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22 août 2011 1 22 /08 /août /2011 01:06

III. La baisse tendancielle du taux de profit les contre-tendances,la suraccumulation

du capital

Nous allons aborder le chapitre 13 du Livre 3 du Capital (1977, éditions sociales), sur la loi de la

baisse tendancielle du taux de profit, puis le chapitre 14, qui concerne les contre-tendances

à cette loi et enfin le chapitre 15 qui concerne le développement des contradictions internes à la

loi, et notamment la théorie de la suraccumulation du capital, et l’amorce de la

théorie des crises. Paul Boccara à partir de 1966 a fait redécouvrir ce livre 3 du Capital si longtemps ignoré par la vulgate marxiste, il a élaboré sa théorie nouvelle de la suraccumulationdévalorisation

du capital, qui constitue une théorie très originale du PCF au sein del’ensemble des théories marxistes, à partir de Marx, elle permet d’analyser les crises de surproduction ainsi que les crises systémiques et leurs solutions

 

I) La loi de la baisse tendancielle du taux de profit

Cette loi établit une relation entre ce qu’on appelle le gonflement de la composition organique du

capital (COC) et la baisse tendancielle du taux de profit. On va tenter de démystifier un

certain nombre de lieux communs de la vulgate marxiste, les choses sont beaucoup plus complexes qu’on ne les présente souvent.

 

A- La composition du capital : la composition technique du capital, la composition valeur et

enfin la composition organique. (Livre 1, ch.25).

a) Capital constant, capital variable. Le capital est constitué en deux parties distinctes, le capital constant (CC) et le capital variable (CV).

  1) Le capital constant, c’est la partie du capital concernant les moyens matériels, les machines( capital fixe). À l’intérieur de ce capital constant, on observe aussi un capital circulant, dans l’expression de l’économie traditionnelle, il s’agit par exemple des matières premières ou des sources d’énergie qui se transforment en produits finis.

Le capital constant : il comprend particulièrement les machines, en elles-mêmes elles ne peuvent pas générer de plus-value.

Elles ne créent pas de valeur supérieure à la valeur comme la force de travail. En même temps, si on prend des machines, par exemple dans le cadre de la révolution industrielle, il y a du travail qui est cristallisé dans les moyens de production, c’est ce qu’on appelle du travail passé, ou travail mort. La machine en elle-même ne produit donc pas de valeur.

 

2) Le capital variable (CV) est la seconde partie du capital, cette partie est souvent omise des diverses comptabilités, que ce soit au niveau national ou des comptabilités d’entreprises.

C’est la partie du capital qui sert à acheter la force de travail. Cette partie du capital va se traduire en salaires. Cette partie du capital fait varier la valeur des marchandises, elle crée une valeur supplémentaire à sa propre valeur, c’est cette partie qui redonne vie au capital constant, on parle aussi de force de travail, ou de travail vivant.

b) La composition technique, la composition valeur, la composition organique du capital

 

1) La composition technique. C’est le rapport entre le volume des moyens matériels et le volume total du travail vivant. Le travail vivant comprend à la fois le travail nécessaire et le surtravail (donc la plus-value). Il ne faut pas oublier que lorsqu’on parle du rapport entre le volume des machines et le volume total de la force de travail, on ne parle pas seulement des salaires mais aussi du surtravail.

2) la composition valeur

C’est cette composition qui est généralement la plus abordée dans les manuels d’économie marxiste ordinaires. C’est le rapport entre la valeur du capital constant C et, au dénominateur, la valeur du capital variable V, on obtient le rapport C/V que l’on confond souvent, à tord, avec la composition organique du capital. La composition valeur au sens strict c’est C rapporté à V, V représentant les salaires, la plus-value n’est pas incluse dans le rapport.

 

3) La composition organique du capital

Elle fait intervenir la valeur et la valeur d’usage de la force de travail. A la différence avec la composition valeur du capital, elle représente, pour simplifier, le rapport entre tout le travail mort au numérateur et tout le travail vivant au dénominateur .Le travail vivant, cela renvoie à toute la valeur ajoutée par le travail salarié : salaire +PL, on inclut la plus value, le surtravail (PL).Le travail mor t renvoie au capital constant C. La formule de la composition organique du capital deviendrait C/V + PL, c’est dans la dernière partie de la formule que résidela différence majeure avec la composition valeur du capital.

Pour bien comprendre, il faut revenir à la journée de travail. Le capitaliste a acheté l’usage de la force de travail et l’utilise comme il l’entend, enfonction, bien sûr, des lois sociales en vigueur à l’époque. Si la journée de travail commence à un point A et finit à un point B le capitaliste fait travailler le salarié pendant toute la durée séparant A et B : c’est la durée de travail total.

En fait une partie de la journée sert à payer la force de travail et permet à la force de travail de reconstituer sa valeur, on ajoute donc un point C entre A et B, ce point symbolisera la limite de cette période qui est en fait ce  nécessaire à la reproduction de la force de travail. Le capitaliste, lui, fait travailler le salarié toute la journée, donc la partie C-B lui permet de réaliser une plus-value, cette période séparant le point C du point B est appelée surtravail. La quantité de travail total est AC +CB.

La composition organique du capital est différente de la composition valeur exprimée par la formule C/V.

 

B- Tendance à l’élévation de la composition organique du capital et baisse tendancielle du taux de profit

a)Le mode capitaliste de progression de la productivité du travail consiste à accumulertoujours plus du capital constant et à économiser, relativement la part du capital variable. Globalement, il s'agit de diminuer la part du temps de travail socialement nécessaire, et donc, de réaliser une plus-value supplémentaire en économi- sant le temps de travail. L’évolution de la productivité, permet de fairecette économie de temps de travail. Car on économise plus de travail vivant qu’on ne consomme de travail contenu dans la partie de la valeur de la machine qu est consommée par l’usure de la machine. Cela renvoie à la « révolution industrielle », de remplacement des mains des travailleurs par des machines-outils, servies par les travailleurs industriels Il y a là une contradiction, d’un côté les progrès de la productivité se font en accumulant du capital constant, mais, d’un autre côté ils économisent relativement le travail vivant. L’entrepreneur capitaliste a ainsi besoin de moins de force de travail puisque celle-ci est plus productive. Alors que se poursuit l’accumulation de machines, de travail mort, qui conduit à économiser le travail vivant. La COC, composition organique du capital qui est le rapport entre travail mort et travail vivant, se gonfle, c’est à dire plus de travail mort (au numérateur) et moins de travail vivant (au dénominateur). Car ce travail vivant devient lui même plus productif. C’est ce qui va aboutir à terme à la baisse tendancielle du taux de profit.

b) Définitions.

 Le taux de plus-value : c’est le rapport entre la masse de la plus-value au numérateur et le capital variable, autrement dit les salaires, au dénominateur. La plus- value, ce n’est pas la même chose que le profit, car le profit exprime la plus-value mais il peut y avoir des différences, le profit réalisé sur le marché peut être plus important que la plus value (ou moins important dans les crises) Le taux de plus value c’est le rapport entre la plus value et les salaires, c'est-àdire d’un côté ce qui est approprié par le capitaliste (PL) et d’ un autre côté ce qui est versé au salarié (V) sous forme de salaire c’est le rapport PL/V. On appelle aussi ce taux, taux d’exploitation, ou degré d’exploitation.

Quand on parle d’une meilleure répartition des richesses on parle de rééquilibrer ce rapport, mais le problème ne se situe pas seulement au niveau de la répartition des richesses mais principalement au niveau de leur production.

  Le taux de profit. Le profit est l’expression monétaire de la plus-value, c’est ce qu’on constate sur le marché, alors que la plus-value est dans la production. Le profit tourne autour de la plus value, il peut être plus haut, il peut gonfler c’est le profit commercial, le profit financier, il peut au contraire être plus bas que la valeur de la plus-value, en cas de crise financière, ou d’effondrement des marchandises par exemple.

Le taux de profit est à la fois un reflet du taux de plus- value et une expression plus ou moins approchée. Il renvoie à l’aspect phénoménal du capitalisme. D’un point de vue philosophique marxiste on distingue d’une part l’aspect phénoménal, c’est ce qu’on voit, ici le taux de profit est visible sur le marché, et l’essence, ce qui est plus fondamental. Le taux de profit c’est le rapport entre la masse de la plus-value au numérateur (PL) et au dénominateur, l’ensemble du capital engagé, c’est à dire à la fois le capital variable (V) et le capital constant (C) : PL/ (C+V). Le capitaliste ce qu’il regarde ici, c’est quelle est sa plus-value par rapport à l’ensemble du capital qu’il a engagé.

 

c) De la hausse de la COC à la baisse tendancielle du taux de profit ?

Il faut partir de la loi de la concurrence, qui oblige le capitaliste à être le premier à exploiter un nouveau moyen de production, pour réaliser ce qu’on appelle une plus-value extra. Il y a une course sur le marché, donc le capitaliste qui arrive à être le premier à exploiter un nouveau moyen de production réalise momentanément une plus-value supplémentaire. Cette course va le pousser à accumuler des moyens de production, ce qui va accroître le travail mort, le capital constant , le travail cristallisé dans les machines.

Au sein de la COC, le travail mort va s’accroître tandis que le travail vivant va décroître relativement.

Le numérateur va augmenter tandis que le dénominateur va diminuer.

 

Prenons la formule du taux de profit : PL/ (C+V), le capital constant (C) augmente, et le capital variable (V) augmente beaucoup moins rapidement. Le problème est que la plus-value (PL) est créée à partir du capital variable (V), c’est-à-dire à partir du travail vivant. Le capitaliste ne réalisera pas plus de plus- value avec 10 ouvriers, même si ceux-ci sont très productifs, qu’avec 100. Les économies sur le capital variable limitent finalement la croissance de la plus-value, tandis que le capital constant lui continue d’augmenter. À terme, le dénominateur de la fraction représentant le taux de profit tend à se gonfler relativement au numérateur, cela fera diminuer cette fraction, c'est-à-dire le taux de profit.

Ce sont donc les mêmes facteurs qui conduisent à la fois au gonflement de la composition organique du capital et à la baisse tendancielle du taux de profit.

Le capitalisme a à la fois développé de manière magistrale les forces productives, notamment par rapport aux modes de production antérieurs. Mais dans la façon même de développer ces forces productives, c'est-à-dire en favorisant le travail mort des machines au détriment du travail vivant des travailleurs, le capitalisme atteint ses limites. On en arrive donc à la tendance à la baisse du taux de profit qui constitue une des principales limites du capitalisme.

 

II) Les causes qui contrecarrent la loi

 

On a vu que cette loi est une tendance, elle ne se manifeste donc pas toujours, il y a des périodes ou au contraire il y a une hausse des taux de profit, il y a des influences contraires. Contrairement à une vision mécaniste du marxisme qui voudrait que chez Marx il y ait toujours crise, il y a des périodes d’essor et des périodes de crises, ce qu’on appelle des longues phases de difficulté. Marx n’a pas une vision simpliste ou fataliste des choses.

Il existe six facteurs contredisant la loi de la baisse tendancielle du taux de profit ou six causes contrecarrant la BTTP Nous verrons que chacun de ses facteurs freine provisoirement cette loi tout en en augmentant à terme ses effets.

1 - L’augmentation du degré d’exploitation du travail : Le capitaliste va tenter de relever le rapport entre plus-value et salaires, il va essayer de sortir de la baisse tendancielle du taux de profit en augmentant donc le degré d’exploitation.

Les méthodes qu’il va utiliser sont diverses : il va viser à augmenter la plus-value absolue, en allongeant s’il le peut, la journée de travail, ce qui va engendrer une usure de la force de travail.

Il peut aussi essayer d’augmenter l’intensité du travail, en augmentant les cadences, réduisant les temps morts, mais là encore les travailleurs vont se fatiguer.

Il y a une autre méthode qui consiste à augmenter la plus-value relative, en réduisant le temps de travail socialement nécessaire : les ouvriers vont prendre moins de temps à produire les marchandises permettant à la force de travail de se reproduire. Mais le problème est que pour appliquer toutes ces méthodes-là qui vont ralentir la baisse du taux de profit voire même faire repartir ce taux à la hausse pendant un temps, il faut de nouveau accumuler des machines, et la même méthode qui pendant un temps freine la loi, va la faire repartir.

 

2 - Baisser la valeur et les prix du capital constant : On accumule en volume, mais on va essayer d‘économiser sur la valeur et les prix du capital constant.

Par exemple, si on prend les matières premières, produits agricoles, ou les sources d’énergie, il y a des périodes où il y a une possibilité que ces prix deviennent très bas, cela est lié, au commerce extérieur, à la concurrence entre grands capitalistes, cela a été vrai notamment à une époque pour ce qui est du pétrole et des produits alimentaires.

 

Le progrès technique permet aussi d’économiser le capital constant.

Ainsi après la 2è guerre mondiale le secteur public, avait permis, avec lesgrandes nationalisations d’énormes économies de capital constant au capital privé. L’État avait en effet pris en charge des secteurs très lourds (transports, production d’énergie...) pourtant indispensables à l’économie sans exiger de critères de rentabilité. Le capital privé n’avait plus à prendre en charge ces secteurs lourds et non rentables, et pouvait donc s’investir dans d’autres activités beaucoup plus immédiatement rentables, tout en bénéficiant de sources d’ énergie , de matière premières ,des transports et des équipements lourds fournis par le secteur public, à bas prix.

 

3 - Surpopulation relative

D'un côté, l'accumulation du capital engendre l'accumulation de la force de travail. D'un autre côté, le progrès technique, le progrès de la force productive de travail, engendre des économies de temps de travail pour fabriquer une marchandise, ils provoquent donc une élimination relative du travail vivant. Une population qui voudrait travailler ne le peut pas, il y a donc concurrence entre les salariés, d'où une tendance à peser sur les salaires. Cela permet aux entreprises de résister à la baisse tendancielle du taux de profit. Il s'agit de la troisième contre-tendance.

 

4 - Économies sur les salaires

Il s'agit de la quatrième contre-tendance à la baisse du taux de profit. Les économies sur les

salaires sont liées à la concurrence sur le marché entre les travailleurs, elles renvoient à la surpopulation relative : c’est-à-dire le chômage. Le recours à l'exode rural, l'immigration le travail des jeunes, des femmes, le travail précaire, le travail au noir, tendent à accélérer la compression des salaires par tête. En même temps le progrès technique peut engendrer la baisse de la valeur de la force de travail en facilitant les économies sur le travail vivant.

Mais contradictoirement les excès d'économies sur le travail vivant finissent par limiter aussi la possibilité d'extension de la plus-value.

 

5 - Commerce extérieur

Celui-ci vise à faire entrer les subsistances, les matières premières, les sources d'énergie, à bas prix (économies sur le coût de capital constant et variable). En même temps, les débouchés extérieurs tendent à élargir la masse de profit et la plus-value réalisées sur les marchés extérieurs. Le développement du commerce extérieur constitue la cinquième contre-tendance à la baisse du taux de profit. 6 - Le développement des sociétés par actions (concentration du capital)

Ceci permet aussi des économies sur le coût du capital constant, cela constitue la sixième contre- tendance à la baisse du taux de profit. On peut, en fait, chez Marx, regrouper les contre- tendances à la baisse du taux de profit en deux catégories :

- celles qui tendent à la hausse du taux de plus-value

- celles qui tendent à la baisse de la composition organique du capital.

 

 

III) Développement des contradictions internes à la loi : la suraccumulation et ses solutions (ch. XV)

 

L’analyse de la tendance à la baisse du taux de profit conduit à la mise en cause du type capitaliste

de progression de la productivité du travail, aux limites du mode de production capitaliste et à ses transformations de structures, à travers des crises de la croissance. La tendance à la baisse du taux de profit, qui conduit à la suraccumulation du capital, renvoie au remplacement des travailleurs par des machines-outils et à l’élévation du rapport «travail mort des moyens de production/travail vivant des travailleurs» à l’origine de la plus- value (ou rapport de la composition organique du capital).

La théorie de la «suraccumulation du capital» constitue la base de la compréhension de la régulation par crises du capitalisme.

Elle se trouve dans le livre III du Capital, chapitre XV. Elle a été développée en théorie de la «suraccumulation/dévalorisation » du capital par Paul Boccara.

D’autresauteurs ont repris, à leur façon, le concept de dévalorisation du capital.

 

1.     Les limites de l’accumulation du capital comme expressions de la crise du type capitaliste de progression de la productivité du travail

 

a)L’accumulation du capital entraîne la baisse tendancielle du taux de profit car elle implique l’élévation de la composition organique du capital, d’où comme on l’a vu plus haut, la tendance à la baisse du taux de profit.

 

b) La tendance à la baisse du taux de profit implique le renforcement de la concentration du capital et sa centralisation par la dépossession de capitalistes de moindre importance. Ce qui précipite l’accumulation quant à la masse bien que le taux d’accumulation finisse par baisser avec le taux de profit.

 

c) La baisse du taux de profit. Les crises et les limites du mode de production capitaliste.

«Si (...) le taux de profit est bien l’aiguillon de la production capitaliste (de même que la mise en valeur du capital est son unique fin), sa baisse ralentira la constitution de nouveaux capitaux autonomes et elle semble dès lors menacer le développement du procès de production capitaliste, elle favorise la surproduction, la spéculation, les crises, la constitution d’un capital excédentaire, à côté d’une population en excédent. »

(K. Marx, Le Capital, Livre III, chapitre XV p. 236).

 

 

 

 

2. Conflit entre l’extension de la production et la mise

en valeur du capital

 

La contradiction fondamentale du mode de production capitaliste, c’est que le mode de développement des forces productives, en gonflant le travail mort des moyens matériels (machines-outils et matières) relativement au travail vivant, tend à accroître la composition

a)     organique du capital et à engendrer la baisse du taux de profit.

b)    Le développement des forces productives entre en conflit avec les rapports de production (la loi du profit par l’exploitation).

D’un côté, PL/V, c’est-à-dire le taux de plus-value, s’élève : le surtravail donnant la plus-value s’accroît par rapport à la valeur de la force de travail, réduite surtout avec la réduction du temps de travail socialement nécessaire pour les marchandises du salaire. Mais d’un autre côté, le nombre d’ouvriers

diminue, donc le capital variable (des salaires) est économisé relativement au capital constant des moyens matériels.

 

b) Les méthodes par lesquelles la production capitaliste cherche à dépasser ces limites impliquent de façon contradictoire :

– une diminution du taux de profit,

– une dépréciation du capital existant,

– une pression sur les forces productives humaines, ainsi le type de progression de la productivité du

travail vivant engendre des économies sur le travail vivant.

Le capitaliste essaie d’accroître PL/V, à partir de l’allongement du surtravail, ou de l’augmentation de la productivité du travail, abaissant de la part du temps de travail socialement nécessaire pour la valeur du salaire par rapport à la valeur du produit du travail.

Mais, à partir d’un certain point, cela ne permet plus de compenser la réduction du nombre d’ouvriers par rapport aux moyens matériels. Pour arrêter la baisse tendancielle du taux de profit, il faudrait une dépréciation du capital qui permettrait de faire repartir l’accumulation.

 

c) « La véritable barrière de la production capitaliste c’est le capital lui-même» (K. Marx, Le Capital, Livre III, p. 244)

La production capitaliste est une production pour le capital. Le capital (et sa mise en valeur) constitue le moteur la fin de la production capitaliste. Le mode de développement des forces productives (développement de la productivité sociale du travail), en tendant à faire grossir le capital constant (le travail mort) relativement au travail vivant, entreperpétuellement en conflit avec la fin : la mise en valeur du capital existant.

La productivité s’élève car il y a une réduction plus grande du travail vivant consommé pour un produit que l’augmentation du travail mort (des moyens de production) consommé, à distinguer du travail mort avancé, dont seulement une partie est consommée par l’usure des capitaux fixes. Il se produit donc un conflit entre la loi du profit (les rapports de production capitalistes pour l’exploitation) et le développement des forces productives, par l’excès d’accumulation relativement au profit possible, entraînant les crises de la production.

 

Le mode de production capitaliste est à la fois un moyen historique de développement de la force de productive matérielle et en même temps, il existe une contradiction permanente entre cette tâche et les rapports de production.

Le développement de la productivité donne naissance à la baisse tendancielle du taux de profit, en opposition avec le développement de la production et de la productivité. C’est le taux de profit qui décide l’extension ou de la limitation de la production.

« De ce fait, le conflit doit être constamment surmonté par des crises.» (Ibid, p. 251)

 

3. Excédent de capital accompagné d’une population excédentaire (c’est à dire le chômage).

A- Concentration du capital et pléthore de capital

 

a) La baisse tendancielle du taux de profit augmente le minimum de capital requis pour un capitaliste afin d’employer le travail productivement ce qui s’accélère la concentration du capital. Un gros capital à faible taux de profit accumule plus vite qu’un petit capital à taux élevé.

La «concentration croissante» de capitaux implique la baisse tendancielle du taux de profit et l’élimination des petits capitaux des petits capitaux contraints de s’engager dans «la voie de l’aventure : spéculation, gonflement abusif de crédit, bluff sur les actions, crises».

 

Pléthore du capital : il s’agit de la pléthore du capital pour lequel la chute du taux de profit n’est pas compensée par sa masse. Cela engendre un bourgeonnement de capitaux à la disposition des

grands secteurs commerciaux et industriels. Les capitaux fuient dans la spéculation, dans la croissance financière, au détriment de la croissance réelle dans la production.

 

b) La pléthore du capital naît des mêmes conditions qui provoquent une surpopulation relative (Ibid., p. 245)

Du fait du gonflement du capital constant et des économies sur le travail vivant (capital variable) ; nous avons en même temps – du capital inemployé : les capitaux désertent la production et s’engagent dans la spéculation ; des usines ferment. La population ouvrière chôme, elle est inoccupée. Ce sont deuxfaits à la fois unis et opposés qui se complètent l’un l’autre.

 

B- Définition de la surproduction de capital

Il s’agit de surproduction de capital, non de marchandises, bien que la surproduction du capital implique toujours surproduction de marchandises; Cela signifie donc suraccumulation du capital.

«Cette concentration croissante entraîne de son côté, à un certain niveau, une nouvelle chute du taux de profit. La masse des petits capitaux éparpillés est ainsi contrainte à s’engager dans la voie de l’aventure : spéculation, gonflement abusif du crédit, bluff sur les actions, crises.

Ce qu’on appelle la pléthora (pléthore) de capital concerne toujours essentiellement la pléthore du capital pour lequel la chute du taux de profit n’est pas compensée par sa masse – et c’est toujours des bourgeonnements de capital frais qui viennent de se former – ou la pléthore qui, sous une forme de crédit, met ces capitaux incapables d’exercer une action à leur propre bénéfice, à la disposition de ceux qui dirigent les grands secteurs commerciaux ou industriels. Cette surpopulation relative, et c’est donc un phénomène qui vient compléter celle-ci, bien que les deux faits se situent à des pôles opposés, capital inemployé d’un côté et population ouvrière non occupée de l’autre;

Surproduction de capital, non de marchandises singulières quoique la surproduction de capital implique toujours surproduction de marchandises – signifie donc suraccumulation de capital. Pour comprendre cette suraccumulation [...] il suffit donc de supposer qu’elle est absolue. Quand la surproduction de capital pourrait-elle donc être absolue? Et il s’agit ici d’une surproduction qui n’intéresserait pas seulement tel ou tel secteur de production ou quelques secteurs importants, mais qui serait absolue dans son volume même, donc engloberait tous les secteurs de production.

Il y aurait surproduction absolue de capital dès que le capital additionnel destiné à la production capitaliste égalerait 0.

Or la fin de la production capitaliste, c’est la mise en valeur du capital : c’est à dire l’appropriation de surtravail, la production de plus-value, de profit. Donc, dès que le capital aurait augmenté par rapport à la population ouvrière dans des proportions telles que ni le temps de travail absolu, que fournit cette population, ne pourrait être prolongé, ni le temps de surtravail relatif étendu [...] si le capital accru ne produisait qu’une même masse de plus-value tout au plus égale et même moindre qu’avant son augmentation, alors il y aurait surproduction absolue de capital; c’est à dire que le capital augmenté C+C ne produirait pas plus de profit ou même en produirait moins que le capital C avant qu’il ne s’accroisse deC. Dans les deux cas, se produirait une forte et brusque baisse du taux général de profit».(ibid. p. 245).

Comme le montre le texte cité, la suraccumulation de capital peut être absolue dans son volume. Il y a une surproduction absolue du capital lorsqu’un capital auquel on ajoute dC ne produit pas plus de profit ou même en produit en moins; cela implique une forte et brusque baisse du

taux de profit.

Une portion du capital resterait totalement ou partiellement en jachère, ou en sommeil, une autre portion serait mise en valeur à un taux peu élevé, une autre détruite. On a pu présenter de façon algébrique ces distinctions descriptives de Marx.

On précise ainsi, concernant la réduction de la valorisation du capital par un profit, ou dévalorisation du capital, trois solutions : un taux de profit réduit, nul ou négatif (+,0, -)1 Le raisonnement est le même lorsque la suraccumulation du capital est relative.

 

C-Le processus de dévalorisation du capital

Cette «dévalorisation» d’une partie du capital permet aux capitaux restants de repartir dans la course au taux de profit. Il s’agit d’un processus de lutte entre les capitaux. Une lutte concurrentielle s’engage pour décider quelle portion du capital serait mise en sommeil. Ceci est nécessaire pour que les capitaux dominants fassent leur place aux dépens de l’ancien capital. Il faut réduire à l’inactivité une portion de l’ancien capital.

«Tant que tout va bien, la concurrence [...] joue pratiquement le rôle d’une amicale de la classe capitaliste : celle-ci se répartit collectivement le butin commun proportionnellement à la mise de chacun. Mais dès qu’il ne s’agit plus de partager les bénéfices mais les pertes, chacun cherche autant que possible à réduire sa quotepart et à la mettre sur le dos du voisin. Pour la classe capitaliste, la perte est inévitable mais savoir la part que chaque individu en supportera, ou même s’il doit en prendre sa part, c’est alors affaire de force et de ruse, et la concurrence se mue en combat de frères ennemis.» (ibid. p. 247)

 

D-Comment se résout le conflit? Les solutions. Les formes de mises en sommeil ou même de destruction partielle de capital.

La perte se répartit inégalement selon les avantages et positions de chacun, c’est la concurrence qui opère la répartition entre les trois solutions évoquées plus haut : Un capital mis en sommeil.

Un autre complètement détruit ou avec une perte relative Un autre est mis en valeur avec un taux de

profit réduit. On peut considérer par exemple la faillite et les pertes d’une entreprise, la réduction de son activité, ou son arrêt et le retrait de capitaux. Dans tous les cas, l’équilibre se rétablit par mise en

sommeil et même destruction de capital.

Une partie des moyens de production n’agirait plus comme capital, une partie des entreprises serait fermée. Il se produirait même des destructions et l’élimination de moyens de production, des mises

au rebut des machines. On assisterait à la destruction de valeurs-capital, titres créances, dévalorisation du capital action.

1 Les trois solutions du taux de profit réduit , nul ou négatif (perte) ont été définies en ces termes et conceptualisées en terme de dévalorisation du capital, c’est-à-dire de mise en cause de la valorisation ou mise en valeur par un taux de profit, par P. Boccara (1973) op. cit. pp. 42-49

Une partie des marchandises serait détruite, il y aurait effondrement de leurs prix, destructions des

stocks.

Il se produirait des perturbations de la fonction moyen de paiement de l’argent, des effondrements du système de crédit, «de soudaines et brutales dévaluations» alimentant les blocages et perturbations du procès de production. (ibid. p. 247- 248).

On peut relever que la longue phase de difficultés actuelle, ouverte à la fin des années 1960, est

marquée par une corrélation entre la crise du système monétaire international et la crise du système économique.

L’analyse des solutions examinées par Marx, l’étude des contre-tendances, s’articulent avec la question de la dévalorisation du capital. Cette articulation conditionne le relèvement du taux de profit pour la reprise de l’accumulation en haussant le taux de plus-valueet en baissant la composition organique du capital.

 

4. De la baisse tendancielle du taux de profit aux

crises du capitalisme et aux transformations des

structures et de la régulation

 

A- À partir de Marx, on observe deux conceptions

des crises :

 

1) Première conception chez Marx : les crises de période plus ou moins décennale

«Les crises ne sont jamais que des solutions violentes et momentanées des contradictions existantes, de violentes éruptions qui rétablissent pour un instant l’équilibre rompu». (K. Marx, op.cit. Livre III, chapitre XV : «développement des contradictions internes de la loi».

 

2)Deuxième conception (amorcée par Marx) :

La crise comme crise de la structure capitaliste impliquant des transformations profondes, en particulier la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation. Cette conception est amorcée par Marx dans son évocation des solutions de la suraccumulation (dépassant les références aux crises

périodiques) comme des transformations structurelles. Cela conduira aux analyses marxistes par Paul Boccara des stades et phases du mode de production capitaliste, ainsi qu’à l’analyse en termes de cycles longs, de période de 48 à 60 ans repérées par le marxiste Kondratieff, dont les longues phases de difficultés entraînent les transformations de structure.

Après le stade du capitalisme primitif, le stade du capitalisme de libre concurrence est traversé par une phase d’essor puis par une longue phase de crise systémique, en 1873- 1896. Il s’agit d’une longue phase de difficultés du cycle long.

L’issue de cette crise implique des adaptations structurelles.

On passe au stade du capitalisme monopoliste ou impérialiste. Ainsi le capital n’est pas mis en valeur dans la métropole mais exporté dans les colonies ou encore le capital non monopoliste est moins mis en valeur que le capital monopoliste. Ce stade est traversé d’abord par une phase d’essor puis il entre en crise dans l’entre-deux-guerres (nouvelle phase descendante des cycles de Kondratieff).

La crise du monopolisme simple conduit à des adaptations ou dévalorisations structurelles de capital et à une nouvelle régulation par le taux de profit, celle-ci ne peut se faire sans le concours de l’État, dans un sens large. On assiste alors au passage au «capitalisme monopoliste d’État». Ainsi les entreprises publiques et les financements publics, ne réclamant pas le taux de profit normal, constituent du capital dévalorisé de façon structurelle. Cette phase nouvelle au sein du stade monopoliste traverse d’abord une période d’essor, puis à la fin des années 60 elle entre à son tour en crise. Cette crise systémique en cours s’exprime notamment par les privatisations des entreprises multinationales et la mondialisation capitaliste, le chômage et la précarité massive, les crises financières. Son issue impliquerait alors des transformations de structures, une nouvelle régulation. Ainsi la dévalorisation structurelle du capital doit-elle être resituée dans le cadre des difficultés durables et de la recherche de solutions structurelles profondes, permettant de relancer le taux de profit (Marx pointait déjà les solutions structurelles des sociétés par actions, de l’exportation de capitaux : solutions qui commençaient à apparaître). Le «capitalisme monopoliste d’État» met en place des solutions nouvelles qui consistent à faire baisser l’exigence du taux de profit sur une partie du capital, afin de permettre son relèvement sur les autres parties.

 

B- Contradictions et montée des limites du mode de production capitaliste

 

1)     Surproduction de marchandises et saturation du marché

non pour les besoins ce qui engendre une « discordance entre les dimensions restreintes de la consommation sur la base capitaliste et une production qui sans cesse tend à franchir cette barrière qui lui est immanente.» (K. Marx, op.cit, Livre III, chapitre XV page 250).

Marx montre qu’il existe une régulation aveugle du procès de production par le taux de profit. D’où la discordance entre le secteur des biens de production (secteur I) et le secteur des biens de consommation (secteur II). La demande de marchandises est insuffisante alors que la masse du peuple ressent la carence de marchandises et qu’il faut rechercher cette demande à l’étranger sur de lointains marchés. La domination du capital s’impose sur des pays où le système de production capitaliste n’est pas développé. Ceux-ci doivent maintenir leur capital et leur production au niveau qui convient aux pays de production capitaliste.

 

2)     Les limites de la production capitaliste ne sont pas les limites de la production en soi

Ces limites sont propres au mode de production capitaliste, il existe une tendance biaisée au

développement des forces productives, celles-ci entrent en conflit avec les conditions spécifiques de la production (rapports de production capitalistes, loi du profit).

– On ne produit pas trop de subsistances relativement à la population existante, au contraire on en produit trop peu pour satisfaire la masse de la population.

– On ne produit pas trop de moyen de production pour pouvoir employer toute la population, on en produit périodiquement trop pour pouvoir les faire fonctionner comme moyen d’exploitation à un certain taux de profit.

– On ne produit pas trop de richesses, mais on en produit périodiquement trop sous des formes capitalistes contradictoires. La limite du mode de production capitaliste apparaît dans le fait que :

«Avec la baisse tendancielle du taux de profit, le développement de la force productive du travail donne naissance à une loi, qui, à un certain moment, entre en opposition absolue avec le propre développement de cette productivité. De ce fait le conflit doit être constamment surmonté par des crises.» (K. Marx, op.cit.Livre III, p. 251).

– C’est le taux de profit (rapport entre le travail non payé et le travail matérialisé en salaires) qui décide de l’extension ou de la limitation de la production au lieu de la satisfaction des besoins. La production stagne non quand la satisfaction des besoins l’impose mais quand le niveau de profit le commande.

 

C- Recherche de parade à la baisse tendancielle du taux de profit et à la suraccumulation du

capital

Si le taux de profit baisse, il existe une tendance pour un capitaliste à essayer de réaliser un profit extra : course au progrès technique, ou fuite dans la spéculation, les aventures, pour s’assurer un profit plus élevé que la moyenne générale... mais le monopolisme développe aussi ses obstacles.

«Et si la formation de capital devenait le monopole exclusif d’un petit nombre de gros capitaux arrivés à maturité pour lesquels la masse du profit l’emporterait sur le taux, le feu vivifiant de la production s’éteindrait définitivement. Celle-ci tomberait en sommeil». Ibid., page 252

Mais on assiste aussi à des adaptations, à l’émergence de transformations de structure et du système capitaliste, à la recherche d’une nouvelle régulation pour sortir des crises systémiques de suraccumulation durable, par des dévalorisations structurelles de capital comme des nationalisations ayant réclamé une moindre valorisation par le taux de profit. Cela n’empêche pas de contribuer à d’autres crises tant qu’on reste dans le système capitaliste, jusqu’à la crise systémique en cours.

 

D- Devenir du mode de production capitaliste

Marx montre que si : « le taux de profit est la force motrice de la production capitaliste... on n ’y produit que ce qui peut être produit avec du profit, et pour autant que cela peut être produit avec profit».

Cela explique, selon lui, l’angoisse des économistes anglais [NDLR : Ricardo] au sujet de la baisse tendancielle du taux de profit. La baisse tendancielle du taux de profit exprime les limites mêmes du mode de production capitaliste. Mais les économistes anglais en ont attribué la responsabilité à la nature, à la rente. Ils n’ont pas vu le caractère historique du mode de production capitaliste. Celui-ci n’est pas un

mode de production absolu, mais un mode de production correspondant à une certaine époque historique. À une certaine étape du développement, les rapports de production capitalistes qui ont été un facteur de progression des forces productives deviennent un frein. La contradiction entre les forces

productives et les rapports de production éclate avec les exigences des nouvelles technologies, comme de nos jours avec la révolution informationnelle et ses exigences de développement des travailleurs à l’échelle mondiale. Ceci prépare les exigences d’un autre mode de production émancipé de la régulation aveugle par le taux de profit avec une autre régulation systémique.

 

Bibliographie

Karl Marx, Le Capital. Livre I (1867). Éditions Sociales. 1977 – édition de poche.

Deuxième section : La transformation de l’argent en capital.

Chapitre 4. La formule générale du capital.

Chapitre 5. Les contradictions de la formule générale du capital.

Chapitre 6. Achat et vente de la force de travail.

Chapitre 9. Le taux de la plus-value. Karl Marx, Le Capital, Livre III,(1894) ch. XV, éditions sociales, éd. poche, 1977.

Karl Marx, Le Capital, Livre III,(1894) ch. XIII, ch.XIV, ch. XV, éditions sociales, éd. poche, 1977.

Paul Boccara, Introduction à l’édition de poche de Karl Marx, Le Capital. Livre I (1867) p. VI-XL. Éditions Sociales.

1977 – édition de poche.

Paul Boccara, Études sur le capitalisme monopoliste d’État, sa crise et son issue, Éditions sociales, [1973], p. 226, reprise d’un article

d’Economie et Politique de déc. 1969.

Paul Boccara, La Pensée, nO277, sept-oct 1990, p. 13 «Suraccumulation et dévalorisation du capital» avec une histoire des théories de la

suraccumulation et de la dévalorisation du capital dans la pensée économique, jusqu’à la période récente.

Paul Boccara, Histoire de la pensée économique, Deug Sciences économiques, 2e année , Université de Picardie, notes de cours

polycopiées, 1989-1990.

Catherine Mills, Economie Politique, 3e édition, Montchrestien coll. AES, 2004 p. 92 et suite

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