilité, la croissance et la gouvernance (dit Pacte
budgétaire) actuellement soumis à ratification : le déficit structurel ne doit en aucun cas dépasser les 0,5 % du PIB[3]. Comment distinguer dans les déficits courants la part relevant du déficit conjoncturel (à
la rigueur justifiable) et celle du déficit structurel (condamnable) ? On reviendra sur ce point ensuite. Reste l’essentiel : la priorité, pour les néolibéraux, est la réduction
des déficits et dettes publics, laquelle doit être prioritairement obtenue par la réduction de la dépense publique (et non par la hausse des prélèvements). Car là est bien l’enjeu : la
sphère du public doit être réduite pour laisser la place au privé. Replier
Selon une seconde lecture, la dépense publique, dans cette optique, doit être réhabilitée. Le marché laissé à lui-même n’est pas en mesure de répondre à une série de besoins … Déplier
Partant de là, il convient d’insister sur le fait que les déficits et la dette publics sont eux-mêmes avant toute chose légitimes. De même que le privé s’endette pour lancer des
… Déplier
Les déficits publics sont d’autant plus légitimes qu’ils permettent de soutenir l’activité lorsque celle-ci menace de s’effondrer. Or c’est typiquement le cas de figure dans … Déplier
Cesser de stigmatiser les déficits et dettes publics ne signifie aucunement qu’il n’y a pas de souci à se faire avec les niveaux actuels qu’ils ont atteints. Mais encore faut-il,
… Déplier
Le bilan des politiques néolibérales qui ont dominé depuis trente ans est accablant dans tous les domaines : chômage, montée des inégalités ou bien encore financiarisation … Déplier
La dette publique française était de 25 % du PIB en 1982, date pourtant de la dernière grande relance keynésienne. Elle est ensuite montée en flèche : 36 % en
1991, 65 % en 2007 et à présent 90 % (fin 2012). Comment expliquer une telle augmentation ? Les néolibéraux pointent l’excès
des dépenses publiques. Mais cette explication ne tient pas. La part des dépenses publiques totales (Etat, administrations de sécurité sociale, collectivités locales), hors charges
d’intérêts, était au même niveau en 2007 qu’en 1985. Replier
Les évolutions du solde budgétaire proviennent en fait principalement de celles des recettes. L’explication est la suivante : en cas de stagnation ou de récession, le chômage … Déplier
Il importe donc de distinguer deux types de déficits[6].
Le premier est un déficit expansionniste (ou keynésien) : quand la récession menace et avec elle le chômage de masse, … Déplier
Plus précisément, l’explosion des dettes publiques au cours des trente dernières années a trois grandes raisons[9].
La première vient d’être évoquée : les politiques néolibérales d’austérité (austérité salariale mais aussi budgétaire) ont entraîné à intervalles réguliers des phases récessives de plus en plus profondes – à chaque début de décennie en fait (1980, 1990 et 2000) avant la grande récession ouverte en 2007 –, d’où un
creusement des déficits, par défaut de recettes. Replier
La deuxième raison concerne aussi les recettes : il s’agit des cadeaux fiscaux offerts aux riches. La part des recettes fiscales (hors financement des administrations de sécurité sociale[10]) a ainsi sensiblement baissé surtout dans les années 2000 : de 23 % du PIB en
1997-1998 à 21 % en 2008, et ce sont principalement les plus riches qui en ont bénéficié (baisse du taux d’imposition sur le revenu, baisse de l’ISF, bouclier fiscal, etc.). Ceux-ci
ont ainsi fait d’une pierre deux coups : ils ont payé moins d’impôts, ce qui a obligé l’État à emprunter auprès d’eux. Replier
La troisième raison a trait à la politique monétaire. Durant les « trente glorieuses », les taux d’intérêt étaient largement administrés. Avec le tournant néolibéral, la
… Déplier
4. 3 % de déficit public en 2013 et 0 % en 2016 : une norme toujours plus « stupide » et à respecter à n’importe quel prix ?
Les limites de 3 % de déficit public et de 60 % de dette publique qui ont été posées par le Traité de Maastricht en 1992 n’ont aucun fondement théorique. En 2002, Romano
… Déplier
En application de cette norme, le gouvernement Fillon a retenu, en janvier 2010 (à la suite d’une recommandation du conseil européen du 30 novembre 2009), le programme … Déplier
Cette convergence vers l’équilibre des comptes publics est, on l’a dit, hautement critiquable. Mais il y a plus grave encore, en un sens. En 2010, ce programme de convergence … Déplier
Or, la croissance sera beaucoup plus faible encore : seulement 0,4 % en 2012 et 1 % en 2013, selon le scénario central retenu par la Cour, laquelle mentionne un scénario
… Déplier
Faut-il donc garder les objectifs de 3% de déficit en 2013 et de 0 % en 2016-2017, malgré cette conjoncture considérablement dégradée par rapport à ce qui avait été prévu … Déplier
Comme on va le voir, ce programme n’est pas seulement dangereux d’un point de vue social, il est aussi absurde d’un point de vue économique.
5. Un pays en récession ne peut réduire son déficit
Un pays ne peut pas réduire son déficit public par l’austérité généralisée, a fortiori lorsqu’il entre en récession. La raison en est simple : la baisse des dépenses publiques et/ou la hausse des taux d’imposition renforcent les tendances récessionnistes, ce qui réduit d’autant l’assiette fiscale : ce qui est gagné
d’un côté est perdu de l’autre. Replier
Face à cet enchaînement abondamment vérifié par l’histoire économique, la Cour reprend l’argument joker familier des néolibéraux : certains pays auraient malgré tout réussi à
réduire massivement leur déficit par la baisse des dépenses publiques, et la Cour de citer les exemples du Canada (1994-1997), de la Finlande
(1995-1998) et de la Suède (1995-1997)[11]. Elle
mentionne de façon très évasive le « contexte certes plus favorable » (p. 121) qu’ont connu ces pays. Il faut être plus précis : les quelques cas de figure où l’austérité
budgétaire s’est accompagnée d’un rééquilibrage budgétaire sont le fait de petits pays qui ont pu contrebalancer l’effet récessif de cette austérité par le desserrement de la politique
monétaire (baisse des taux d’intérêt) et/ou (le plus souvent encore) par une croissance de leurs exportations, et cela grâce à la dévaluation de leur monnaie par rapport à celle de leur
principaux « partenaires » commerciaux, partenaires qui de surcroît étaient en croissance. Bref, ces petits pays ont pu sauver leur activité grâce à leurs exportations à
destination de grand pays en phase de reprise. Replier
Or ces leviers ne sont pas accessibles à la France : les taux d’intérêt dont elle bénéficie à l’heure actuelle sont déjà historiquement très bas ; elle ne peut par définition dévaluer sa monnaie vis-à-vis de ses principaux partenaires puisque ceux-ci sont les pays européens qui partagent sa monnaie (l’euro) et, de
surcroît, tous les pays européens appuient en même temps sur la pédale de frein, de sorte qu’aucun gisement de croissance n’est à espérer du côté des exportations. Replier
6. La Grèce ou bien l’Espagne en guise de modèle ?
Réduire drastiquement les dépenses publiques et augmenter fortement les impôts sur les ménages (la TVA notamment) pour réduire les déficits et la dette publics : depuis deux
années, sous la pression de la Troïka (commission européenne, BCE et FMI), les pays du sud de l’Europe (Grèce dès 2010, puis le Portugal,
l’Espagne et l’Italie ensuite) appliquent ce cocktail brutal, celui-là même que préconise la Cour. Replier
Mais du fait même de cette politique, ces pays sont en récession profonde (20 % de baisse cumulée du PIB de 2008 à 2012 en Grèce[12], soit une situation similaire à la grande dé… Déplier
Comment expliquer que les pays (la Grèce en premier lieu, mais aussi le Portugal, l’Espagne et l’Italie) qui ont été le plus loin dans l’application de l’austérité généralisée ne
parviennent pas à réduire leur déficit public, d’où un nouveau gonflement de la dette publique ? La très forte hausse des taux d’intérêt
qu’ils subissent sous la pression – délibérément consentie par les institutions européennes[13] – des marchés financiers, n’explique pas tout. Un budget, a fortiori lorsqu’il s’agit
d’un budget public, ce ne sont pas uniquement des dépenses mais aussi des recettes. La leçon keynésienne est malheureusement vérifiée : l’austérité généralisée déprime l’activité. Or
les recettes publiques sont étroitement dépendantes de cette dernière. Moins d’activité, c’est aussi moins de TVA, d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés, de cotisations sociales,
etc. Et l’on retrouve le sempiternel résultat : ce que l’on croît gagner d’un côté, par l’austérité, on le perd immédiatement de l’autre, par la chute des recettes. Replier
7. Les arguments keynésiens promptement évacués
En quelques lignes, la Cour mentionne l’argument keynésien selon lequel une politique de réduction des déficits peut être totalement contreproductive lorsque la récession menace,
puisqu’elle précipite justement cette récession. Replier
Elle indique ainsi : « Une stratégie de réduction rapide des déficits publics est susceptible d’exercer un effet négatif à court terme sur l’activité économique. Les
modèles macroéconomiques d’inspiration keynésienne montrent que le PIB diminue de 0,5 à 1,2 %, selon les mesures mises en œuvre, lorsque
le déficit est réduit d’un point de PIB en supposant que les autres pays maintiennent leurs déficits inchangés. Selon l’OCDE, cet effet est de 25% à 30% plus élevé lorsque les pays […]
réduisent ensemble leur déficit de ce montant » (p. 115). C’est dit. En clair, la Cour reconnaît que, selon certains modèles keynésiens, une réduction du déficit public de 1 point
peut provoquer une réduction du PIB allant jusqu’à 1,5 point. Replier
Mais, à peine ce cas de figure est-il évoqué qu’il est balayé.
La Cour indique en effet juste après : « ces effets multiplicateurs pourraient toutefois être atténués dans un contexte de forte augmentation de la dette publique où une stratégie crédible de réduction des déficits est susceptible d’amener les agents économiques à réduire leur épargne de précaution » (p. 115). Sous un
verbiage un peu alambiqué, la Cour fait ici sien un vieil argument libéral : celui de l’équivalence ricardienne, évoqué par David Ricardo au XIXe siècle et remis au goût du jour
dans les années 1970 par Robert Barro, l’un des chefs de file du courant ultralibéral dit des anticipations rationnelles. Selon cet argument, la relance keynésienne par la hausse provisoire
des déficits publics est totalement contreproductive : si l’Etat augmente ses dépenses, cela ne marche pas (car chaque individu « rationnel » est supposé savoir que les
keynésiens ont tort), cela ne fait qu’augmenter les déficits, qu’il faudra payer un jour par des impôts, de sorte que chacun épargne pour ce faire, ce qui réduit la dépense privée. L’effet
de la hausse des dépenses publiques est donc annulé par la baisse des dépenses privées. Symétriquement, si l’Etat réduit ses dépenses, alors chacun sachant qu’il paiera moins d’impôts
demain se précipite immédiatement chez son commerçant pour dépenser les impôts qu’il n’aura pas à payer dans le futur, de sorte que l’effet récessif de la baisse des dépenses publiques est
neutralisé. Replier
Cette thèse de l’équivalence ricardienne fait depuis longtemps l’objet de très vives critiques. La forte baisse de l’épargne est-elle de surcroît crédible en période de chute de
l’emploi, de hausse du chômage ? En fait, on peut tenir deux discours cohérents. Pour les libéraux, la hausse des dépenses ne fera pas
augmenter l’activité, il faudra donc augmenter un jour les impôts pour la financer. Pour les keynésiens, la hausse des dépenses fera augmenter l’activité d’un montant tel que les recettes
fiscales induites compenseront la hausse initiale du déficit. Les agents privés ne doivent pas anticiper une hausse des impôts, mais une hausse de l’activité. Ils doivent donc augmenter
leur consommation, ce qui renforce l’effet keynésien. La Cour ne s’attarde pas sur ces réserves et controverses. Replier
Elle ajoute : « le dosage des mesures de redressement peut aussi permettre de limiter l’ampleur des effets multiplicateurs. Celle-ci dépend beaucoup de la nature des hausses des prélèvements et des mesures de ralentissement des dépenses mises en œuvre pour réduire le déficit » (p. 115). Mais la Cour préconise
ensuite des mesures de baisse des dépenses publiques et sociales (retraite, prestations familiales…) et de hausse des prélèvements (hausse de la TVA ou de la CSG) qui sont précisément les
plus coûteuses en impact sur la demande. Replier
Au final, l’argument keynésien est promptement évacué (en une page : la fameuse page 115). Et c’est sur cette base que la Cour retient l’hypothèse qui sous-tend toutes ses
prévisions et recommandations : celle d’un multiplicateur de dépense publique égal à 0 ! Replier
8. L’hypothèse d’un multiplicateur budgétaire égal à zéro n’est pas sérieuse
Deux études émanant d’organismes aussi peu suspects d’hétérodoxie radicale que le FMI et l’OCDE fournissent des évaluations assez soigneuses des multiplicateurs budgétaires. Selon
… Déplier
La Cour aurait donc dû, comme scénario central, prendre un multiplicateur de l’ordre de 1,5, tout chiffre compris entre 1,2 et 2 étant acceptable. Mais, on vient de le voir, elle
choisit 0, sans étayer sérieusement ce choix. Cette hypothèse n’est pas sérieuse tant elle est outrancière. Replier
Mais elle est évidemment indispensable à la Cour : grâce à elle, celle-ci peut soutenir que la cure d’austérité qu’elle préconise n’aura rigoureusement aucun effet sur l’… Déplier
9. Le chiffrage alternatif n°1 : où les préconisations de la Cour conduisent à la dépression
La Cour retient l’hypothèse d’un multiplicateur budgétaire égal à 0. Si l’on suppose, au contraire, que les études précédemment citées du FMI et de l’OCDE sont dans le vrai, en … Déplier
L’effort à réaliser, indique-t-elle, pour atteindre l’objectif de 3 % de déficit en 2013 (en % du PIB) est de l’ordre de 33 milliards d’euros en 2013 (soit 1,5 point de PIB).
Avec un multiplicateur égal à 1,5, la baisse du PIB engendrée par cet effort est de 2,25 % (1,5 x 1,5 = 2,25). Le taux de prélèvements obligatoires étant
… Déplier
Les conséquences de cette dépression en termes de chômage et de niveau de vie seraient évidemment catastrophiques. Mais pour les comptes publics eux-mêmes, la situation serait … Déplier
Ce scénario n’est pas que théorique : c’est exactement la trajectoire suivie ces deux dernières années par la Grèce, le Portugal ou bien encore l’Espagne.
10. Le satisfecit donné à Nicolas Sarkozy. L’austérité budgétaire a déjà eu lieu : et si cela expliquait les problèmes ?
Le déficit public est passé de 7,5 % du PIB en 2009 à 7,1 % en 2010, 5,2 % du PIB en 2011 et la Cour table sur une réduction à 4,4 % en 2012.
Cette réduction à marche forcée a été obtenue au prix d’une austérité budgétaire redoublée avec notamment la RGPP (non remplacement d’un fonctionnaire sur deux), le gel du … Déplier
Sur tous ces points, la Cour donne un quitus appuyé à Nicolas Sarkozy. Son propos à l’adresse du nouveau gouvernement est clair : alors même que le suffrage universel vient
… Déplier
L’austérité budgétaire, comme le rappelle la Cour, n’a pas été appliquée qu’en France. Elle est générale en Europe. La part de la dépense publique (dans le PIB) a ainsi baissé de
… Déplier
Mais cela n’explique-t-il pas justement la récession ? La Cour, on l’a dit, reste silencieuse sur les racines de la nouvelle récession.
11. Déficit structurel et croissance potentielle : les tours de passe-passe
Les notions de déficit structurel et de croissance potentielle sont hautement contestables d’un point de vue keynésien. De ce point de vue, la conjoncture économique et les … Déplier
Un point de vue keynésien modéré soutient toutefois qu’il est possible de raisonner en termes de croissance potentielle, mais en définissant celle-ci comme la croissance qui … Déplier
Les néolibéraux soutiennent, pour leur part, qu’il est possible d’isoler une croissance potentielle, définie comme celle qui existerait compte tenu des structures de
l’économie&… Déplier
Comment estimer dans la croissance effective ce qui relève de la croissance potentielle ? Comment simultanément estimer dans le déficit courant ce qui relève du déficit … Déplier
Depuis de longues années, ils procèdent de la sorte : ils expliquent que la croissance effective (même lorsque celle-ci est très faible) n’est finalement guère éloignée de la
… Déplier
D’où plus précisément le tour de passe-passe suivant : à chaque fois que la croissance fléchit, les néolibéraux affirment que c’est en fait la croissance potentielle qui
flé… Déplier
Jusqu’en 2007, la plupart des documents officiels tablaient ainsi sur une croissance potentielle de l’ordre de 2 % pour la France : c’était celle constatée alors. Depuis
lors,… Déplier
Les estimations retenues par la Cour dans son rapport (tableau 1) appellent plusieurs remarques.
Tableau 1. Croissance potentielle et solde structurel : les estimations de la Cour des comptes
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
PIB (1)
|
2,3
|
-0,1
|
-3,1
|
1,7
|
1,7
|
0,4
|
Croissance potentielle (2)
|
1,8
|
1,5
|
0,8
|
1,0
|
1,2
|
1,4
|
Ecart de production (annuel) (3) = (1) – (2)
|
0,5
|
-1,6
|
-4,0
|
0,7
|
0,5
|
-1
|
Ecart de production cumulé
|
1,6
|
0,0
|
-4,0
|
-3,3
|
-2,8
|
-3,8
|
Solde public (4)
|
-2,7
|
-3,3
|
-7,5
|
-7,1
|
-5,2
|
-4,4
|
Opérations temporaires* (5)
|
|
|
-1,0
|
-0,7
|
|
|
Solde conjoncturel (6)
|
0,7
|
0
|
-2
|
-1,6
|
-1,4
|
-1,9
|
Solde structurel
(7) = (4) – (5) – (6)
|
-3,5
|
-3,3
|
-4,5
|
-4,8
|
-3,9
|
-2,5
|
* Les « opérations temporaires » correspondent au Plan de relance
1/ Alors que cela détermine toutes ses recommandations, la Cour ne s’étend pas sur la méthode qu’elle a retenue pour établir ses nouvelles estimations de croissance potentielle et
… Déplier
2/ Dans son rapport de 2008, la commission européenne estimait que la croissance potentielle de la France était de 1,8%. Dans son rapport de juin 2011, la Cour l’estimait à
1,6&… Déplier
3/ L’« écart de production » (output gap) est supposé mesurer la différence entre la croissance réellement obtenue et la croissance normale (dite potentielle). Lorsqu’il
… Déplier
4/ La Cour estime ainsi qu’en 2007, la France avait un « écart de production » positif de 1,6 point en cumulé, ce qui signifie que sa production était alors trop élevée par
… Déplier
5/ Pour les années suivantes, la Cour minore sans cesse à la baisse la croissance potentielle. Sans que l’on sache vraiment pourquoi, celle-ci aurait par exemple chuté à 0,8 point
… Déplier
6/ Le comble est atteint pour les années 2010 et 2011. Après deux années de récession marquée (le taux de chômage a atteint 9,9 % fin 2009), la France a alors renoué avec une … Déplier
7/ La croissance potentielle étant minorée, cela réduit d’autant le déficit conjoncturel, et la Cour peut finalement afficher le résultat recherché : exhiber un déficit … Déplier
12. Le chiffrage alternatif n°2 : si l’on ne se résigne pas au chômage de masse
Le calcul d’une croissance potentielle, et partant, d’un déficit structurel est, on l’a dit, très contestable. Dans le tableau 2, on présente toutefois un calcul de ce type, mais
… Déplier
Les hypothèses retenues dans l’estimation alternative sont plus réalistes que celles retenues par la Cour, sans être pour autant, cela doit être souligné, radicales (elles
… Déplier
- on retient une hypothèse d’un écart de production cumulé initial nul, en 2007, soit une hypothèse très douce, un keynésien « radical » pouvant juger que
l’… Déplier
Tableau 2. Estimations alternatives à celles de la Cour des comptes
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
PIB (1)
|
2,3
|
-0,1
|
-3,1
|
1,7
|
1,7
|
0.4
|
Croissance potentielle (2)
- Estimation Cour
- Estimation alternative
|
1.8
2,1
|
1,5
2,1
|
0.8
2,0
|
1.0
2,0
|
1.2
1,9
|
1.4
1,8
|
Ecart de production (annuel) (3) = (1) – (2)
- Estimation Cour
- Estimation alternative
|
0,5
0,2
|
-1,6
-2,2
|
-4,0
-5,1
|
0,7
-0,3
|
0,5
-0,2
|
-1
-1,4
|
Ecart de production cumulé
- Estimation Cour
- Estimation alternative
|
1,6
0
|
0,0
-2,2
|
-4,0
-7,3
|
-3,3
-7,6
|
-2.8
-7,8
|
-3,8
-9,2
|
Solde public (4)
|
-2,7
|
-3,3
|
-7,5
|
-7,1
|
-5,2
|
-4.4
|
Solde conjoncturel (6)*
- Estimation Cour
- Estimation alternative
|
0,7
0,1
|
0
-1,1
|
-3
-5,8
|
-1,6
-4,2
|
-1,3
-3,9
|
-1,9
-4,6
|
Solde structurel
(7) = (4) – (6)
- Estimation Cour
- Estimation alternative
|
-3,5
-2,8
|
-3.3
-2,2
|
-4.5
-1,7
|
-4.8
-2,9
|
-3.9
-1,3
|
-2.5
0,2
|
* Y compris les « opérations temporaires » associées au Plan de relance. La Cour isole ces opérations temporaires (cf. tableau précédent). On les a ici regroupées dans
… Déplier
- on accepte ainsi, compte tenu de l’évolution démographique, l’idée - également contestable d’un point de vue keynésien « radical » - selon laquelle la … Déplier
- même si ce n’est pas dans les proportions démesurées retenues par la Cour, on accepte toutefois de faire baisser la croissance potentielle, ce qu’à nouveau un
keyné… Déplier
En dépit de ces hypothèses non radicales, on arrive au résultat suivant :
- l’écart de production cumulé est finalement de plus de 9 % (et non de 3,8 %), ce qui permet d’expliquer pourquoi le chômage atteint aujourd’hui les 10 % ;
- contrairement à ce que soutient la Cour, la plus grande part du déficit public a une composante conjoncturelle. Les déficits enregistrés depuis 2007 s’expliquent … Déplier
- en 2012, le solde structurel sera finalement positif. Or, à tout le moins, la norme pour ce solde n’a aucune raison d’être zéro : la « vraie règle
d’… Déplier
- pour l’avenir, si la productivité du travail en France progresse, comme auparavant, au rythme de 1,2 % par an et que la population active progresse au taux de
… Déplier
13. 3 % de déficit public en 2013 pour rassurer les marchés financiers ? Et si cela ne les rassurait pas ?
L’argument massue avancé par la Cour pour maintenir coûte que coûte les objectifs de réduction de déficit est celui de la crédibilité de la France vis-à-vis des marchés
financiers.… Déplier
Les marchés financiers sont-ils efficients ? La crise ouverte en 2007 ne témoigne-t-elle pas de la folie qu’il y a à leur confier le soin de dicter la politique
économique&… Déplier
La soumission de la politique aux exigences des marchés financiers est en elle-même hautement contestable. Mais il y a plus grave : il n’est pas sûr du tout que les marchés
… Déplier
A contrario, il est aisé de constater que parmi les pays qui comptent les taux d’intérêt les plus faibles, on compte ceux qui ont des déficits publics
(Etats-Unis : -9,7… Déplier
14. Etats-Unis : près de 10 % de déficit public et plus de 100 % de dette publique. So what ?
Il faut de toute évidence que la zone euro aille très loin dans le zèle néolibéral pour que des économistes hétérodoxes puissent prendre appui sur ce que font les Etats-Unis. Or,
… Déplier
Depuis 2010, à l’occasion de tous les sommets internationaux, la situation est ainsi à front renversé : ce sont les représentants du pays supposé être le temple du libé… Déplier
15. Un calendrier très politique et peu économique
Le calendrier retenu par la Cour, même si à sa décharge celui-ci lui a été imposé par la lettre de mission du nouveau gouvernement, est très politique.
Pour 2012, elle estime qu’il y a certes des efforts supplémentaires à faire. Mais le budget 2012 a déjà été voté par le précédent gouvernement et le projet de loi de finances … Déplier
L’essentiel de l’effort doit porter sur l’année 2013, souligne la Cour. Cela tombe bien, puisque le projet de loi de finances 2013 doit justement être discuté au Parlement à la rentrée.
Clairement, le rapport de la Cour a donc une ambition : inciter le nouveau Parlement à peine formé à opter d’emblée pour l’austérité à l’occasion du vote de la loi de … Déplier
A aucun moment, la Cour n’envisage la stratégie inverse. Si les perspectives de croissance de la zone euro sont de -0,4% pour 2011, de 0,7% pour 2012, ce serait de la folie que de
… Déplier
16. 2013 : l’annus horribilis
Pour 2013, indique la Cour, il convient de respecter à tout prix l’engagement de réduction du déficit public à 3% du PIB. Comment faire, compte tenu de la récession qui pointe ?
La Cour présente, dans un premier temps, plusieurs scénarios (tableau 3)
Tableau 3. Effort structurel nécessaire en 2013 selon la croissance du PIB d’après la Cour des comptes
Croissance PIB
|
0
|
0,5 %
|
1 %
|
1,5 %
|
2 %
|
Effort structurel (milliards d’€)
|
44
|
38,5
|
33
|
28
|
23
|
Rapport de la Cour des comptes, juillet 2012, p. 121
Elle retient ensuite comme scénario central, l’hypothèse d’une croissance de 1 % en 2013. L’effort supplémentaire à réaliser pour cette année est donc chiffré à 33 milliards,
… Déplier
Comment réaliser cet effort ? La Cour préconise d’agir à la fois sur les recettes et sur les dépenses. Dans les deux cas elle fait sien le point de vue néolibéral … Déplier
17. La priorité : la réduction des dépenses publiques
Réduire la sphère du public au bénéfice du privé supposé plus efficace : tel est depuis longtemps l’un des objectifs majeurs des partisans du libéralisme économique.
Pour ce faire, les néolibéraux, ces trente dernières années, ont abondamment utilisé la stratégie suivante : ils ont tari les recettes fiscales – à la fois par les … Déplier
La Cour reprend cette logique : les déficits publics, souligne-t-elle, doivent dorénavant d’abord et avant tout être réduits par la baisse des dépenses et non par la hausse
… Déplier
Son argumentation à ce niveau est plus précisément la suivante. Elle présente initialement trois scénarios de répartition des efforts où la réduction des dépenses en assure … Déplier
Si tant est qu’il soit justifié, pourquoi l’effort doit-il porter principalement sur les dépenses ?
La question mérite d’être posée : l’effet multiplicateur de la dépense publique est a priori plus élevé que le multiplicateur fiscal. Une hausse de la dépense publique a un
… Déplier
Les arguments employés par la Cour pour justifier, malgré cela, la priorité accordée à la réduction des dépenses sont plus que contestables.
Le premier consiste à rappeler que le taux de prélèvements obligatoires est particulièrement élevé en France. Mais quelles conclusions peut-on réellement tirer d'une telle … Déplier
Le deuxième argument consiste à évoquer des études « réalisées par les organisations internationales ». Le lecteur est alors invité à admettre que celles-ci « … Déplier
Le troisième argument met en avant le fait qu'en 2011 et 2012, l'essentiel des efforts a porté sur les recettes. Par conséquent, à l’avenir, « leur ampleur doit être … Déplier
18. Sus à toutes les dépenses publiques
La Cour admet incidemment que les dépenses publiques présentent des « avantages socio-économiques qui les justifient » (124). Mais quelques lignes plus loin, on trouve
… Déplier
L’utilité de la dépense publique doit évidemment en permanence être vérifiée à la fois par les élus du peuple, les instances en charge de ce contrôle (c’est la fonction … Déplier
Loin du souci de rigueur qui est traditionnellement le sien, la Cour reste souvent assez floue et évasive sur les coupes à réaliser en termes de dépenses.
Les éléments qu’elle présente permettent cependant d’apprécier la portée des mesures proposées.
Pour 2013, année de tous les enjeux selon elle, elle retient un scénario central (p. 122) où l’effort supplémentaire de 33 milliards d’euros est réparti pour moitié en
… Déplier
Pour 2013, il y donc 16,5 milliards d’économies à réaliser du côté des dépenses, soit 1,5 % des dépenses publiques. Or, note la Cour, les dépenses publiques ont justement … Déplier
La dépense publique se répartit dans les grands postes suivants : 34 % de dépenses de fonctionnement (dont près des ¾ en salaires) ; 54 % de dépenses d’… Déplier
Dans le détail, on trouve plus précisément les suggestions suivantes :
- Pour la sphère de l’Etat, elle propose de maintenir l’objectif de la « norme zéro valeur des dépenses de l’Etat » (p. 134), qui avait été posé par le dernier … Déplier
- la Cour préconise une extension de la RGPP (non remplacement d’un fonctionnaire sur deux) qui devrait dorénavant être étendue aux collectivités locales. La Cour constate en … Déplier
- pour les dépenses d’intervention constituées essentiellement de prestations sociales délivrées par les administrations de sécurité sociale, la Cour insiste sur le fait que ces
«… Déplier
19. L’investissement public lui aussi en ligne de mire
Depuis plusieurs années, la plupart des rapports officiels internationaux (OCDE, FMI, Banque mondiale…), européens ou nationaux préconisent de rendre l’Etat social plus … Déplier
Dans les faits, la réduction bel et bien programmée des dépenses dites passives, est rarement accompagnée d’une hausse des investissements publics. Le marché est donc clairement
… Déplier
De façon générale, la Cour préconise d’« examiner l’efficacité et la rentabilité des investissements publics » (p. 128). Elle juge finalement qu’ « il n’y a
[…]… Déplier
Elle porte à nouveau, ce qui est positif, un jugement sévère sur les partenariats public privé « qui reportent la charge de l’investissement sur les dépenses de … Déplier
20. Recettes : sus aux ménages
La Cour le reconnaît : « l'ampleur des efforts nécessaires est trop important pour reposer sur les dépenses » (p. 129) en particulier en 2013. Il faut donc aussi … Déplier
La Cour appelle fort logiquement à tenir compte de leur impact récessif : « le dosage des mesures de redressement peut aussi permettre de limiter l’ampleur des effets … Déplier
Cette proposition a été reprise le 7 juillet 2012 par le Commissaire à l'investissement, Louis Gallois, qui estime nécessaire de « faire un choc de compétitivité » à
l'… Déplier
Au total, la Cour préconise un effort de l’ordre de 4 points de PIB pour mettre à l’équilibre les finances publiques. Cet effort ne devrait pas selon elle peser sur les … Déplier
Le pouvoir d’achat des ménages devrait baisser selon l’INSEE de 0,6% en 2012. La consommation des ménages serait pratiquement stagnante en France en 2012. Peut-on … Déplier
Pour atteindre la cible de déficit public prévu en 2012 (4,5 % du PIB), le gouvernement a pris de bonnes mesures fiscales dans sa première Loi de Finances Rectificative, telles … Déplier
21. Les nouvelles règles européennes
La Cour reprend, sans beaucoup d’esprit critique, l’encadrement des politiques budgétaires mis en place par les instances européennes (les six directives, le Pacte Budgétaire, les
… Déplier
Toutefois, elle note : « l’ensemble de ces dispositions est souvent d’une grande complexité » (p. 172) ; elle relève la contradiction entre l’obligation … Déplier
Elle relève les problèmes posés par les deux directives en projet, dont la deuxième imposerait que le budget soit basé « sur des prévisions macroéconomiques réalisées par un
… Déplier
La nouvelle directive imposerait à chaque pays de créer un « comité budgétaire indépendant » chargé de veiller au respect des règles budgétaires européennes. On voit mal
… Déplier
Pour conclure.
Au total, ce rapport souffre, selon nous, de trois défauts majeurs :
- Il soutient la thèse selon laquelle les difficultés des finances publiques de la France proviennent de politiques trop dépensières, et non d’une stratégie de ré… Déplier
- Il préconise une politique budgétaire fortement restrictive en particulier pour le budget 2013 – celui-là même qui doit être examiné par le Parlement à la rentrée –
… Déplier
- Enfin, et c’est préoccupant du point de vie démocratique, il ne montre pas qu’il existe d’autres points de vue, d’autres stratégies que celle de l’hyper-austérité
… Déplier
Le candidat socialiste à l’élection présidentielle a été élu autour d’un mot d’ordre Le changement maintenant, en insistant sur le nécessaire retour de la croissance pour œuvrer
… Déplier
Annexe
Manifeste pour le retour à la raison économique
Lancé par Paul Krugman et Richard Layard le 27 juin 2012[28]
Plus de quatre ans après le début de la crise financière, les économies les plus avancées restent profondément déprimées, dans un contexte qui rappelle hélas trop les années 1930.
La raison en est simple : nous suivons les mêmes idées qui ont inspiré les politiques des années 1930. Ces idées, qui ont été invalidées depuis longtemps, reposent sur des … Déplier
Ces erreurs ont pris profondément racine dans l’opinion publique et elles servent d’appui pour justifier, dans de nombreux pays, une austérité excessive dans la conduite des … Déplier
· Les causes
De nombreux décideurs politiques répètent que la crise a été provoquée par des emprunts publics irresponsables. A quelques rares exceptions près – autres que la Grèce –, c’est … Déplier
L’explosion de cette bulle a conduit à une chute massive de la production et donc des recettes fiscales. Les déficits publics importants auxquels nous assistons aujourd’hui sont
… Déplier
Lorsque la bulle du crédit immobilier, de part et d’autre de l’Atlantique, a éclaté, de nombreux acteurs du secteur privé ont réduit leurs dépenses pour tenter de rembourser leurs
… Déplier
La chute des dépenses a entraîné une crise économique, qui a aggravé du même coup le problème de la dette publique.
Alors que le secteur privé est engagé dans un effort collectif pour dépenser moins, les politiques publiques devraient, à l’inverse, agir comme une force stabilisatrice, en … Déplier
A tout le moins, nous ne devrions pas aggraver la situation par des coupes drastiques dans les dépenses publiques ou de fortes augmentations des taux d’imposition sur les ménages
… Déplier
Après avoir répondu correctement à la crise dans un premier temps, pendant sa phase aiguë, les politiques ont pris, au nom du « bon sens », un mauvais tournant. Elles se
… Déplier
En conséquence, au lieu de jouer un rôle stabilisateur, la politique budgétaire a fini par renforcer les effets récessifs des réductions des dépenses du secteur privé.
Si le choc économique était moins grave, la politique monétaire pourrait prendre le relais. La politique monétaire doit être utilisée au maximum, mais avec des taux d’intérêt … Déplier
Il faut, bien sûr, se doter d’un plan à moyen terme pour réduire le déficit public. Mais s’il est trop brutal, ce dernier peut faire avorter la reprise économique, et donc devenir
contre-productif.
Une des priorités essentielles, aujourd’hui, est de réduire le chômage avant qu’il ne devienne endémique, ce qui rendrait plus difficiles encore la reprise économique et donc la
ré… Déplier
Comment ceux qui défendent les politiques actuelles répondent-ils à l’argumentaire que nous venons de dérouler ? Ils insistent sur deux points, très différents l’un de l’autre.
Leur premier argument est que les déficits publics vont entraîner une hausse des taux d’intérêt et donc empêcher la reprise. Symétriquement, affirment-ils, l’austérité permettra
d’… Déplier
Mais aucune preuve ne vient en appui à cet argument. Tout d’abord, malgré des déficits exceptionnellement élevés, les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi faibles qu’aujourd’hui,
… Déplier
C’est même vrai du Japon où la dette publique dépasse désormais 200% du PIB annuel. Les dégradations de la dette japonaise, décidées par les agences de notation, n’ont eu aucun … Déplier
Si les taux d’intérêt se sont élevés dans certains pays de la zone euro, c’est parce que la BCE n’est pas autorisée à agir comme prêteur en dernier ressort aux gouvernements. … Déplier
En outre, si l’on examine l’expérience passée, il n’existe pas d’exemple probant où des compressions budgétaires ont conduit à une activité économique accrue. Le FMI, qui a étudié … Déplier
Dans la poignée de cas dans lesquels la réduction des déficits budgétaires a été suivie par une croissance, cette reprise s’explique par d’autres facteurs, comme une dévaluation
… Déplier
La leçon de l’étude du FMI est claire : les coupes budgétaires retardent la reprise. C’est ce qui se passe aujourd’hui : les pays qui ont le plus réduit leurs dépenses
… Déplier
La vérité, comme on peut aujourd’hui le constater, c’est que les compressions budgétaires n’inspirent pas la confiance des entreprises et des marchés. Les entreprises n’… Déplier
Il existe des preuves massives contre l’argument de la « confiance des marchés » : tous les éléments allégués pour le soutenir s’évaporent quand on les soumet à un
… Déplier
Deuxième argument avancé contre la relance de la demande : la production serait limitée, du côté de l’offre, par des déséquilibres structurels.
Si cette théorie était exacte, cependant, certains secteurs de nos économies seraient déjà au maximum de leurs capacités de production.
Dans la plupart des pays, cela n’est tout simplement pas le cas. Tous les secteurs majeurs de nos économies sont en difficulté, et chaque profession connaît un chômage plus élevé
… Déplier
Donc, le problème est forcément une insuffisance générale de la demande.
Dans les années 1930, aux Etats-Unis, le même argument structurel avait été utilisé contre des politiques de relance par la dépense publique.
Mais les dépenses se sont accrues entre 1940 et 1942 et la production a alors augmenté de 20%. Le problème, dans les années 1930, était une pénurie de la demande, pas de
… Déplier
En raison de leurs idées fausses, de nombreux décideurs occidentaux infligent des souffrances massives à leurs peuples.
Pourtant, les idées qu’ils défendent pour gérer les récessions ont, depuis les catastrophes des années 1930, été rejetées par presque tous les économistes. Et pendant les quarante
… Déplier
Il est tragique de constater que, ces dernières années, les vieilles idées erronées ont de nouveau pris racine. Nous ne pouvons plus accepter une situation dans laquelle les dé… Déplier
Les politiques doivent, pour être plus efficaces, être différenciées selon les pays et nécessitent un débat approfondi. Mais elles doivent reposer sur une analyse correcte des … Déplier
Le monde entier souffre quand des hommes et les femmes gardent le silence sur ce qu’ils savent être faux.
[1] Dans cette note, toutes
les évolutions sont présentées en volumes.
[2] Le 16 juillet 2012, à
l’occasion de l’actualisation de ses Perspectives économiques mondiales, le FMI a de nouveau … Déplier
[3] Pour une critique de ce
Pacte, voir l’ouvrage des Economistes atterrés, L’Europe mal-Traitée, Les Liens qui Libè… Déplier
[4] Depuis plusieurs
années, les gouvernements promettent la main sur le cœur que les défis écologiques sont au centre … Déplier
[5] Au sujet de la
véritable règle d’or, voir la mise au point de H. Sterdyniak, « Ramener à zéro le déficit … Déplier
[6] Cf. J.-M. Monnier et B.
Tinel (2006).
[7] La fameuse affaire de
la cagnotte fiscale l’illustre jusqu’à la caricature. En 1999, Le gouvernement Jospin aurait … Déplier
[8] Selon la célèbre
formule résumant la pensée de l’économiste M. Kalecki, « les salariés dépensent ce … Déplier
[9] Voir M. Pucci et
B. Tinel (2011).
[10] Le taux de prélèvements
obligatoires global (Etat, administrations de sécurité sociale et collectivités locales) a quant … Déplier
[11] La Cour prend aussi pour
exemple la politique menée en France par le gouvernement d’Alain Juppé entre 1994 et 1996 (… Déplier
[12] Le taux de croissance grec
a été de -0,2% en 2008, -3,3% en 2009, -3,5% en 2010, -6,9% en 2011. Pour 2012, le … Déplier
[13] En particulier par le refus
de la Banque centrale européenne de jouer son rôle de prêteur en dernier ressort pour les … Déplier
[14] FMI (2010), « Will it hurt?
Macroeconomic Effect of Fiscal Consolidation », in World Economic Outlook, October.
[15] OCDE (2010), « Assainissement budgétaire :
besoins, calendrier, instruments et cadre institutionnel », Perspectives Economiques de l’OCDE, chapitre 4, n° 88.
[16] L’investissement public – on y revient ensuite
– est au contraire aussi dans la ligne de mire de la Cour.
[17] Pour une critique du calcul de la croissance
potentielle et des déficits structurels, voir notamment Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak (2011), « Finances publiques, … Déplier
[18] Le taux de chômage
mentionné ici est le taux de chômage officiel, avec DOM compris.
[19] Prévisions de l’OCDE mises
à jour le 7 juin 2012.
[20] L’explication est la
suivante : si l’Etat augmente ses dépenses de 100 (construction d’écoles), cela augmente immé… Déplier
[21] Cour des comptes (2011),
Les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne, mars, p. 46. On trouve des … Déplier
[22] Sans citer précisément la
source, la Cour indique selon « des études du FMI sur un ensemble de pays développés, les … Déplier
[23] Voir notamment, Günter
Coenen et alii, FMI (2010), « Fiscal multipliers in structural models », IMF Working … Déplier
[24] La Cour indique que pour
des raisons sociales évidentes, « il est cependant difficile de maintenir ce gel [du point … Déplier
[25] D’emblée, pour 2013, la
Cour propose une indexation « inférieure d’un point » tant pour les retraites (é… Déplier