Social-Eco - le 17 Mai 2011
La chronique de Pierre Ivorra
La crise de l’euro et les mesures adoptées par les dirigeants européens pour y faire face, qui n’ont fait qu’aggraver les difficultés des peuples, contribuent à redonner de la voix aux différents partisans d’une sortie de l’euro. On ne peut évidemment les mettre sur le même plan, il en est de droite et même d’extrême droite et d’autres sincèrement de gauche. Les premiers pensent que ce décrochage de la monnaie unique permettrait de faire face à la crise du capitalisme en sauvegardant son système, les seconds en font un préalable pour conduire une véritable politique de gauche. Les raisons sont totalement opposées.
Que peut-on opposer à la proposition de sortie de l’euro ? On peut remarquer d’abord que l’on ne peut exclure que certains pays soient effectivement sortis de l’euro par l’Allemagne et les marchés d’ici peu. La Grèce, notamment, risque le carton rouge en 2012. À cette date, elle est censée se financer à hauteur de 40 milliards d’euros sur les marchés financiers mais avec des taux d’intérêt tellement élevés que cela paraît impossible. Que pourra-t-il se passer alors ? Si une nouvelle aide ne lui est pas accordée par les autres membres de la zone euro, elle devra regagner la sortie.
Au-delà, il est illusoire de croire que le désengagement de l’euro aurait par lui-même des vertus et nous permettrait de sortir seuls de la crise du capitalisme mondialisé. Il suffit de porter le regard de l’autre côté de la Manche pour s’en convaincre. Le plan du premier ministre britannique David Cameron, ce n’est rien de moins que 81 milliards de livres de coupes budgétaires et 29 milliards de hausses d’impôts, excusez du peu ! Et pourtant, le Royaume-Uni n’est pas dans l’euro.
Il est vrai que la politique de l’euro fort a favorisé la domination de l’Allemagne sur ses partenaires ; que loin de nous protéger de l’hégémonie du dollar, elle a affaibli l’Europe vis-à-vis des États-Unis. Mais ce n’est pas l’euro en soi qui a favorisé cela. Le croire, c’est passer sous silence la responsabilité de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, celle des dirigeants de l’Union ; c’est dédouaner la politique des grands groupes capitalistes, notamment français. Si, comme nous le pensons, la sortie de crise suppose de réduire le pouvoir des marchés financiers mondialisés dont le sort est intimement lié à la monnaie américaine, alors il nous faut inévitablement coopérer, y compris dans un domaine aussi décisif que celui de la monnaie. En Europe, il faut donc transformer la politique de la BCE afin que l’euro, monnaie de domination, devienne une monnaie de coopération et de développement.