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22 mai 2011 7 22 /05 /mai /2011 09:55

Mai 2011

Editorial Par Jean-Paul Piérot

 

La révolution tunisienne vit 
des heures difficiles. Quatre mois après le coup de tonnerre 
de la chute de Ben Ali, qui a libéré 
une énergie communicative dans plusieurs pays 
de la région, entraînant dans son sillage le renversement du raïs égyptien Hosni Moubarak, la Tunisie est menacée d’une contre-révolution larvée, rampante, paralysante. 
Le dictateur, dont s’accomoda l’Occident pendant 
un quart de siècle, a été terrassé par la jeunesse, 
par les pauvres des régions enclavées de l’intérieur. 
Mais les forces politiques et économiques qui ont dominé le pays sous le règne de Ben Ali ont engagé un formidable bras de fer avec le peuple pour assurer la poursuite 
de leur leadership et la prospérité de leurs affaires.

Ministres de l’ancien régime s’accrochant à leur portefeuille, affairistes liés au clan du tyran déchu, cadres de l’ex-parti RCD se recyclant sous d’autres étiquettes, anciens flics aux manettes de la déstabilisation : la coalition d’intérêts contre la révolution démocratique 
et sociale demeure puissante. La répression des manifestations au début mai suscite l’inquiétude sur la tenue prévue des élections le 24 juillet prochain. Le pays annonciateur 
du printemps 
des peuples au Maghreb 
et au Machrek est-il 
sur le chemin d’une 
normalisation libérale, 
va-t-il subir un coup 
d’arrêt de sa révolution ? 
La gauche tunisienne, le mouvement syndical qui joua 
un rôle déterminant dans la victoire populaire du 14 janvier 2011, tout ce que le pays compte de progressistes et de démocrates est conscient de la portée des enjeux.

Le peuple tunisien s’est battu bien seul contre le régime policier. La France officielle, celle 
de Nicolas Sarkozy et de Michèle Alliot-Marie, était tout acquise au despote de Carthage ; le premier avait cru voir des progrès en matière de démocratie sous le régime 
de Ben Ali ; la seconde survolait les cortèges à bord 
de l’avion d’un proche du dictateur et avait proposé l’aide de la France en matière de « gestion des foules », aimable litote pour désigner la répression des manifestations. Seul le renversement du tyran a empêché, semble-t-il, l’aboutissement du projet. Aujourd’hui, après 
des paroles formelles de soutien à la révolution pour faire oublier la compromission passée, Nicolas Sarkozy 
a ouvert la chasse à de nouveaux boucs émissaires : 
les réfugiés tunisiens qui traversent au péril de leur vie 
la Méditerranée pour échapper à la misère et à la guerre. La Tunisie doit faire face à un afflux de réfugiés 
qui fuient les combats interlibyens et les bombardements franco-britanniques. Paris remet en cause les accords de Schengen, ferme la frontière aux ressortissants tunisiens.

La Tunisie, celle qui était chère aux dirigeants français, qui fut louée comme un bon élève du FMI, était un pays à deux vitesses, touristique et sous-traitant low cost sur le littoral, mais misérable à l’intérieur… 
Ce régime laisse un héritage de 700 000 chômeurs, 
dont 150 000 diplômés. Plus occupé à intervenir militairement en Libye, au risque de relégitimer Kadhafi aux yeux des Libyens, Nicolas Sarkozy va-t-il sacrifier 
la Tunisie, qui a besoin d’une aide internationale 
de cinq milliards de dollars par an au cours 
des cinq prochaines années ? Le peuple, qui a su 
se libérer d’une dictature féroce, a droit au respect 
et au soutien. Rencontrant aujourd’hui Nicolas Sarkozy, à quelques jours du sommet du G8 à Deauville, le premier ministre de transition Beji Caïd Essabsi a-t-il fait entendre la voix de son peuple ? Pour l’heure, il est instrumentalisé 
dans une odieuse campagne anti-immigrés sous la houlette de Claude Guéant. C’est intolérable.

Nicolas Sarkozy 
a ouvert la chasse 
à de nouveaux boucs émissaires: les réfugiés tunisiens.

Jean-Paul Piérot

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