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31 mai 2014 6 31 /05 /mai /2014 05:15

 

 

Que complotent les États-Unis contre la Bolivie ?

par Hugo Moldiz Mercado

Comme prélude à un changement de stratégie envers la Bolivie qui devrait annoncer le renforcement des actions de subversion contre le gouvernement socialiste d’Evo Morales, le Département d’État nord-américain a dépêché Jefferson Brown en Bolivie pour « faire le ménage ». Dans deux mois – en juillet –, il cèdera son poste à Peter Brennan, qui procèdera au remplacement de tous les fonctionnaires de rang diplomatique, une pratique peu courante en diplomatie.

Le président Evo Morales a dénoncé les nombreuses actions de déstabilisation des États-Unis contre son pays, et il n'a pas hésité à expulser en 2008 l'ambassadeur Philip Goldberg pour ses activités de subversion.

La Maison-Blanche semble décidée à opérer un virage, en pire, dans les relations qu’elle entretenait avec la Bolivie. Après avoir retiré Larry Memmott – considéré comme une « colombe » par les services secrets étasuniens –, le Département d’État a envoyé comme chargé d’Affaires intérimaire Jefferson Brown, un « faucon », qui restera en poste jusqu’au mois de juin, avant de laisser la place à un autre « faucon », beaucoup plus expérimenté : Peter Brennan.

Cependant, les remaniements à l’ambassade des États-Unis à La Paz ne s’achèvent pas avec le remplacement de son chargé d’Affaires, le poste le plus élevé de la représentation étasunienne en Bolivie, depuis l’expulsion, par le président Evo Morales en 2008, de l’ambassadeur Philip Golberg, accusé d’activités de subversion, des opérations menées de connivence avec certains secteurs de l’opposition la plus dure et la plus antidémocratique, implantée dans la ville de Santa Cruz. Tout semble indiquer que l’ensemble de l’équipe diplomatique sera remplacé pour accorder la priorité au travail des services secrets et aux actions de déstabilisation contre le gouvernement d’Evo Morales, dans le cadre d’une contre-offensive impériale dans la région.

Brown est arrivé en Bolivie le 23 avril. Selon des sources proches des bureaux du Département d’État, en juillet prochain devrait avoir lieu le remplacement de tous les fonctionnaires de rang diplomatique. Cela signifie qu’après le départ de Memmott la tâche la plus importante de Brown – un fonctionnaire de carrière qui a accompli des missions au Brésil, au Salvador, au Paraguay, en Équateur et en Argentine, entre autres – sera de « faire le ménage », pour préparer l’arrivée de Peter Brennan, qui fut ministre conseiller et responsable de la zone politique au Costa Rica, au Nicaragua, au Pakistan et au Bureau de Cuba à Washington.

Le diplomate Jefferson Brown est le « faucon » envoyé par le Département d'État pour remettre de l'ordre à l'ambassade des États-Unis à La Paz et poursuivre les complots contre le gouvernement d'Evo Morales.

Ces mouvements à l’ambassade des États-Unis à La Paz, inhabituels dans l’organisation et la pratique diplomatique, confirment l’article publié dans le journal La Epoca du 17 mars dernier, selon lequel le retrait intempestif du chargé d’Affaires Larry Memmott faisait suite à des pressions de la CIA et de la sécurité du Département d’État, dont les hauts fonctionnaires s’étaient convaincus que le diplomate était une « colombe » alors qu’il fallait un « dur » à La Paz.

Le remplacement fut attribué à des raisons de santé de l’un des proches du chargé d’Affaires. Mais la vérité éclata lorsque l’on apprit que l’ordre de retrait immédiat concernait également Mitchel Ferguson, arrivé comme second de Memmott, mais qui fut ensuite envoyé comme responsable du bureau politique à la place de Geoffrey Frederick Schadrack, l’homme de la CIA en Bolivie. Par ailleurs, le départ de Memmott et de Ferguson fut des plus insolites : le Département d’État leur donna dix jours pour quitter la Bolivie.

Même si durant la mission de Memmott en Bolivie, les activités des services secrets avaient été permanentes, des désaccords sur le secteur où devait porter le poids des actions de l’ambassade des États-Unis à La Paz avaient fini par tendre les relations entre le chargé d’Affaires et les responsables des services secrets US. Ce qui ne veut pas dire que Memmott ignorait ou s’opposait aux tâches des services secrets, mais sa tendance à donner la priorité à la politique – à travers des services d’action civiques – pour gagner la confiance du gouvernement d’Evo Morales, a déplu à l’aile dure de Washington.

C’est pour cette raison que Memmott ne fut pas informé de deux des actions des services secrets – comme c’est l’usage – sans que cela n’implique d’entrer dans les détails. La première, en 2013, avec l’entrée illégale de deux agents de la DEA (Drug Enforcement Administration), ayant des liens étroits avec la CIA, pour monter un dossier contre le ministre bolivien de la Défense sociale, Felipe Caceres, à propos d’activités de trafic de drogue. Il s’agit des agents David Wayne Paiz et Bert Davi Castorino, arrivés à Santa Cruz sur un vol commercial de la ligne Copa en provenance du Panama.

La seconde fut une opération organisée le 15 décembre 2013 par la CIA, et permit la fuite de l’homme d’affaire nord-américain Jacob Ostreicher, qui se trouvait en résidence surveillée, soupçonné de blanchiment d’argent en provenance du trafic de drogue. Le cerveau de l’opération à La Paz fut Geoffrey Frederick Schadrack, agent de la CIA qui, sous couvert de ses fonctions au bureau politique, dirige les opérations de l’agence en Bolivie, et qui parvint à convaincre le chargé d’Affaires étasunien d’aider, « pour des raisons humanitaires », à l’organisation d’un plan de fuite, en se gardant bien de l’informer sur la relation de l’entrepreneur étasunien avec la CIA.

Malgré la rumeur sur la gestion peu rigoureuse des fonds de l’ambassade des États-Unis par Memmott ou sur son silence devant certaines activités extra-conjugales de l’un de ses proches collaborateurs, l’arrivée du groupe d’audit des services secrets, quatre jours après le départ de l’ancien chargé d’Affaires, confirme qu’ils ne sont pas venus uniquement pour vérifier les comptes.

Jefferson Brown vient « faire le ménage », et ses agissements laissent entrevoir l’objectif de sa mission. Bien que son séjour soit de courte durée, le diplomate n’a pas perdu son temps : dès son arrivée, il a rencontré des hommes politiques et des analystes de l’opposition bolivienne pour « étudier » les deux enquêtes d’intention de vote, publiées la dernière semaine du mois d’avril.

Ensuite, il a rendu visite à plusieurs ambassades d’autres pays. La présence de Jefferson Brown pour deux mois seulement, et l’arrivée de Peter Brennan en juillet augmentent la méfiance. Leurs antécédents sont un signe que la Maison-Blanche a décidé de durcir ses positions contre le président Evo Morales, qui est donné vainqueur aux élections du 12 octobre prochain, et qui deviendrait donc chef de l’État avec 14 ans de gouvernement ininterrompu.

Brennan arrivera à La Paz à la veille de la dernière ligne droite de la campagne électorale. Washington espère que l’opposition sera en mesure de former un front unique face aux aspirations de réélection d’Evo Morales. Un président qui passera à l’Histoire pour avoir dirigé la révolution la plus profonde jamais mise en œuvre en Bolivie, et pour avoir obtenu un nombre de suffrages sans précédent au cours d’élections démocratiques (54% aux élections de 2005 et 64% aux élections de 2009).

Brown et Brennan continueront sans doute à travailler en faveur de l’unité de l’opposition en Bolivie, mais ce qui est certain, c’est qu’il reviendra à Brennan de mettre en œuvre la stratégie du coup État « doux », le nouveau mode de déstabilisation de Washington. Le Venezuela en est la meilleure preuve.

Peter Brennan, le nouveau chargé d’Affaires en Bolivie à partir de juillet, alors qu’il était second de l’ambassade des États-Unis au Costa Rica et au Nicaragua, a déjà joué un rôle dur dans le cadre d’actions d’ingérence, selon des dépêches de WikiLeaks et d’autres informations provenant de ces deux pays. En 2007, Brennan fit pression sur le gouvernement costaricien d’Oscar Arias pour que des policiers de ce pays (face aux manque de Forces armées) puissent s’entraîner « discrètement » à l’Académie du Commando Sud.

Au Nicaragua également, sous le gouvernement d’Enrique Bolaños. En mars 2003, le diplomate étasunien informa le chef d’état-major de l’armée du Nicaragua, le général Julio Cesar Avilés, que l’aide militaire annuelle – estimée à 2,3 millions de dollars – à ce pays était suspendue jusqu’à la destruction de tous les missiles et de la puissance de défense militaire que le gouvernement sandiniste avait constitués en environ 10 ans de révolution.

L’expérience de Brennan, de même que celle de Brown, dans ce que l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international) et la NED (Fondation nationale pour la démocratie) appellent « des initiatives démocratiques », s’est manifestée dans de nombreuses actions subversives contre Cuba : le 13 janvier 2011, accompagné de trois hauts fonctionnaires du Département d’État, le diplomate, qui devait se rendre en Bolivie, profita d’une visite à La Havane où il devait traiter des questions migratoires, pour rencontrer clandestinement un groupe de mercenaires cubains, dont les actions de subversion sont organisées et financées par le gouvernement des États-Unis.

Le diplomate étasunien, qui était l’un des responsables chargés de garantir la stabilité politique pour les militaires de son pays au Pakistan et de promouvoir le voyage de jeunes pakistanais aux États-Unis pour étudier des questions concernant les « initiatives démocratiques », fut également très actif en sa qualité de « chef du Bureau des Affaires cubaines » à Washington. Il impulsa notamment une série d’actions pour obtenir la libération d’Alan Gross, un sous-traitant de l’USAID condamné à 15 ans de prison en 2009 pour avoir tenté d’installer un réseau illégal de communications à Cuba.

Avec Brennan, chargé du « Bureau pour les affaires cubaines », les actions étasuniennes contre Cuba ont augmenté. Il ne serait pas étonnant que le programme ZunZuneo – une sorte de twitter cubain – destiné à encourager les jeunes Cubains à la dissidence, découvert récemment, ait eu ses origines dans la gestion du futur chargé d’Affaires des États-Unis en Bolivie à partir du mois de juillet.

Image 1 : Le président Evo Morales a dénoncé les nombreuses actions de déstabilisation des États-Unis contre son pays, et il n'a pas hésité à expulser en 2008 l'ambassadeur Philip Goldberg pour ses activités de subversion.
Image 2 : Le diplomate Jefferson Brown est le «faucon» envoyé par le Département d'État pour remettre de l'ordre à l'ambassade des États-Unis à La Paz et poursuivre les complots contre le gouvernement d'Evo Morales

 

 

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