Les multiples réformes lancées par Nicolas Sarkozy dans l’enseignement primaire et secondaire ont débouché sur un accroissement des
inégalités scolaires, au profit des milieux les plus favorisés. Florilège.
Grand débat de la précédente présidentielle, « l’assouplissement » de la carte scolaire a été mise en œuvre dès septembre 2007 par Xavier Darcos. Cette réforme devait améliorer « la
mixité sociale » dans les collèges et lycées en permettant aux parents de quartiers défavorisés de mettre leur enfant dans l’établissement de leur choix. La mesure a produit l’effet
exactement inverse. « Dans les établissements les plus convoités il y a peu d’élèves de condition modeste ; dans les collèges les plus évités, ce sont les catégories favorisées
qui ont disparu », souligne, dès 2008, un premier rapport de deux inspecteurs généraux. En 2009, la Cour des comptes confirme le bilan et parle de « ghettoïsation » des
établissements fragiles. Sur un total de 254 collèges « ambition réussite » (anciennement ZEP), 186 ont perdu des élèves, principalement des enfants de classes aisées ou moyennes. En
2010, le SNPDEN, syndicat des chefs d’établissement confirme ces deux rapports et précise que la moitié des établissements affectés par la réforme sont des « collèges moyens de villes
moyennes ». Selon le plan de marche de Nicolas Sarkozy, la carte scolaire aurait dû être totalement supprimée à la dernière rentrée. Le gouvernement préfère ne plus en parler...
Autre grand chantier du quinquennat, l’évolution de la formation des maîtres a bouleversé la profession. Obligation d’être titulaire d’un master 2 (bac+5) au lieu d’une licence
(bac+3) et suppression de l’année de stage rémunéré en alternance : cette réforme a, paradoxalement, anéanti la profèssionnalisation de la formation qu’il s’agissait pourtant de
renforcer... Les témoignages d’enseignants débutants, lâchés dans les classes à plein temps sans aucune expérience, se sont multipliés. Le nombre d’inscrits aux nouvelles formations
de professeurs a également chuté de 30% (18000 candidats en 2010 contre 34.952 en 2009) et le recul de l’attractivité du métier s’est accéléré. En 2011, 20% des 4880 places offertes
au CAPES externe n’ont pas été pourvues, faute de candidats au niveau en nombre suffisant. Lors de ses vœux 2011, Nicolas Sarkozy avait convenu qu’il fallait remettre cette réforme
sur le métier. En 2012, il ne l’a même plus évoquée.
Lutte contre l’échec scolaire. « Je prends un engagement devant vous : nous allons diviser par trois, d’ici à la fin de la mandature, le taux d’échec scolaire à la fin du
CM2 », avait promis Nicolas Sarkozy. Passer de 15% à 5% ? La bonne blague. Les tests nationaux de janvier 2011 montrent que 30% des élèves de CM2 continuent d’avoir des acquis
« fragiles » ou « insuffisants » en mathématiques et 26% en français. Et ce, malgré le retour aux « fondamentaux » des nouveaux programmes de 2008, marqués par une
conception mécaniste des apprentissages. Au niveau du collège, les chiffres sont également cruels pour la France. Entre 2000 et 2009, selon l’OCDE, la proportion d’élèves de 15
ans en grande difficulté est passée de 15% à 20% et l’écart de niveau entre le groupe des meilleurs et celui des plus faibles s’est accru. La France reste l’un des pays où les
inégalités sociales pèsent le plus sur les destins scolaires. Entre 2000 et 2010, le nombre de 18-24 ans quittant le système scolaire sans diplôme n’a quasiment pas varié, autour de
13%.
« Dans les quartiers où s’accumulent tous les problèmes de l’exclusion et du chômage, je propose de créer des classes de quinze élèves dans les collèges et les lycées », avait promis
Nicolas Sarkozy en 2006. De ce point de vue, les établissements de l’éducation prioritaire n’ont rien vu venir. Au contraire. Depuis cinq ans, ils sont parmi les plus touchés par les
restrictions budgétaires. à la rentrée 2011, ils ont perdu, en moyenne, 2,5% de leurs moyens horaires tandis que les établissements favorisés en gagnaient 0,4%. En guise de politique,
le gouvernement y a, en revanche, expérimenté son programme éclair, véritable tête de pont de la déréglementation du système scolaire dont rêve la droite. L’autre grande fierté
sarkozienne est la création d’internats d’excellence censés promouvoir « l’égalité des chances ». Des places sont ainsi réservées dans de bons établissements à des élèves
« méritants » venus de quartiers défavorisés. Une « excellence » pour peu d’élus. On compte actuellement 10 000 places, le but étant d’atteindre 20000 soit à
peine plus de 3% des élèves relevant de l’éducation prioritaire. Ce dispositif élitiste a surtout un effet pervers : il pousse les enfants les plus motivés à quitter les
établissements défavorisés, privant ces derniers de leurs « têtes de classe ». Privilégier quelques-uns au détriment du plus grand nombre : telle est la logique à l’œuvre.
L’effort global de financement de l’éducation a reculé ces dernières années. La Dépense intérieure d’éducation (DIE) a baissé de près d’un point de PIB entre 2000 et 2009. Quant au
budget du ministère de l’éducation nationale, il ne représentait plus que 21% du budget de l’Etat en 2010 contre 28% en 2007. Signe de son désengagement, la part de l’état dans le
financement global de la DIE est passée de 67% en 1985 à 56,1% en 2009. Trame de fond de ce quinquennat, la suppression de 80 000 postes dans l’éducation nationale pose de multiples
problèmes. Les absences de profs non remplacées se sont systématisées, notamment dans certains quartiers populaires, comme en Seine-Saint-Denis, où des dizaines de parents d’élèves
ont saisi le tribunal administratif. Elles ont également entraînées un recours accru à des emplois précaires (étudiants, vacataires recrutés à Pôle emploi…) pour palier le manque
d’enseignants. Les suppressions de postes ont également asséché l’offre scolaire. Les effectifs d’élèves par classe ont mécaniquement augmenté, dégradant les conditions
d’enseignement. Les économies ont surtout mis en péril certains postes « hors classe ». Les assistants de langue, en primaire, sont en voie de disparition. L’avenir des réseaux d’aide
aux enfants en difficulté (RASED), avec leurs enseignants spécialisés et psychologues scolaires, est incertain : 3000 postes ont été supprimés depuis 2007. Faute d’enseignants
suffisant, le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans a également lourdement chuté, passant de 34,3% en 2001 à 13,6% en 2010. Et ce, alors même que le ministère a
reconnu lui-même, en 2003, les effets positifs de la scolarisation précoce sur l’apprentissage de la lecture en CP, notamment pour les enfants de milieux défavorisés.
Donner moins à ceux qui ont moins : sur l’éducation, la philosophie gouvernementale a le mérite d’être claire