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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 09:42
Ne pas mourir pour les oligarques…
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Le dangereux engrenage à l’œuvre au cœur de l’Europe  porte en germe le risque de guerre. L’intervention de forces militaires russes en Crimée pour l’occuper, au mépris du droit international, peut dégénérer. Il faut arrêter vite l’escalade et seule la recherche d’un accord politique entre toutes les parties concernées y parviendra.

 

Rappelons qu’au départ, il y a en Ukraine une crise économique et sociale profonde, et, comme dans de nombreux pays, le rejet par une majorité de la population de ce couple infernal, avec d’un côté misère-pauvreté-chômage et de l’autre l’enrichissement, la corruption et la kleptocratie de castes dirigeantes qui gangrènent l’Etat et des responsables politiques depuis la fin de l’Union soviétique. Le salaire moyen y est de 250 euros et les retraites de 90 euros, pendant que les premiers ministres et autres oligarques vivent sur l’or. C’est contre cela d’abord que s’est révolté le peuple. Le retournement de l’ancien président Ianoukovitch qui négociait un accord d’association avec l’Union européenne, pour se rallier à l’automne au projet de Poutine d’une union douanière eurasienne, avait fait naître des illusions et des espoirs sur lesquels ont surfé des forces à l’intérieur de l’Ukraine et au sein de l’Union européenne, contre ce même président et la Russie. C’est sur ces mouvements populaires de rejet et de contestation légitime que se sont greffées des forces ultraréactionnaires et fascisantes, soutenues souvent par les droites allemandes, nord-américaines et la « commission trilatérale » réunie comme par hasard en octobre 2013 avec ce projet à l’ordre du jour où l’un des intervenants n’était autre que M. Iatseniouk, devenu nouveau premier ministre. Le journal conservateur allemand Die Welt a qualifié l’un de ces partis, appelé « secteur droit », « d’association informelle de petits groupes droitiers et néo-fascistes ». Et le magazine américain Time, qui a donné la parole à son premier responsable a qualifié leur idéologie comme « frisant le fascisme ». Avec le parti Svoboda, antisémite,  dont le mot d’ordre est « l’Ukraine aux ukrainiens », ils ont réussi à Kiev à récupérer les mouvements de protestation pour la justice et la démocratie et à occuper, avec des milices paramilitaires, très bien armées, les bâtiments officiels et à chasser le président corrompu élu qui a perdu le soutien du Parlement et de son propre parti. Le même sort a été réservé en Crimée aux dirigeants en place par d’autres milices armées. La langue russe a été interdite en Ukraine. La chasse aux communistes y est ouverte comme elle l’est en Crimée à l’encontre des opposants à l’intervention russe. Le coup de force de Kiev a eu lieu après un accord, le 25 février, prévoyant un gouvernement d’union nationale. Qualifier ces actes, qui mêlent ainsi des mouvements opposés et des pressions extérieures fortes, « de révolutionnaires », revient à tromper les citoyens européens. Curieux sont d’ailleurs ceux qui font mine de s’offusquer ici de la montée de l’extrême-droite et qui se réjouissent que le drapeau du parti national-socialiste d’Ukraine flotte sur les bâtiments officiels ! Tout aussi curieux sont ceux qui se sont félicités « des révolutions arabes » en occultant la montée de l’islamisme intégriste et qui ne voient dans les manifestations ukrainiennes que des menées fascistes ! En vérité, comme toujours, le grand capital n’est jamais regardant sur les moyens et les alliances quand il s’agit de ses intérêts. Car, derrière cette inquiétante crise qui nous est souvent présentée comme un nouveau combat entre « le bien et le mal », monte une sale odeur de pétrole et de gaz et souffle le petit vent frais de l’accaparement de mines et de bonnes terres par de nouveaux oligarques sans patrie. Les trois quart du gaz et du pétrole russes passent par l’Ukraine. L’Union européenne achète une bonne part du pétrole russe. Voilà où mènent un monde et une Europe dominés par les puissances financières. Comme trop souvent, les différents impérialismes s’appuient sur des aspirations et la colère du peuple, non pas pour lui apporter satisfaction, mais pour s’appuyer sur de légitimes revendications afin de  mettre en œuvre leur visée de domination. En vérité, l’Ukraine qui dispose de nombreuses richesses et de capacités à produire, est un enjeu géostratégique. C’est ce qui explique que la Russie a voulu l’inclure dans une union douanière, au nom de liens historiques politiques, militaires, économiques, qui les lient. Et, de leur côté, les institutions européennes poussent l’Ukraine à accepter un « accord d’association ». L’une et les autres étaient pour le coup et comme par magie, subitement peu regardantes sur le respect des libertés et de la démocratie en Ukraine. Ceci dans un contexte où ce pays est au bord de la faillite. Il a besoin d’au moins 35 milliards d’euros pour ses budgets publics, pour les deux années à venir.

 

Faire croire au peuple ukrainien qu’un accord d’association avec l’Union européenne où la Troïka enserre encore plus dans l’étau financier des peuples entiers, le sauverait de la faillite est un pur mensonge. De l’autre côté, lui faire croire que l’Union eurasienne russe le sortirait de la misère au prix de sa domination par l’empire russe, est tout aussi mensonger car la Russie a aussi d’énormes difficultés économiques, sauf à exiger de « forts retours sur investissements ». Ainsi, malgré lui, le peuple ukrainien et peut-être les peuples européens peuvent-ils  devenir les otages de forces impérialistes qui, depuis longtemps à l’Ouest, considèrent l’Ukraine comme une pièce maîtresse dans l’échiquier géostratégique et économique contre la Russie et au service d’un redéploiement du capital à base européenne, souvent allemand. C’est d’ailleurs ce qu’écrivait déjà en 1997, l’ancien conseiller à la présidence des Etats-Unis, M. Zbigniew Brzezinski : « Si Moscou reprend le contrôle de l’Ukraine avec ses 52 millions d’habitants et ses ressources importantes, en reprenant le contrôle sur la mer noire, la Russie se retrouvera automatiquement en possession des moyens nécessaires pour redevenir un Etat impérial ». C’est d’ailleurs pour cette raison que sont mobilisés depuis des années en Ukraine une cohorte d’ONG, de fondations européennes et américaines, dont « Freedom House », « National démocratic Institute », « International for electoral system », en même temps qu’étaient achetées des chaînes de télévision et que des formations paramilitaires que l’on a vu, étaient mises en place. On a d’ailleurs un aperçu de l’enjeu quand on voit s’agiter dangereusement les dirigeants de l’OTAN.

 

De l’autre côté, à l’Est, les mêmes méthodes sont -avec de l’avance- employées par la Russie pour « protéger » ses forces navales en Crimée, installées là à la faveur d’un accord avec les anciens dirigeants ukrainiens. De fait, la Russie occupe sans mandat la Crimée et compte y installer des responsables à sa solde, à la faveur d’un référendum d’autodétermination. Ceci ne peut évidemment qu’attiser un climat de tensions internes à l’Ukraine et faire monter les crispations internationales, compte-tenu des enjeux que nous décrivons plus haut. Alors que Vladimir Poutine a engagé une stratégie de rehaussement du statut de la Russie, les européens auraient grand tort de vouloir l’humilier. Exclure la Russie de la réunion du G8 est une bien mauvaise idée au moment où il faudrait plutôt chercher des points de dialogue et non de guerre. Brandir la menace de sanctions économiques est tout aussi contre productif pour les citoyens européens et provoquera encore plus de difficultés pour les ukrainiens. Et ils le doivent d’autant moins que les Etats-Unis jouent avec l’Europe et la Russie un double jeu. Celui de l’aide à la domination géostratégique avec l’Union européenne et l’OTAN et celui de l’utilisation de la Russie pour d’autres enjeux internationaux, dont la normalisation des relations avec l’Iran. L’Union européenne et la France doivent donc jouer un autre rôle que celui de la tension et des menaces, même verbales.

 

Le feu intérieur des divisions, des haines et des violences, couve donc dangereusement sur fond de crise sociale et économique. Cette crise touche tout autant l’Union européenne que la Russie. Les montées des extrêmes-droite, des ultranationalistes et des fondamentalistes  aujourd’hui dans l’espace européen, ont beaucoup à voir avec la confusion permanente entretenue par des forces qui y ont intérêt et l’angoisse quotidienne face aux lendemains. Les peuples réclament d’abord la justice et la démocratie. Les puissants les prennent en otage. Ils leur envoient les tensions et la guerre.  Rien ne doit être fait pour attiser le feu des braises, mais au contraire, tout devrait être fait pour favoriser l’information, le débat et la solidarité entre salariés, créateurs, jeunesses de toute l’Europe pour un espace européen débarrassé des haines et des menaces de guerre. Tous les peuples européens doivent donc s’en mêler et dire sous différentes formes leur mot pour le dialogue, la coopération, la paix, la justice. Ce n’est pas de déclarations belliqueuses dont ils ont besoin, mais de nouveaux accords de coopération avec le peuple ukrainien comme avec le peuple russe. Et les européens de la grande Europe doivent cesser d’être divisés pour être les sujets et les fantassins d’une économie capitaliste de prédation, dans le cadre d’une guerre déjà déclarée depuis longtemps : la guerre économique.

 

Le peuple ukrainien doit pouvoir débattre et décider en toute connaissance de cause de son avenir. L’union européenne devrait y aider au lieu de faire croire à l’impossible, comme le fait la haute représentante de l’Union européenne, Mme Asthon qui, de connivence avec le nouveau premier ministre ukrainien, s’est permis de proposer de signer l’accord d’association avec le gouvernement provisoire ukrainien, non issu des urnes. Ceci constituerait un coup de force belliciste. De même, il faut cesser de vouloir insérer l’Ukraine à l’OTAN. D’un autre côté, la Russie doit, elle aussi, respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine et la souveraineté des peuples. Le peuple d’Ukraine doit pouvoir choisir ses représentants dans le cadre d’élections libres, tout comme celui de la République de Crimée. Il faut cesser l’engrenage actuel et réclamer une rencontre européenne qui pourrait peut-être avoir lieu sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et coopération en Europe, en y associant l’Organisation des Nations-Unies pour une issue pacifique et démocratique, respectueuse de la souveraineté des peuples. Les peuples européens aspirent à autre chose que ce que leur promettent cette guerre économique et le lourd bruit des chars. L’issue est dans la solidarité des peuples et des jeunesses pour éradiquer le chômage, répartir autrement les richesses, promouvoir le développement social et humain. Non, les peuples d’Europe n’ont pas à mourir pour les oligarques !

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BRUNO FORNACIARI

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