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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 13:04
Le pouvoir d’influence délirant des dix milliardaires qui possèdent la presse française

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Dix milliardaires ont pris le contrôle d’une grande partie des médias français. Ces oligarques, venus du BTP, de l’armement, du luxe ou de la téléphonie, ont accaparé les grands quotidiens nationaux, les chaînes de télévision et les radios, pour asseoir leur influence. Avec à la clé, conflits d’intérêts, censures, pressions, licenciements, ingérence malsaine... Cette concentration des moyens de production de l’information entre les mains de quelques uns met en péril l’indépendance de la presse dans notre pays. Et porte ainsi atteinte au fonctionnement démocratique. Comment garantir la liberté de l’information et le pluralisme de la presse ? Résumé d’une situation critique, à l’occasion de la campagne #LibertéEgalitéInformés.

À qui appartient la presse française ?

Le secteur de la presse en France est un grand Monopoly. Tout s’achète, tout se vend, les journaux, les télés, les radios. Quelques milliardaires se partagent le gâteau. Résultat : 90 % des quotidiens nationaux vendus chaque jour appartiennent à 10 oligarques ! D’après les calculs de Basta !, les mêmes possèdent des télévisions et radios qui totalisent respectivement 55% et 40% des parts d’audience [1]. Vous avez donc une grande probabilité de lire, regarder ou écouter chaque jour des médias qui appartiennent à ce petit cercle de milliardaires.

Cela pose plusieurs problèmes. La concentration d’abord. Est-il sain qu’une si grande part de la presse appartienne à quelques personnes, richissimes, faisant partie d’une caste de privilégiés ? L’indépendance, ensuite. Est-il normal que les principaux médias français de notre pays soient entre les mains de marchands d’armes, d’entreprises du luxe, du BTP, de la téléphonie, de banquiers ou de fabricant de toilettes ? Comment ces propriétaires peuvent-ils concilier liberté de l’information et intérêts privés ? Comment TF1, BFM-TV, Le Monde, Libération peuvent-il produire en toute indépendance des enquêtes sur le secteur de la téléphonie, quand leurs propriétaires sont les patrons de Free, Bouygues Telecom et SFR ? Comment les journalistes du Figaro peuvent-ils porter un regard critique sur la politique de défense de la France, quand le propriétaire de leur journal vend des avions de chasse à l’État français ? Enfin, cette situation ne peut qu’encourager la reproduction d’un système économique qui assure la continuité des intérêts financiers de cette petite classe de possédants. Ils constituent une véritable communauté d’intérêt ! Et ce qui motive de riches patrons à créer des conglomérats médiatiques – qui ne rapportent pas vraiment d’argent – c’est d’abord la possibilité d’acheter de l’influence.

Qui sont ces 10 milliardaires ?

Ils sont cinq à faire partie du cercle des dix premières fortunes de France : Bernard Arnault, PDG du groupe de luxe LVMH (patron des Echos, du Parisien), Serge Dassault (Le Figaro), François Pinault (Le Point), Patrick Drahi, principal actionnaire de SFR (Libération, L’Express, BFM-TV, RMC), Vincent Bolloré (Canal+). On trouve ensuite Xavier Niel, patron de l’opérateur de téléphonie Free et 11ème fortune de France, qui s’est associé avec Pierre Bergé, héritier du couturier Yves Saint-Laurent, et avec le banquier Matthieu Pigasse, pour devenir propriétaire du groupe Le Monde (L’Obs, Télérama, La Vie...). Matthieu Pigasse possède également Radio Nova et l’hebdomadaire Les Inrocks.

Martin Bouygues, 30ème fortune de France, est propriétaire du groupe TF1. La famille Mohn, qui contrôle le groupe allemand Bertelsmann [2], est propriétaire de M6, RTL, Gala, Femme actuelle, VSD, Capital,… Viennent ensuite Arnaud Lagardère, propriétaire d’Europe 1, Paris Match, du JDD, de Virgin radio, RFM, Télé 7 jours, et Marie-Odile Amaury, qui possède L’Equipe (et dont le groupe est, par l’une de ses filiales, organisateur du Tour de France notamment). Petite précision : ces deux derniers ne sont « que » millionnaires, avec tout de même une fortune évaluée entre 200 et 300 millions d’euros. A ce « Top 10 », on pourrait aussi ajouter la famille Bettencourt qui finance le journal ultra-libéral L’opinion. Ou le milliardaire d’origine libanaise Iskander Safa, 71ème fortune de France et propriétaire du très réac Valeurs actuelles.Conflits d’intérêts en pagaille

Quelles sont les conséquences sur l’indépendance des médias ? Un mélange des genres pour le moins douteux, qui peut mettre les journalistes en porte-à-faux. Comment TF1 pourrait-il produire des enquêtes critiques sur les abus des partenariats publics-privés (PPP) quand son propriétaire, Bouygues, fait partie des multinationales du BTP qui bénéficient de ces juteux contrats ? Autre exemple : comment un média peut-il s’intéresser de près aux affaires d’évasion fiscale quand son patron manifeste un attrait prononcé pour les paradis fiscaux ? C’est la question que doivent se poser les journalistes de BFM-TV à chaque nouveau scandale fiscal.

Leur boss, Patrick Drahi, a échafaudé, à partir de sa holding personnelle, un opaque et complexe montage de filiales et de trusts, dispersés au sein de paradis fiscaux notoires : Guernesey, Suisse ou Luxembourg. Comment BFM évoque-t-elle le scandale des Panama Papers, dans lequel apparaît le nom de Patrick Drahi ? « Vous avez vu la réaction des gens qui ont été cités ? Ils se défendent c’est normal. Patrick Drahi, par exemple, qui reconnaît avoir une société, mais rien d’illégal. (…) Est-ce que finalement c’est la bonne méthode de jeter en pâture des noms de personnalités, sans qu’elles aient vraiment la possibilité de se défendre ? », explique ainsi l’animateur Olivier Truchot dans son émission BFMStory...

Voir l’organigramme de l’empire industriel de Patrick Drahi, réalisé par l’économiste Benoît Boussemart et publié par Le Canard enchainé (cliquez sur l’image) :

Autre problème, les proximités entre patrons de presse et politiques. C’est Nicolas Sarkozy, proche de Bernard Arnault, qui annonce en 2007 aux journalistes des Echos le nom de leur nouveau patron ! Car ces richissimes propriétaires de presse entretiennent quelques affinités avec des responsables politiques : lors du mariage de Nicolas Sarkozy avec Cécilia Ciganer-Albéniz, les deux témoins sont… Bernard Arnault et Martin Bouygues. C’est sur le yacht d’un autre ami, Vincent Bolloré, que Nicolas Sarkozy choisit d’aller se reposer après son élection en 2007. « Arnaud est plus qu’un ami, c’est un frère », déclare encore Nicolas Sarkozy à propos de l’héritier Lagardère. Enfin, il compte Serge Dassault parmi les clients de son cabinet d’avocats. La moitié de ces dix propriétaires de presse sont des proches de l’ancien président. Bref, question indépendance, on repassera !

Quel que soit l’impact réel de ces connivences et les éventuelles pressions, les dégâts du soupçon – le fait que ces riches patrons se trouvent en conflit d’intérêts, en situation de pouvoir abuser de leur position pour leur intérêt propre – sont bien là. Cette simple suspicion produit une délégitimation du secteur de la presse. Conséquence : seuls 34% des Français estiment que les médias fournissent des informations dignes de confiance. Plus de deux tiers des Français pensent que les médias subissent des pressions commerciales ou politiques qui impactent les informations délivrées [3].

Licenciements et coups de pression

Lorsqu’on est journaliste, peut-on travailler en toute indépendance dans cette situation ? Quelques exemples – la face visible de l’iceberg des pressions souterraines ! – montrent que ce n’est pas le cas : l’ingérence de ces patrons est bien réelle. Certains ont une fâcheuse tendance à faire le ménage en arrivant, pour mettre à la tête des médias des dirigeants compatibles avec leurs intérêts, avec pour mission de purger les rédactions. Un cas d’interventionnisme remarqué fut la nomination de Guillaume Zeller, catholique traditionaliste, comme directeur de l’information du groupe Canal+, par Vincent Bolloré. Ce dernier semble vouloir actuellement enterrer Canal+, après avoir vidé de ses forces vives la rédaction d’iTélé, rebaptisée CNews, après la plus longue grève de l’histoire de la télévision.

Il semble ne plus y avoir de limites à ce « grand ménage ». En 2016, Aude Lancelin, directrice adjointe de la rédaction de L’Obs, est licenciée pour des raisons politiques. En 2017, Olivia Recasens, directrice adjointe de la rédaction du Point, est limogée du jour au lendemain, pour faute grave, et pour des motifs réels tout aussi inavouables. Autant de coups de pression, qui envoient un message clair aux rédactions : pas de vagues, rentrez dans le rang !

Ingérence et censures

Le patron de M6, Nicolas de Tavernost, avoue avoir exercé des pressions sur les journalistes de la chaîne pour « ne pas contrarier des clients ». Il explique ainsi avoir censuré une émission de Capital sur la téléphonie. Autre cas notable, la censure par Vincent Bolloré d’une enquête sur le Crédit mutuel, qui devait être diffusée par l’émission « Spécial investigation » sur Canal+. Un simple coup de fil a suffi pour contenter la banque, partenaire de Vincent Bolloré, qui ne voulait pas voir sortir cette enquête. Reporters sans frontières et le collectif « Informer n’est pas un délit » dénoncent par ailleurs la censure et la déprogrammation de quatre documentaires qui devaient être diffusés par Canal+.

Un autre risque, plus pervers car plus discret, est l’autocensure de journalistes. Des journalistes qui veulent bien faire leur métier, mais qui n’osent plus proposer des articles sur des sujets sensibles, ou qu’ils savent problématiques pour le propriétaire de leur média. Sans compter les pressions économiques, avec les suppressions de postes et des moyens nécessaires à tout travail d’enquête. Promouvoir des logiques managériales « musclées », imposer des contraintes économiques fortes sur la production de l’information, précariser les rédactions mises en permanence sur la sellette, bref, promouvoir une information low cost, est aussi une forme de censure.

A cette liste des moyens de censure, il faudrait ajouter les « poursuites baillons », dont l’objectif est de dissuader les médias de s’emparer de certaines affaires (lire notre article « Bolloré, la presse et les poursuites ‘homéopathiques’ en diffamation »). Ou les mesures de rétorsion, comme celle de Bernard Arnault, ulcéré par le titre « Casse-toi, riche con » de Libération, lors de sa demande de naturalisation en Belgique en 2012, et qui décide de couper les budgets de publicité alloués par le groupe LVMH au quotidien.

Comment cela évolue-t-il ?

Pas vraiment vers davantage de pluralisme ! En quelques mois, en 2015, on a vu le rachat par Patrick Drahi de Libération et du cinquième groupe de presse magazine en France, Express-Roularta, ainsi que sa prise de participation (à 49%) dans NextRadioTV (BFMTV, RMC). A la même période, Bernard Arnault, déjà propriétaire des Échos, rachète Le Parisienet Aujourd’hui en France, le groupe Le Monde rachète L’Obs, et Vincent Bolloré prend le contrôle de Canal +, via Vivendi. Des banques sont également entrées dans ce jeu de Monopoly. Le Crédit mutuel est ainsi devenu en dix ans l’unique propriétaire du groupe EBRA, premier groupe de presse quotidienne régionale, implanté dans l’Est de la France (Le Dauphiné libéré, Le Progrès, Dernières Nouvelles d’Alsace, L’Est républicain…) [4]. Et le Crédit agricole est devenu actionnaire de journaux régionaux, comme La Voix du Nord et Le Courrier picard (via le groupe belge Rossel).

Ce petit milieu multiplie les participations croisées [5]. En parallèle de cet accaparement, ces milliardaires ont mis la main sur l’ensemble de la chaine de production. Exemple avec les entreprises de production de contenus : c’est Lagardère qui produit pour France 5 les émissions « C dans l’air », par l’intermédiaire de sa société Maximal Productions. Ces oligarques sont aussi propriétaires des « tuyaux » de diffusion, comme les « box » (FreeBox, Bbox, Box SFR) qui permettent la diffusion dans tous les foyers de France d’internet et de la télévision. Une intégration « verticale » qui concentre la diffusion d’une grande part de l’information entre les mains de ceux qui détiennent les clés de sa production.

L’information devient ainsi un produit comme les autres : l’opérateur de télécoms SFR propose ainsi une box Internet « à partir de 19,99 euros par mois », avec, pour le même tarif, l’abonnement numérique à 18 journaux. « Une machine à tuer le journalisme de qualité », estime Le Point. Un peu comme un cadeau bonus. On achète le tuyau – une connexion web – et on gagne en prime un produit secondaire, des médias.

En quoi cela nous concerne tous ?

On pourrait se dire que chaque société a les médias qu’elle mérite. Ou que chacun lit, écoute, regarde ce qu’il veut. Que tout le monde peut faire son propre tri dans le flot médiatique. Sauf que les médias ne sont pas un business comme un autre. Défendre l’indépendance de la presse, ce n’est pas un combat « corporatiste », un « truc de journalistes » qui se battraient pour leur outil de travail. Il ne peut pas y avoir de démocratie forte, voire même de démocratie tout court, sans citoyens informés, et bien informés. L’information est un bien public. Autant de médias sous contrôle d’une petite oligarchie, véritables chiens de garde du néolibéralisme, c’est une atteinte à nos libertés fondamentales.

Cette situation n’est pas une fatalité. Lutter contre tout ce qui encourage la concentration des médias et leur financiarisation est possible (voir les propositions de la campagne #LibertéEgalitéInformés). On pourrait mettre en place des dispositifs anti-concentration plus exigeants. Ou interdire le contrôle de médias par des entreprises qui dépendent de marchés publics – Bouygues, Dassault,... – comme le propose l’association Acrimed. Ou conditionner le versement des aides à la presse aux médias qui ne sont pas détenus par des milliardaires, dont les intérêts principaux ne sont pas dans le secteur de la presse. Voire même, soyons fous, limiter ces aides aux médias à but non lucratif, qu’ils soient privés, coopératifs ou associatifs.

Il est nécessaire que ces propositions et réformes salutaires – ou d’autres ! – soient discutées et débattues. Mais aussi les conditions qui favoriseront l’émergence, le développement et la consolidation de médias indépendants, pour garantir le pluralisme de l’information en France. Défendre et faire vivre une presse libre ne semble malheureusement pas une priorité pour bon nombre de candidats à l’élection présidentielle.

@AgnèsRousseaux

- Voir la campagne #LibertéEgalitéInformés, lancée par le collectif Informer n’est pas un délit (dont fait partie la rédaction de Basta !) et Reporters sans frontières

 
Pour aller plus loin :

- Acrimed, « Les grandes manœuvres de concentration multimédia : comment et pourquoi ? » 
- Acrimed, « Concentration des médias : convergences et dépendances » 
- Le Monde diplomatique, « Médias français : qui possède quoi » 
- Laurent Mauduit, « Main basse sur l’information ! », Médiapart 
- Laurent Mauduit, Main basse sur l’information, Éditions Don Quichotte, 2016 
- Aude Lancelin, Le monde libre, Editions Les liens qui libèrent, 2016

Et pour lire des médias indépendants :

Vous pouvez consulter l’itinéraire conseillé par Basta ! et la liste des 150 médias membres du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil). Bonne lecture !

Les articles publiés pour la campagne #LibertéEgalitéInformés :

- Par Médiapart : #LibertéEgalitéInformés : des censures et des pressions, en veux-tu en voilà ! 
- Par Les Jours  : Manuel de manipulation du journaliste en campagne et La matinée où l’affaire Fillon a été supprimée d’i-Télé 
- Par France Inter : 
La chronique de Nicole Ferroni : Informer n’est pas un délit, c’est un défi !
L’invité de 8h20 : Patrick Boucheron : "On adore détester, on est au spectacle d’une parole dont on n’attend plus d’effet de vérité" 
- Par Street Press : Coups de matraque, tirs de flashball et fiche S : Journalisme en état d’urgence 
- Par Télérama : Une journée pour interpeller les candidats à la Présidentielle sur la liberté de l’information 
- L’infographie de CFactuel 
- Par Reporterre : Quand les puissants tentent de bâillonner l’information 
- Par L’Humanité : Médias. Informer n’est pas un délit, c’est même un devoir 
- Par Alternatives économiques, « Le modèle économique des médias s’effondre totalement » 
- Par La Télé libre (reportage vidéo) : Les Colleurs de la Liberté de l’Information 
- La tribune relayée par MarsActu, Le Journal minimal, AngersMag, Made in Perpignan, Causette, ArtSixMic, Médiacités, Revue XXI, DailyNord, ArtsHebdo Médias, L’Accent Bourguignon, Explicite, Le Zéphyr...

Notes

[1Méthodologie : Audience cumulée des médias appartenant (à titre personnel ou via des entreprises contrôlées par eux, leurs héritiers ou leur famille proche) à Bernard Arnault, Serge Dassault, François Pinault, Patrick Drahi, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, le trio Xavier Niel - Pierre Bergé - Matthieu Pigasse, Marie-Odile Amaury, Arnaud Lagardère, la famille Mohn (groupe Bertelsmann). Sources des calculs de l’audience : 1 / Radio : Audience de la radio en France métropolitaine en novembre-décembre 2016, en semaine (lundi-vendredi), mesurée auprès de 28 425 personnes âgées de 13 ans et plus, par Médiamétrie. 2 / Presse écrite : Selon chiffres de diffusion des quotidiens nationaux français (les propriétaires de 6 quotidiens sur 8 appartiennent à la liste ci-dessus). Source : Classement Presse Quotidienne Nationale 2016, ACPM. 3 / Télévision : Part d’audience et couverture nationale des agrégats et des chaînes de télévision pour l’année 2016, du lundi au dimanche, pour les Français de 4 ans et plus. Chiffres Médiamétrie, Médiamat Annuel 2016.

[2La famille Mohn détient aujourd’hui 19% du capital du groupe, le reste des parts étant détenues par des fondations créées notamment par la famille Mohn. Voir la structure du capital. C’est l’un des seuls groupes ici cités qui a une grande partie de ses activités dans le secteur de la presse et de l’édition.

[3Source : Eurobaromètre spécial 452, Pluralisme des médias et démocratie, Septembre - Octobre 2016.

[4En terme de concentration, la situation n’est guère plus enviable du côté de la presse régionale : la majorité de la presse quotidienne appartient à sept groupes (Ouest-France, Hersant, Rossel, La Dépêche, La Provence, Sud-Ouest et Crédit mutuel).

[5Lire « Concentration des médias : convergences et dépendances », par Benjamin Lagues, Denis Perais, Martin Coutellier, Sophie Muret, publié par Acrimed : « En 1998, déjà, Vincent Bolloré avait revendu les parts qu’il détenait chez Bouygues à… François Pinault et à son groupe Artemis ; en 2004, Bernard Arnault entre au conseil d’administration de Lagardère, il y restera jusqu’en 2012 ; en 2010, Bernard Arnault rachète Le Journal des finances (devenu Investir-Le Journal des finances au sein du groupe Les Echos) à… Serge Dassault ; en 2012, Vincent Bolloré devient le premier actionnaire de Vivendi en revendant au groupe Canal+ ses chaînes D8 et D17 contre des actions ; la même année, c’est Lagardère qui cède sa participation dans Canal+ France (20%) au groupe Vivendi (de Vincent Bolloré …) ; en 2013, Amaury rachète au même Lagardère sa participation dans le groupe familial (25%) ; en 2014, Vivendi, dirigé par Vincent Bolloré, cède 80% de l’entreprise de télécommunications SFR au groupe Altice de Patrick Drahi, les 20% restants suivront le même chemin en 2015 ».

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7 mars 2018 3 07 /03 /mars /2018 14:26
Réforme de la SNCF (4) : les matinales radio à l’unisson contre la grève
par Frédéric Lemaire, Pauline Perrenot, 

Nous poursuivons notre série sur la réforme de la SNCF [1] avec un tour d’horizon des interviews des syndicalistes dans les matinales des grandes radios. Le constat est unanime : de France Inter à Europe 1 en passant par RTL, la sympathie des éditocrates à l’égard de la « réforme » – quelle qu’en soit la forme – n’a d’égal que leur hostilité envers les mobilisations sociales…

Vendredi 16 février, la matinale de France Inter accueille successivement deux invités : Jean-Cyril Spinetta, l’auteur du rapport sur la réforme de la SNCF (et ancien PDG d’Air France) ; puis Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Deux interviews qui frappent par leur différence de ton : mielleux pour la première, fielleux pour la seconde.

Jean-Cyril Spinetta a toute latitude de présenter son rapport sans être à aucun moment mis en difficulté par la pugnacité des questions d’Ali Baddou (« Les cheminots ont-ils trop de droits ? » ; « Est-ce qu’on peut réformer sans les syndicats ? »). L’ancien PDG d’Air France n’est pas interrogé, par exemple, sur les problèmes posés par la privatisation du rail britannique.

À l’inverse, Philippe Martinez a droit au traitement traditionnel réservé aux syndicalistes par temps de mouvements sociaux dans les grands médias. Face à lui, Nicolas Demorand fait la démonstration de son professionnalisme, dans une interview pleine de bienveillance. En témoignent ces quelques morceaux choisis :

- Vous allez bloquer la France ? Vous allez bloquer la France ? […] Donc vous allez bloquer la France.

- La SNCF c’est l’un des derniers bastions de la CGT, où les grèves sont visibles puisqu’il n’y a plus de trains, alors est-ce que vous allez bloquer la France ?

- Vous êtes beaucoup plus langue de bois que le patron de la CGT cheminots...

- C’est une information ou c’est juste un écran de fumée qu’on balance pour tendre le rapport de force ?

- Vous avez perdu, et je ne veux pas vous faire injure Philippe Martinez, toutes les batailles depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, le rapport de force vous est défavorable et le restera, non, pour la SNCF ?

L’extrait ci-dessous, épinglé par « Là-bas si j’y suis », rend compte du ton pour le moins désobligeant de l’animateur : 
 

On imagine mal Nicolas Demorand, sur le ton du sarcasme ou du mépris, accuser Jean-Cyril Spinetta « d’être langue de bois » de « lancer un écran de fumée pour tendre le rapport de force » ou encore de « bloquer » la France en formulant des propositions radicales pour « réformer » la SNCF.

Quoi qu’il en soit, la différence de ton entre l’interview de Jean-Cyril Spinetta et celle de Philippe Martinez saute aux yeux : le premier est invité avec déférence à expliquer ses propositions ; le second, est sommé sans ménagement de s’expliquer sur ses velléités de mobilisation.

 
Cohen-Demorand, bonnet blanc, blanc bonnet

Maltraité sur France Inter, Philippe Martinez ne va pas connaître un sort bien différent sur Europe 1, où il est interviewé par Patrick Cohen, le 20 février. Ca commence très fort : « Question simple : est-ce qu’il y aura des trains au printemps ? [...] Et des trains qui roulent ? »

C’est sans doute par goût du clin d’œil à son ancienne collègue, Léa Salamé, que Patrick Cohen ose une telle entame. On se rappelle en effet l’entrée en matière de celle qui, désormais aux côté de Nicolas Demorand dans la matinale d’Inter, s’adressait en ces termes à Philippe Martinez au moment des mobilisations contre la Loi Travail : « Quel est l’objectif Monsieur Martinez ? Plonger la France dans le noir ? » [2]

Et ce n’est qu’un début :

- Qu’est-ce qui vous fait horreur dans le rapport Spinetta qui, je le rappelle, préconise le maintien du statut des cheminots en place et qui ne prive a priori personne d’aucun droit, Philippe Martinez ? » ;

- Il faut garder le statut ad vitam aeternam Philippe Martinez ? En Allemagne les cheminots ont perdu le statut et ils sont mieux payés que les Français !

- Vous êtes donc d’accord avec le constat du rapport Spinetta qui dit que c’est un système qui ne marche pas bien et deuxième partie du constat : est-ce qu’on peut continuer comme ça avec une SNCF qui fait chaque année 24 milliards de dépenses, 10 milliards de recettes seulement, qui fabrique 3 milliards de dette par an, et qui reçoit 10 milliards de subventions publiques. Comment vous financez cela Philippe Martinez ? [P. M : Un service public doit être financé par l’État] Donc par le contribuable ?

- Donc ce que vous préconisez, c’est que le contribuable paie encore davantage pour le fonctionnement de la SNCF ?

Il semble que poser des questions chargées tantôt de lourds sous-entendus négatifs, tantôt de partis pris assumés contre l’interviewé, fasse partie du traitement de faveur des matinaliers envers les syndicalistes… À ce titre, Europe 1 et France Inter : même combat. Rien de surprenant à cela, si l’on considère les parcours des deux « maîtres de cérémonie » des matinales d’Inter et Europe 1.

Après un bref passage par Europe 1, et un long séjour à la direction de Libération, Nicolas Demorand est revenu depuis septembre 2017 aux commandes de la matinale d’Inter (qu’il occupait déjà de 2006 à 2010) à la place de… Patrick Cohen, qui officie désormais dans la matinale d’Europe 1. Interchangeables au micro – comme tant d’autres vedettes du « mercato » des grands médias – les animateurs le sont aussi lorsqu’il s’agit de discréditer les représentants syndicaux.

 
RMC et RTL à l’unisson

Et sur les plateaux des autres matinales ? C’est le même son de cloche, ou presque. Le matin du 27 février sur RMC, Apolline de Malherbe reçoit dans un premier temps Philippe Martinez, puis Elisabeth Borne, ministre des transports. Cette fois-ci, à la différence de la matinale d’Inter, pas de complaisance à géométrie variable entre les deux interviews : l’animatrice ne ménage aucun des deux invités. Mais c’est leur temps de parole qui est inégal : la ministre a eu l’occasion de s’expliquer pendant 18 minutes, contre 8 minutes pour Philippe Martinez.

Ce dernier se verra par ailleurs interrogé selon les « canons » et les thèmes favoris de l’éditocratie. Après un début d’entretien plutôt cordial, Apolline de Malherbe en vient à la question du statut des cheminots :

- Édouard Philippe disait hier « Le monde change, la SNCF doit changer aussi ». Ce statut de cheminot a été créé il y a très longtemps, les conditions ont changé… Est-ce qu’il est encore justifié ?

Une question sur laquelle l’animatrice semble avoir sa propre opinion. Visiblement pas convaincue par les réponses de son interlocuteur, elle le relance plusieurs fois :

- D’accord, mais en quoi est-ce qu’il est justifié ?

- Je vous repose ma question, est-ce qu’il est encore justifié aujourd’hui ?

- Est-ce qu’il ne faudrait pas le faire évoluer au minimum ce statut des cheminots ?

Apolline de Malherbe ne cherche pas à savoir ce qui justifie un statut spécifique pour les cheminots, mais laisse entendre qu’il est injustifié... Quant à savoir ce qui peut bien « justifier » que les journalistes et éditorialistes qui mènent les entretiens des grandes « matinales » radiophoniques prennent systématiquement le parti du Premier ministre et de la réforme qu’il porte, face aux syndicalistes qui la contestent, c’est une question qu’Apolline de Malherbe ne se pose visiblement pas…

La fin de l’entretien est à l’avenant, avec un appel à peine voilé à la démobilisation syndicale :

- L’opinion publique n’est pas avec vous. Quand on regarde les derniers sondages, celui commandé par RMC auprès d’Harris Interactive, qui montre que 7 français sur 10 – 7 sondés sur 10 – disent qu’il faut de toute façon mettre fin au statut des cheminots [3].

Et l’animatrice de conclure par une question sans équivoque :

- Est-ce que vous n’allez pas vous mettre cette opinion, qui déjà soutient le gouvernement dans cette réforme, contre vous, en bloquant le pays ?

Fermez le ban : « l’opinion publique » (et Apolline de Malherbe) ont parlé !

Concluons ce tour d’horizon des matinales radio avec Yves Calvi. Le 28 février sur RTL, le journaliste reçoit Véronique Descaq, secrétaire adjointe de la CFDT, pour un entretien au titre évocateur : « Les Français sont-ils prêts à supporter un mois de grève ? » Visiblement, les velléités de mobilisation de la centrale syndicale posent question à Yves Calvi, bien décidé à endosser, un à un, les pires rôles de l’éditocrate :

- Procureur moraliste : « Vous vous êtes alignés sur le calendrier de la CGT cheminots, vous le faites sans état d’âme ? » ;

- Prophète de la démobilisation : « Toutes les grandes mobilisations depuis qu’Emmanuel Macron est président ont été globalement un échec syndical » ;

- Négociateur engagé : « Je vous suggère l’idée : si le gouvernement retire le principe des ordonnances, est-ce que vous accompagnez la réforme ? »

Suggérons à notre tour une petite idée à Yves Calvi : dans les pas de son confrère Bruno-Roger Petit, téléporté du magazine Challenges à l’Élysée (en tant que porte-parole) [4], Yves Calvi serait bien avisé de postuler comme conseiller en « dialogue social » auprès du gouvernement !

 
***


Tout à leur course à l’audimat, les matinaliers s’arrachent les interviews des « grands acteurs » de la réforme du rail. Ces entretiens jouent le rôle de produit d’appel pour les grandes radios, et sont des pièces de choix servant à cadrer le débat médiatique [5]. La concurrence entre les matinales est pourtant loin d’être synonyme de pluralisme d’opinions, encore moins de diversité d’approches. Les interviews des responsables syndicaux, par temps de mobilisations sociales, en témoignent. Sur toutes les chaînes, et quel que soit l’animateur, les mêmes mécanismes sont à l’œuvre : rudesse à géométrie variable, questions orientées, déséquilibre du temps de parole, appels à la démobilisation… Des interviews qui ressemblent parfois moins à des entretiens qu’à des interrogatoires en bonne et due forme.


Frédéric Lemaire et Pauline Perrenot

 
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19 janvier 2018 5 19 /01 /janvier /2018 20:10

Imaginez qu'en plein Paris un terroriste détourne un hélicoptère pour lancer des explosifs sur les ministères de la Justice et de l'Intérieur.

Imaginez que le même terroriste et sa bande attaquent quelques jour plus tard une caserne proche de Paris et volent des armes.

Imaginez que ce même terroriste et sa bande préparent des attaques à la voiture piégée contre des ambassades.

Police et Raid auraient à juste titre organisés la chasse à l'homme et abattus les terroristes comme ils l'ont fait avec les tueurs de Charly Hebdo et de l'Hypercasher de la porte de Vincennes.

Au Venezuela, Oscar Pérez, le 27 juin 2017, à bord d’un hélicoptère volé, a mitraillé et lancé des explosifs sur le Tribunal Suprême de Justice et la terrasse du Ministère de l’Intérieur où se trouvaient des journalistes et des enfants d'une classe maternelle.

- Le 18 décembre, il a attaqué une base militaire et volé des armes de guerre.

- Il avait programmé l’explosion de voitures piégées dans différents lieux publics et devant des ambassades notamment celle de Cuba.

Le terroriste a été abattu par la police vénézuélienne dont deux membres ont été tués lors de l'opération.
Pour les médias français et européens, Oscar Pérez est un héros.

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12 janvier 2018 5 12 /01 /janvier /2018 13:40

France 3 déprogramme des sujets sur Wauquiez, les journalistes atterrés

Laurent Wauquiez, le 13 décembre, à Paris. (ERIC FEFERBERG / AFP)

La direction de la chaîne parle de sujets "déséquilibrés". Le SNJ dénonce "un choix éditorial fait à la demande" du chef des Républicains.

Par  L'Obs

Publié le 11 janvier 2018 à 22h27

 

La direction de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes a suspendu la diffusion d'une série de sujets sur le bilan de Laurent Wauquiez à la région, jugés "déséquilibrés", provoquant un vif émoi dans la rédaction qui dénonce une pression politique.

Cette série en cinq volets était programmée cette semaine dans les journaux de 12h00 et 19h00 sur les antennes de Lyon, Clermont-Ferrand et Grenoble. Les deux premiers ont été diffusés lundi et mardi mais la diffusion s'est arrêtée mercredi.

Selon des membres de la chaîne interrogés par l'AFP, une intervention de Laurent Wauquiez est à l'origine de cette décision, ce que dément l'entourage du président de la région et du parti Les Républicains. La direction de France 3, quant à elle, justifie sa décision par le caractère "déséquilibré" des sujets, qui a suscité "beaucoup de réactions".

"On n'était pas dans les clous"

C'est la diffusion, mardi, du deuxième volet – consacré aux finances de la région et qui n'a pas été visionné par le rédacteur en chef en titre avant sa diffusion – qui a mis le feu aux poudres.

"On ne s'empêche pas de faire de l'investigation mais, dans la forme et sur le fond, on essaie d'être équilibré et plutôt mesuré. Et là, ce n'était pas le cas. On n'était pas dans les clous sur le plan du traitement politique et par rapport à notre tonalité de service public", explique André Faucon, directeur régional de la chaîne.

La suspension de la série intervient alors que Laurent Wauquiez est l'invité de l'émission politique dominicale de la chaîne, enregistrée ce jeudi. Mais il n'y a aucun lien entre sa participation et la décision prise mercredi, assure la direction.

La région, elle, affirme avoir été contactée par France 3 mercredi et avoir alors réclamé un droit de réponse sur le sujet de mardi, "unilatéralement à charge", mais n'être "absolument pour rien" dans la décision de suspendre la diffusion.

"La plupart des journalistes sont outrés"

"On a perdu toute crédibilité, la plupart des journalistes sont outrés, déplore un membre de la chaîne. Beaucoup de gens nous ont demandé pourquoi la série n'était plus diffusée, il n'y a pas eu un mot d'explication à l'antenne." "Depuis deux ans, on est amené à faire des reportages sur les annonces de Laurent Wauquiez et la question de l'équilibre ne s'est jamais posée dans l'autre sens."

"Cette série était prévue depuis très longtemps; elle n'a pas été faite en catimini", souligne Myriam Figureau, déléguée du Syndicat national des journalistes (SNJ), en dénonçant "un choix éditorial fait à la demande d'un responsable politique". "Le sentiment général, c'est l'atterrement", renchérit Daniel Pajonk, délégué du SNJ-CGT.

Le droit de réponse obtenu par Laurent Wauquiez devrait être d'une durée équivalente – trois minutes – et diffusé samedi dans les mêmes conditions que le sujet mis en cause – dans les journaux de 12h00 et 19h00. Du jamais-vu, selon les syndicats.

(Avec AFP)

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10 janvier 2018 3 10 /01 /janvier /2018 17:48
Ce que le régime Macron fait du droit à l’information
GÉRARD LE PUILL
MARDI, 9 JANVIER, 2018
HUMANITE.FR
Les journalistes du JDD ont servi la soupe au Premier ministre dans un entretien au journal dominical. Photo : Joël Saget/AFP
Les journalistes du JDD ont servi la soupe au Premier ministre dans un entretien au journal dominical. Photo : Joël Saget/AFP

De la mise en scène de la convocation du PDG de la SNCF ou de l’entretien que le Premier ministre a accordé à quatre journalistes du Journal du Dimanche, il apparait qu’une partie de la presse ne fait plus de travail d’information que les Français sont en droit d’attendre d’elle.

L’annonce de la convocation de Guillaume Pépy par la ministre des transports faisait l’objet de nombreux commentaires bien avant d’avoir eu lieu. Mais beaucoup moins après. Et pour cause, celle qui le convoquait en sa qualité de ministre des Transports n’était autre que son ancienne collaboratrice, Elisabeth Borne. Au terme de cet entretien, on fera « un diagnostic complet des systèmes d’alimentation électrique, de signalisation et sur les postes informatiques». Pour le reste, c’est plutôt : circulez, il n’y a rien à voir.

Il fallait donc lire l’entretien accordé à l’Humanité du 8 janvier par Didier Le Reste pour connaître quelques vérités qui dérangent. L’ancien secrétaire général de la Fédération des cheminots CGT rappelait que « la France ne finance qu’à hauteur de 32% les infrastructures ferroviaires, pour 50% en Allemagne et 90% en Suède ». Il donnait aussi des indications révélatrices sur la manière dont l’Etat a obtenu de la SNCF qu’elle consacre beaucoup d’argent aux lignes TGV au point qu’elle porte une dette de 53 milliards d’euros. Voilà comment s’explique le sous-entretien du réseau hors des lignes dévolues au TGV. Cela se fait au détriment d’une majorité de voyageurs au quotidien tandis que le fret ferroviaire ne cesse de reculer. Et en même temps, la SNCF multiplie les filiales dans le transport routier pour enlever des parts de marché au rail .Y compris en créant Ouibus, cette compagnie lourdement déficitaire mise en place pour concurrencer le train par les cars Macron !

Quand le TGV favorise la spéculation immobilière

Quand au TGV, s’il réduit le temps de transport entre Paris et quelques grandes villes, sa mise en place favorise aussi la spéculation immobilière dans chacune de ces villes. Pour la seule année 2017, les prix des appartements ont augmenté de 12% à Bordeaux, de 6% à Lyon, de 6,3% à Nantes, de 5,7% à Lille ou de 4,5%  à Montpellier. Parallèlement, les prix reculaient de 3,8% au Havre et de 2,4% à Saint-Etienne, deux villes qui ne sont pas desservies par le TGV.

Faire payer les retraités à la place des patrons

Dimanche dernier, trois rédacteurs et une rédactrice du Journal du Dimanche mettaient leur signature au bas d’un entretien que leur avait accordé Edouard Philippe. En Une du JDD, la photo du Premier ministre était accompagnée de cette phrase : « Avec notre politique, le travail paie ». En page 2, il lui était demandé timidement si la promesse de Macron « d’augmenter le pouvoir d’achat des Français » serait tenue en 2018. Edouard Philippe affirmait que « Oui, grâce à la suppression des cotisations salariales » et ajoutait que « pour un salaire de 1 500€ par mois, cela représente un gain de 260€ par an. Relevons que cela donne 21,66€ d’augmentation de salaire par mois. Cette augmentation ne coûte rien au patronat, puisqu’il s’agit de la suppression de la part de la cotisation chômage et maladie jusque là retenue sur la feuille de paie du salarié. Mais un retraité qui touchait jusque là 1 500€ de pension par mois ne percevra plus que 1.475€ à partir de ce mois de janvier 2018. Anna Cabana, Rémy Desserts, Hervé Gattegno et Christine Ollivier, se sont bien gardé de le signaler dans cet entretien.

Ils n’ont pas davantage évoque les hausses de ce début d’année qui étaient mentionnées une semaine plus tôt dans le Journal du Dimanche en page 17. C’était + 6,9% pour le prix du gaz, + 7,8 centimes sur le litre de gazole, + 3,4 centimes sur le litre d’essence à quoi s’ajoutent les hausses des tarifs postaux et celles des contraventions dans les villes. On peut penser que 21,66€ d’augmentation de salaire mensuel ne suffira pas pour compenser touts ces hausses.

A juste titre, on a beaucoup moqué Laurent Delahousse de France 2 pour son entretien déambulatoire et complaisant du Président de la République en décembre dernier. D’une certaine manière, les quatre journalistes du JDD ont mutualisé leur potentiel pour faire quatre fois pire en servant la soupe au Premier ministre. Il y a quelque chose d’indigne dans cette complaisance et la profession de journaliste vaut mieux que ça !

Journaliste et auteur
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29 décembre 2017 5 29 /12 /décembre /2017 03:34
Médias. Journaux, télés et radios associatifs, des voix en détresse
CAROLINE CONSTANT
MARDI, 19 DÉCEMBRE, 2017
L'HUMANITÉ
La radio Fréquence Paris Plurielle (FPP), radio associative sur la région parisienne, a lancé des appels à l’aide auprès de ses fidèles. Yves Hazemann
 

Baisses de subventions tous azimuts, fin des contrats aidés, problèmes conjoncturels : les médias alternatifs sont pris à la gorge. Pour résister, ils font preuve d’une inventivité remarquable. Mais jusqu’à quand ?

Radios, télévisions locales, journaux : partout, sur le territoire, des milliers de petites structures s’efforcent de donner la parole à ceux qui sont exclus des circuits médiatiques traditionnels. Pour l’essentiel, elles fonctionnent à peu de frais, en se basant sur le bénévolat et l’enthousiasme de leurs créateurs et animateurs. Las, alors qu’elles ne coûtent pas grand-chose à la société, elles sont menacées de mettre la clé sous la porte. Leur parole est encore de trop, dans un univers médiatique qui tend à s’uniformiser. Ces dernières semaines, le Ravi, journal d’investigation à Marseille, Fréquence Paris Plurielle (FPP), radio associative sur la région parisienne, CQFD, « mensuel de critique et d’expérimentation sociales », ont lancé des appels à l’aide auprès de leurs fidèles.

Pierre Baron, membre du conseil d’administration de FPP, est désolé. « C’est la première fois qu’on se pose la question de la pérennité de notre radio », s’inquiète-t-il dans un souffle. La radio a été lancée voilà vingt-cinq ans, en 1992. Ses frais de fonctionnement s’élèvent à 140 000 euros par an. Une bagatelle, dont 20 % servent à payer l’émetteur auprès d’EDF. « Le financement a commencé à poser un problème voilà deux-trois ans », raconte Pierre Baron. C’est encore une fois Nicolas Sarkozy, lors de sa présidence, qui a pris des mesures aujourd’hui controversées par les principaux intéressés : « Jusqu’ici, les radios associatives vivaient grâce à un fonds de soutien radiophonique, alimenté par une taxe sur la publicité des grosses radios comme Europe 1. Sarkozy a décidé de donner ce petit 1 % de recettes aux patrons, tout en nous disant que l’État compenserait nos pertes. Mais comme le budget de l’État ne cesse diminuer, nous perdons 5 % de cette somme chaque année », relate-t-il. Il regrette aussi la baisse des subventions des départements et des régions, et le conditionnement des aides à un « projet ». « Notre projet, il est à l’antenne 24 heures sur 24, avec 93 ou 94 émissions. On ne va pas en faire une 25e quand même », s’agace le responsable.

L’éducation aux médias en milieu scolaire réduit aussi ses moyens

Même son de cloche au journal satirique et d’investigation marseillais le Ravi. « On risque de ne pas pouvoir payer les salaires du mois de février », s’alarme Sébastien Boistel. Le journal, qui vend environ 1 500 exemplaires par mois, au meilleur de sa forme, a trouvé des moyens alternatifs pour garantir sa survie : des actions d’éducation aux médias en milieu scolaire, des ateliers de journalisme participatif dans les quartiers. Mais ils sont eux aussi touchés par la baisse des dotations publiques : « Avec Christian Estrosi (PR) à la tête de la région, nos subventions ont été baissées de 100 % », regrette le journaliste. L’éducation aux médias en milieu scolaire réduit aussi ses moyens. Et pour finir, « le fonds de soutien aux médias de proximité nous garantissait 18 000 euros par an. Mais nous avons cru comprendre que nous ne le toucherions plus. Désormais, ils veulent élargir l’aide aux journaux à faibles ressources publicitaires. Seul souci : notre subvention publique tomberait à 4 000 euros ». Vendredi dernier, la petite équipe avait rendez-vous à la Drac, « qui pourrait mettre en place un dispositif pour sauver le Ravi (…) mais il sera peut-être trop tard quand les décisions seront prises », s’inquiète Sébastien Boistel.

Tous fustigent aussi la fin des emplois aidés. À l’instar de CQFD, qui vit avec « un emploi en temps plein en CDI, un autre en temps partiel et deux contrats aidés, voire un CDD de six mois, parfois, en cas d’événement ». « Nous allons fêter nos 15 ans au printemps 2018 », se réjouit Hervé. Mais il leur manque, depuis la fin des contrats aidés, deux postes. « Aux dernières nouvelles, Pôle emploi nous dit qu’il serait possible d’embaucher une personne en contrat aidé. Mais c’est encore au conditionnel. » Au Ravi, même son de cloche : « Nous sommes tous les six payés au Smic. Mais nous sommes tous passés par des contrats aidés. Leur fin est une catastrophe pour des journaux comme les nôtres. » Pierre Baron est encore plus sévère : « Il y a cinq ou six ans, nous embauchions des contrats “normaux”. Là, dernièrement, nous avions cinq emplois aidés de 20 heures par semaine. » Et sans eux, comment gérer le fonctionnement journalier de FPP ? Il râle franchement : « Notre budget annuel, 140 000 euros, c’est le prix d’une seule émission de Laurent Ruquier le samedi soir sur France 2. Vous trouvez ça normal ? »

Le gâchis que représenterait la fin de ces médias

Tous bougent pour trouver des sous. Au Ravi, un appel aux dons a été lancé sur le site Web fin novembre, et a récolté déjà 9 000 euros (1). Fréquence Paris Plurielle a programmé, samedi dernier, une grande fête à Montreuil où des tas de radios associatives ont pu faire entendre leur voix (2). CQFD (3) veut aussi muscler sa diffusion.

Pierre Baron, avec calme mais détermination, alerte sur le gâchis que représenterait la fin de ces médias. Parce qu’ils expriment « une vitalité sur le territoire. Depuis vingt ans, on nous parle de concentration des médias, de titres qui disparaissent. Cette logique est en train d’atteindre son paroxysme ».

journaliste
Médias. Journaux, télés et radios associatifs, des voix en détresse
CAROLINE CONSTANT
MARDI, 19 DÉCEMBRE, 2017
L'HUMANITÉ
La radio Fréquence Paris Plurielle (FPP), radio associative sur la région parisienne, a lancé des appels à l’aide auprès de ses fidèles. Yves Hazemann
 

Baisses de subventions tous azimuts, fin des contrats aidés, problèmes conjoncturels : les médias alternatifs sont pris à la gorge. Pour résister, ils font preuve d’une inventivité remarquable. Mais jusqu’à quand ?

Radios, télévisions locales, journaux : partout, sur le territoire, des milliers de petites structures s’efforcent de donner la parole à ceux qui sont exclus des circuits médiatiques traditionnels. Pour l’essentiel, elles fonctionnent à peu de frais, en se basant sur le bénévolat et l’enthousiasme de leurs créateurs et animateurs. Las, alors qu’elles ne coûtent pas grand-chose à la société, elles sont menacées de mettre la clé sous la porte. Leur parole est encore de trop, dans un univers médiatique qui tend à s’uniformiser. Ces dernières semaines, le Ravi, journal d’investigation à Marseille, Fréquence Paris Plurielle (FPP), radio associative sur la région parisienne, CQFD, « mensuel de critique et d’expérimentation sociales », ont lancé des appels à l’aide auprès de leurs fidèles.

Pierre Baron, membre du conseil d’administration de FPP, est désolé. « C’est la première fois qu’on se pose la question de la pérennité de notre radio », s’inquiète-t-il dans un souffle. La radio a été lancée voilà vingt-cinq ans, en 1992. Ses frais de fonctionnement s’élèvent à 140 000 euros par an. Une bagatelle, dont 20 % servent à payer l’émetteur auprès d’EDF. « Le financement a commencé à poser un problème voilà deux-trois ans », raconte Pierre Baron. C’est encore une fois Nicolas Sarkozy, lors de sa présidence, qui a pris des mesures aujourd’hui controversées par les principaux intéressés : « Jusqu’ici, les radios associatives vivaient grâce à un fonds de soutien radiophonique, alimenté par une taxe sur la publicité des grosses radios comme Europe 1. Sarkozy a décidé de donner ce petit 1 % de recettes aux patrons, tout en nous disant que l’État compenserait nos pertes. Mais comme le budget de l’État ne cesse diminuer, nous perdons 5 % de cette somme chaque année », relate-t-il. Il regrette aussi la baisse des subventions des départements et des régions, et le conditionnement des aides à un « projet ». « Notre projet, il est à l’antenne 24 heures sur 24, avec 93 ou 94 émissions. On ne va pas en faire une 25e quand même », s’agace le responsable.

L’éducation aux médias en milieu scolaire réduit aussi ses moyens

Même son de cloche au journal satirique et d’investigation marseillais le Ravi. « On risque de ne pas pouvoir payer les salaires du mois de février », s’alarme Sébastien Boistel. Le journal, qui vend environ 1 500 exemplaires par mois, au meilleur de sa forme, a trouvé des moyens alternatifs pour garantir sa survie : des actions d’éducation aux médias en milieu scolaire, des ateliers de journalisme participatif dans les quartiers. Mais ils sont eux aussi touchés par la baisse des dotations publiques : « Avec Christian Estrosi (PR) à la tête de la région, nos subventions ont été baissées de 100 % », regrette le journaliste. L’éducation aux médias en milieu scolaire réduit aussi ses moyens. Et pour finir, « le fonds de soutien aux médias de proximité nous garantissait 18 000 euros par an. Mais nous avons cru comprendre que nous ne le toucherions plus. Désormais, ils veulent élargir l’aide aux journaux à faibles ressources publicitaires. Seul souci : notre subvention publique tomberait à 4 000 euros ». Vendredi dernier, la petite équipe avait rendez-vous à la Drac, « qui pourrait mettre en place un dispositif pour sauver le Ravi (…) mais il sera peut-être trop tard quand les décisions seront prises », s’inquiète Sébastien Boistel.

Tous fustigent aussi la fin des emplois aidés. À l’instar de CQFD, qui vit avec « un emploi en temps plein en CDI, un autre en temps partiel et deux contrats aidés, voire un CDD de six mois, parfois, en cas d’événement ». « Nous allons fêter nos 15 ans au printemps 2018 », se réjouit Hervé. Mais il leur manque, depuis la fin des contrats aidés, deux postes. « Aux dernières nouvelles, Pôle emploi nous dit qu’il serait possible d’embaucher une personne en contrat aidé. Mais c’est encore au conditionnel. » Au Ravi, même son de cloche : « Nous sommes tous les six payés au Smic. Mais nous sommes tous passés par des contrats aidés. Leur fin est une catastrophe pour des journaux comme les nôtres. » Pierre Baron est encore plus sévère : « Il y a cinq ou six ans, nous embauchions des contrats “normaux”. Là, dernièrement, nous avions cinq emplois aidés de 20 heures par semaine. » Et sans eux, comment gérer le fonctionnement journalier de FPP ? Il râle franchement : « Notre budget annuel, 140 000 euros, c’est le prix d’une seule émission de Laurent Ruquier le samedi soir sur France 2. Vous trouvez ça normal ? »

Le gâchis que représenterait la fin de ces médias

Tous bougent pour trouver des sous. Au Ravi, un appel aux dons a été lancé sur le site Web fin novembre, et a récolté déjà 9 000 euros (1). Fréquence Paris Plurielle a programmé, samedi dernier, une grande fête à Montreuil où des tas de radios associatives ont pu faire entendre leur voix (2). CQFD (3) veut aussi muscler sa diffusion.

Pierre Baron, avec calme mais détermination, alerte sur le gâchis que représenterait la fin de ces médias. Parce qu’ils expriment « une vitalité sur le territoire. Depuis vingt ans, on nous parle de concentration des médias, de titres qui disparaissent. Cette logique est en train d’atteindre son paroxysme ».

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28 décembre 2017 4 28 /12 /décembre /2017 18:45
Pour étayer mes critiques successives sur la partialité des chaînes d'information et un pluralisme effectif virtuel, je résume ci-après le relevé de la présence des élus et dirigeants politiques à gauche (sauf PS) du 1er au 30 septembre 2017
 
TFI en minutes et secondes
Pierre Laurent PCF : 2.45
Mélenchon JL France Insoumise : 1.31
Rousseau Sandrine EELV : 5.03
 
France 2
Corbière Alexis FI : 7.37
Jadot Yannick EELV : 6.45
Mélenchon JL FI : 2.20
Bernalicis Ugo FI : 1.12
Mélenchon JL FI : 16.23
Blauel Célia EELV : 8.44
Quatennens Adrien FI : 1.29
Mensh JC EELV : 1.20
Corbière Alexis FI : 40.02
Mélenchon JL FI 2.16
 
FR3
Pierre Laurent PCF : 3.23
Mélenchon JL FI : 2.59
SEnée Christiane EELV : 2.30
Mélenchon JL FI : 20.15
Autain Clémentine FI : 3.46
 
C8
Mélenchon Jean Luc FI 1.00
Garrido Raquel FI : 19.15
Obono Danièle FI : 3.54
 
TMC
Corbière Alexis FI : 2.15
Mélenchon JL FI : 1.42
 
 
 
 
 
 
 
la 5
Corbière Alexis FI : 36.46
Garrido Raquel FI : 27 56
Besancenot NPS : 18.10
Duflot Cécile EELV : 5.40
Cosse Emmanuelle Parti écolo : 2;44
Laurent PCF : 2.12
Corbière Alexis FI : 8.55
Mélenchon JL FI : 7.53
Girard Charlotte FI : 7.10
Laurent Pierre PCF : 2.14
Ruffin François FI : 2.09
Hoang Ngoc Liem FI : 2.00
Quatennens Adrien FI : 1.45
Clément Bernard PCF : 1.24
Vannier Paul FI : 1.18
Autain Clémentine FI : 1.06
 
la 6
Mélenchon JL FI : 1.00
 
Canal +
Coquerel Eric FI : 13.57
Jadot Yannick EELV : 10 40
Durand Pascal EELV : 9.14
Simmonet Danielle FI : 4.23
Mélenchon JL FI :3.01
militant PCF : 1.05
 
Pour ne prendre que les critères quantitatifs, je ne compte évidemment pas les commentaires des professionnels de la propagande qui officient tant sur le service public que privé de ce qui devrait être l'information, qui confirme la tendance et la ligne éditoriale concernant le rapport artificiel créé des différentes forces politiques à gauche. EELV n'a que quelques milliers de militants, quelques députés dans l'impossibilité de former un groupe et une sénatrice qui a rejoint le groupe GDR ( 11 PCF)
La Fi revendique 550 000 clics mais au final seulement 20 000 clics pour la dernière consultation. Une nette tendance à l'érosion. 17 députés FI dont 3 très indépendants (Ruffin, Ensemble et une communiste)
 
La discrimination est évidente et chocante. Elle manifeste la volonté de faire disparaître le PCF, ses élus, ses idées, ses militants, non seulement des écrans radars, mais aussi de l'imaginaire collectif. Une ligne éditoriale des grands médias qui ne se dément pas depuis plusieurs années, mais avec une accentuation conforme au souhait du Président de se "ravir" de la désignation de la FI et Mélenchon comme seul opposant...de gauche.
 
Cette politique de l'ostracisme nuit à la démocratie et à la liberté de choix des citoyens.
 
Cette question est pointée par les responsables communistes comme une des questions centrales des changements potentiels. Je pense que la direction du parti, les journalistes, les militants épris de pluralisme et d'objectivité et de vérité, d'équité et d'égalité, doivent s'emparer publiquement de ce déni informatif.
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16 octobre 2017 1 16 /10 /octobre /2017 07:32
Allo, il y a quelqu'un à France Inter ?
 
Les médias, et France Inter en particulier, si prompts à "éclairer" les évènements internationaux, se répand ce matin sur la victoire électorale de la droite, flanquée de l'extrême-droite aux élections autrichiennes. France Inter et les journalistes qui y officient avaient été il y a quelques mois seulement, très intéressés par le sort des Vénézuéliens, dont ils réclamaient que soient pris en compte leur volonté politique. Ils viennent de voter dimanche et, pas un mot sur les résultats qui donnent "17 postes de gouverneurs à Maduro et 5 à la droite, avec une participation de 61 % du corps électoral" (José Fort) Les observateurs internationaux considèrent comme "correct" le scrutin. Allo ! il y a quelqu'un à France Inter ?
 
 
ÉLECTIONS RÉGIONALES AU VENEZUELA : LARGE VICTOIRE DU CHAVISME ET… NOUVELLE DÉFAITE DE LA DROITE ET DES MÉDIAS

Ce dimanche 15 octobre, plus de 18 millions de vénézuéliens étaient invités à élire les 23 gouverneurs de 23 états parmi 226 candidats de droite ou bolivariens (= chavistes) – sauf à Caracas qui n’est pas un État. À cet effet le Centre National Électoral avait installé dans tout le pays 13.559 centres de vote et 30.274 tables électorales. Le taux de participation a été de 61,4 %, un taux très élevé pour un scrutin régional.

Les bolivariens remportent une large victoire avec 17 états contre 5 pour l’opposition. Celle-ci gagne notamment dans les états stratégiques de Mérida, Táchira, Zulia, proches de la Colombie, foyers de violence paramilitaire. Les bolivariens récupèrent trois états historiquement gouvernés par la droite : les états d’Amazonas, de Lara et – victoire hautement symbolique – celle du jeune candidat chaviste Hector Rodriguez dans l’État de Miranda, longtemps gouverné par le milliardaire et ex-candidat à la présidentielle Henrique Capriles Radonsky.

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11 septembre 2017 1 11 /09 /septembre /2017 08:50
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19 août 2017 6 19 /08 /août /2017 07:26
VENEZUELA : COMMENT NE PAS DONNER UNE INFORMATION

Ángeles Diez Rodríguez, Docteure en Sciences Politiques et en Sociologie, professeure de l’Universidad Complutense de Madrid.

Le 30 Juillet s’est produit un évènement politique d’une portée historique considérable: un peuple internationalement assailli à l’extérieur et soumis à la violence paramilitaire à l’intérieur, est descendu dans la rue pour exprimer son double rejet de l’ingérence internationale et des aspirations des élites locales à reprendre le pouvoir.

Il y a moins de vingt ans, au siècle dernier, un évènement d’une telle ampleur aurait figuré en première page de toute la presse d’information du monde. Les médias de masse, publics et privés, l’auraient relevé dans leurs gros titres, sans doute manipulateurs, mais ceux-ci auraient parlé du défi du peuple vénézuélien face aux menaces de l’impérialisme. Ils auraient montré des images, peu nombreuses, mais sans doute quelqu’une ou quelqu’autre de ces immenses files de vénézuéliens devant les bureaux de vote, comme ceux du Poliedro de Caracas, ou de ces gens marchant à travers les collines et traversant les rivières dans la région de Táchira ou de Mérida, où les bureaux de vote étant occupés par desguarimberos (casseurs) armés, il fallait se déplacer à la recherche de centres de secours où pouvoir voter, souvent sans y parvenir.

Les légendes des photos auraient sûrement détourné les images et proposé une lecture en accord avec le désespoir de l’opposition putchiste incapable d’accepter une défaite. Mais il y aurait eu une image, un commentaire, une toute petite information qui aurait parlé de la volonté majoritaire du peuple vénézuélien contre tout pronostic et tout calcul rationnel.

Tout journaliste digne de ce nom aurait voulu consigner, analyser, vérifier et même manipuler cet évènement. Plus encore en des temps où les réseaux sociaux font circuler une infinité d’images qui comblent les vides des nouvelles qui en sont dépourvues. Là où les médias de masse cachent une image, les  réseaux en mettent des centaines. Cependant, le 31 Juillet, l’information sur les élections vénézuéliennes pour l’Assemblée Constituante est passée sous silence dans les médias espagnols. C’est une autre information qui fut donnée à sa place.

La non nouvelle qui a supplanté l’évènement vénézuélien, bâtie sur le modèle déjà existant (violence et chaos) était : nouvelle journée de violence au Venezuela. Tous les gros titres visaient, avec plus ou moins de qualificatifs, à façonner une image qui corresponde à la propagande distillée au cours des mois antérieurs. Puis ont éclos les spores disséminées par la non nouvelle, qui avaient déjà été diffusées par les agences impérialistes: auto-coup d’état, fraude, moins de votes que n’en déclare le gouvernement, opposants nouvellement arrêtés, isolement international…

L’évènement d’une journée électorale qui a mobilisé des millions de vénézuéliens qui sont allés voter pour leurs candidats à la Constituante, fut trop incontestable pour être passé sous silence; les flots du peuple vénézuélien trouvaient une infinité de fenêtres numériques par où s’écouler. De sorte que le système de propagande de guerre des médias de masse espagnols, si bien entretenu et huilé par les agences de presse étasuniennes, activa l’un de ses ressorts les plus subtils. Il n’affronta pas la nouvelle en la taisant, bien qu’il le fît également, il ne manipula pas des images comme il l’a réellement fait avec le frauduleux référendum de l’opposition du 16 Juillet (le journal El País dût rectifier une image du test électoral pour l’assemblée Constituante, sous laquelle figurait une légende affirmant que c’étaient des queues pour voter au référendum organisé par l’opposition). Dans ce cas, la technique de propagande médiatique majoritairement employée fit remplacer l’information qui faisait l’évènement par d’autres qui attireraient l’attention des audiences. 

Les gros titres parlèrent de violence, dictature et condamnation internationale: “Lors d’une journée marquée par la tension, les manifestations, la réprobation internationale et la violence, les vénézuéliens ont voté pour choisir les membres de l’Assemblée Nationale Constituante » (CNN en espagnol); “Maduro concrétise un coup d’état contre lui-même au Venezuela au cours d’une journée électorale des plus violentes” (El País); “Condamnation internationale de l’usage disproportionné de la force au Venezuela. 10 personnes au moins sont mortes dans les manifestations pendant les élections à l’assemblée constituante que soutient Nicolás Maduro. (Télévision Espagnole).

Pas une seule image des quelques 14500 bureaux de vote où plus de 8 millions de vénézuéliens attendaient leur tour pour voter. Après les élections présidentielles de 2012 qui élirent Hugo Chávez, ce furent les élections qui mobilisèrent la plus large participation de masse. Toutefois, lorsque l’on consulte les archives photographiques du journal El País, on se trouve devant un étrange phénomène : sur 30 images sélectionnées par le quotidien, 7 sont celles d’explosions, de barricades et d’actes de violence, 2 montrent les opposants, 2 autres le président Maduro et le reste montre des vénézuéliens isolés en train de voter, l’urne en premier plan, des petits groupes regardant les listes ou assis, attendant pour voter; il n’y a qu’une photo où l’on voit très loin des voitures et des personnes avec une légende qui parle de « files d’attente » pour voter. Le même manque d’images significatives fut constaté sur la Télévision Espagnole. C’est dire que, dans les médias espagnols de grande audience, les images, quand elles faisaient allusion à l’acte de voter, lançaient un message contraire à la réalité qui circulait sur les réseaux sociaux, elles disaient : peu de vénézuéliens sont allés voter. C’étaient des images soigneusement sélectionnées pour appuyer la version de l’opposition et ne pas donner l’information de l’appui massif à la Constituante donné par le peuple vénézuélien.

Dans ces temps des réseaux sociaux, où les hommes politiques ne font pas de déclaration, ils twittent, où la volatilité de l’information numérique prévaut sur le papier et où les télévisions copient les réseaux sociaux, les façons de mentir et de déformer sont de plus en plus complexes. Plutôt que de cacher une information, il est plus efficace d’en donner une autre différente, qui occupe la place de la réelle. Nous appellerons cela la «  non information ».

Il semble, d’après les recherches du CIS (Centre d’investigations sociologiques) que ceci soit habituel dans les médias espagnols. Comme antécédents nous avons cette étude de Juin 2016 qui signalait que la Télévision Espagnole, alors que le chômage était toujours la première préoccupation des espagnols, lui avait consacré la moitié du temps qu’elle avait employé à parler de la crise politique au Venezuela (les journaux télévisés de ce mois-là consacrèrent 71 minutes à la situation du Venezuela face aux 31 qu’ils dédièrent au chômage dans notre pays) ou ce 7 avril de cette année, alors que tous les bulletins d’information du monde ouvraient sur le désarmement de l’ETA, la Télévision Espagnole parlait du Venezuela plutôt que du désarmement de l’ETA.

Cette technique de propagande de guerre qu’emploient les journaux d’information espagnols fait partie d’autres techniques mieux répertoriées comme : le deux poids deux mesures, prendre la partie pour le tout, les infos toxiques, la partialité des sources, l’occultation ou l’inversion cause/effet.

Dans le cas de l’information de substitution, la non information, elle, doit comporter certaines caractéristiques. En premier lieu, elle doit être crédible, c’est-à-dire qu’elle doit se situer dans la logique même de la matrice déjà établie; dans le cas des élections à l’Assemblée Constituante cette matrice est : violence, coup d’état, chaos, urgence humanitaire.

De plus, elle doit avoir comme base un fait certain comme le feu mis à quelque bureau de vote, des barricades incendiées, un quelconque incident isolé. Ce fait, du point de vue de l’importance sociale, est anecdotique ou ne peut être généralisé si l’on prend en compte l’évolution des votes. Cependant, pour ne pas donner l’information importante -celle qui, elle, est généralisable quantitativement et qualitativement-, il est fondamental de s’appuyer sur ce fait qui, entre les mains de la guerre médiatique, fonctionne, comme les attentats sous faux drapeaux ou attentats contre soi-même, (ceux qui sont commis pour rejeter la faute sur l’ennemi et justifier une intervention). Ainsi, lors de la journée d’élections vénézuélienne il y eut des incidents provoqués par l’opposition, un attentat contre la Garde Nationale Bolivarienne, des embuscades armées pour dissuader les votants et incendie de bureaux de vote. Mais si l’on prend la journée dans son ensemble, le fait notable a été l’attitude pacifique et la détermination des votants dans l’accomplissement de leur devoir électoral.

En troisième lieu, l’information de substitution doit être au rang du spectaculaire autant que l’information réelle, afin de retenir toute l’attention. La violence est toujours une information spectaculaire en soi, elle est capable de retenir l’attention et de reléguer tout autre fait. C’est pourquoi, même lorsque l’on ne dispose pas d’images de violence il faut que le journaliste apparaisse portant un gilet pare-balles, un masque à gaz et un casque, pour que notre cerveau prête foi aux actes de violence dont parle le reporter.

En quatrième lieu, elle doit être capable de concentrer l’attention de ceux qui sont critiques envers les médias de masse, afin que tout le potentiel de contre-information soit pointé vers la mise en cause du « messager » (les moyens de communication de masse). Nous, les intellectuels et analystes, nous nous focalisons sur la dénonciation de la manipulation des médias et nous laissons de côté la diffusion de l’information réelle, par exemple nous nous sommes concentrés sur la dénonciation de l’attentat contre la garde nationale bolivarienne, que les médias ont transformé en « répression contre Maduro » ou sur la dénonciation de la violence des paramilitaires de l’opposition qui sabotaient les élections, au lieu de parler des vénézuéliens élus pour réformer la Constitution, de leur origine sociale, de leur engagement envers leurs bases, des premières propositions pour la réforme de la Constitution, des problèmes d’impunité que souhaite résoudre la nouvelle carta magna … En théorie de la communication cela se comprend comme l’Agenda Setting, c’est-à-dire que ce sont les médias de masse qui imposent ce dont on parlera, qui fixent ce qui est important, ce qui ne doit apparaître dans aucun média, comment livrer l’information. L’agenda des médias de masse devient l’agenda de l’opinion publique.

Une autre non information de ces jours derniers a été « l’isolement international du Venezuela ». Aux Nations Unies, le Venezuela a obtenu le ferme appui de 57 pays qui, au sein du Conseil des Droits de l’Homme, approuvèrent une résolution de reconnaissance de la Constituante vénézuélienne et réclamèrent la non-ingérence. Parmi ces pays figuraient les plus peuplés au monde et quelques autres de grand poids international comme la Russie, la Chine, l’Iran, l’Inde ou le Pakistan.  

La non information qui remplaça celle-ci fut « Les Etats-Unis et les principaux pays d’Amérique Latine condamnent la Constituante de Maduro (El País) » information également présente dans la majorité des médias espagnols le lendemain des élections. 

Mais cette technique ne fonctionne que si l’on dispose du personnel spécialisé capable, presque spontanément, d’élaborer les non informations, capable de regarder ailleurs, bien équipé du déguisement du « reporter de guerre ». Ce sont les parajournalistes, et à la tête de la profession internationale se trouvent les espagnols, tant des médias de masse privés que des médias publics.

L’an dernier j’ai déjà défini ce que j’entends par parajournalistes : « Si l’on qualifie de paramilitaire celui qui est affilié à une organisation civile dotée d’une structure ou d’une discipline militaire, nous pouvons dire des parajournalistesqu’ils sont ces journalistes affiliés à des médias de masse qui suivent une discipline militaire, lançant des bombes informatives sur les objectifs définis par leurs entreprises ». Parmi ces derniers nous avons Marcos López et Nuria Ramos, correspondants de Télévision Espagnole, qui sans aucun doute méritent une mention spéciale pour leur mauvais travail journalistique, toujours prêts à se placer du côté de ceux qui jettent les bombes incendiaires sur la garde bolivarienne, capables de contredire sans difficulté les images que recueillent leurs propres appareils de photos, disposés à se faire les victimes –tout comme l’opposition- de la « répression du gouvernement bolivarien ».

La grande offensive contre le gouvernement du Venezuela de la part des médias de masse espagnols fait partie de la guerre mondiale contre tout processus qui ne se plie pas aux intérêts impérialistes. Nos parajournalistes jouent leur rôle comme membres de l’armée vassale. Ces jours derniers nous avons vérifié que la guerre médiatique contre le Venezuela est l’une des plus féroces que l’on connaisse, peut-être parce que l’escalade guerrière d’aujourd’hui est sans précédents, et qu’en réalité il n’existe pas différents types de guerre mais une seule qui revêt divers aspects. Si, comme dirait le Pape François, nous sommes face à une Troisième Guerre Mondiale dont nous ne voyons que des bribes, le Venezuela est aujourd’hui l’un des objectifs prioritaires pour l’empire. La difficulté vient de ce que, contrairement à ce que nous vendent les films de Hollywood, aujourd’hui la guerre ne se présente pas à nous sous la même forme qu’au siècle dernier, il nous est plus difficile de reconnaître son mode de déroulement et d’identifier ses nouveaux et ses anciens bataillons.

Cette guerre contre le Venezuela essaie de combattre les deux piliers sur lesquels repose la Révolution bolivarienne : la souveraineté nationale et l’utopie socialiste. Elle vise à miner l’image du Venezuela à l’extérieur pour contrebalancer deux des traits les plus caractéristiques de la révolution bolivarienne : la voie pacifique et démocratique pour transformer le pays et l’utilisation de ses ressources naturelles pour améliorer les conditions de vie socio-économiques de la population. C’est-à-dire, miner l’image d’un pays qui construit une alternative au Capitalisme. En ce sens, le Venezuela a également pris la relève de Cuba comme référent de lutte pour d’autres peuples. Tout comme Cuba, il est devenu le mauvais exemple.

D’où les missiles qui sont constamment lancés depuis les médias de masse afin d’éviter l’appui à la révolution bolivarienne : la violence et l’autoritarisme. Il s’agit là de deux torpilles qui traditionnellement sont pointées sur la ligne de flottaison de toute utopie socialiste.

Avec un pareil objectif, les moyens de communication et tout le système de propagande contre le Venezuela visent très spécialement le terrain des campagnes électorales et mettent en cause sa démocratie. Il ne faut pas oublier que les élections sont la condition de la démocratie pour les élites politiques mais, seulement si l’on peut garantir que les gens votent ce qu’il faut, c’est-à-dire, si, grâce à la guerre des moyens de communication, l’on parvient à convaincre la population de qui doivent être leurs gouvernants.

Les guerres ne sont pas l’affaire des gouvernements, ni des corporations, ni des moyens de communication, ni des peuples. Les guerres sont le résultat de tous et de chacun de ces éléments. Les gouvernements déclarent la guerre mais, avant, les peuples assument qu’elle « était inévitable », mais, avant, les corporations font leurs comptes et le bilan des coûts et profits, mais, avant, les moyens de communication créent les conditions pour qu’il n’y ait pas de résistance.

Mais tout n’est pas perdu : selon un rapport élaboré par l’Université d’Oxford en 2015 et publié par l’Institut Reuters pour l’étude du journalisme, sur les 11 pays européens étudiés, les moyens de communication espagnols sont les moins fiables. Au niveau mondial, quand sont étudiés les publics des Etats-Unis, Grande Bretagne, Allemagne, France, Espagne, Italie, Irlande, Danemark, Finlande, Brésil, Japon et Australie, seuls les moyens de communication étasuniens ont moins de crédibilité que les espagnols.

Ángeles Diez Rodríguez, Docteure en Sciences Politiques et en Sociologie, professeure de l’Universidad Complutense de Madrid.

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